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"Homicide routier": une nouvelle disposition déjà bien acceptée

Dans Economie / Politique / Politique

Pierre-Olivier Marie, Stéphanie Fontaine , mis à jour

Le délit d'homicide routier va remplacer celui d'homicide involontaire, et les Français sont pour.

"Homicide routier": une nouvelle disposition déjà bien acceptée

La création d’un délit d’homicide routier sera officialisée aujourd’hui à l’issue d’un Comité interministériel de sécurité routière. Cette appellation remplace celle d’homicide involontaire, jusqu’ici utilisée pour désigner le cas d’un accident mortel causé alors que l’on conduisait sous l’emprise d’alcool et/ou de stupéfiants.

Une évolution qui satisfait les associations de victimes d’accidents de la route : « beaucoup d'associations de victimes demandaient depuis des années que ce qualificatif d''homicide involontaire' disparaisse. Pour ces associations, c'était vraiment très compliqué tout au long des procédures, d'entendre ce caractère 'involontaire’ », déclarait ce matin sur France Info Anne Lavaud, Déléguée générale de la Prévention routière.

Intérêt statistique

Sur le fond, cette mesure n’entraîne pas d’aggravation des peines encourues par le conducteur fautif. Des peines passibles de 5 à 10 ans d’emprisonnement, assorties de la perte de 6 points de permis. Quant aux « blessures involontaires », elles deviendraient « blessures routières ».

Reste que cette évolution, qui s’inscrit dans un contexte d’accidents à fort retentissement (affaire Palmade, décès d’Antoine Alléno, fillette percutée à Trappes (78), etc.) présente un indéniable intérêt statistique : "Avec ce qualificatif d'homicide routier, on va pouvoir qualifier les victimes. Et donc, ça va nous éclairer davantage sur qui est victime. Et peut-être que là, en termes de pédagogie, on va pouvoir s'asseoir sur ces chiffres", explique Anne Lavaud.

Cette mesure, qui fait l’objet d’un véritable consensus politique, reçoit aussi l’approbation de 84% des Français, ainsi que l’a révélé un sondage IFOP publié début juillet.

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De même, 61% des personnes interrogées espèrent que la création de ce délit d’homicide routier aura pour vertu de responsabiliser les jeunes, catégorie particulièrement susceptible de prendre le volant sous l’emprise de l’alcool.

 

Interview

"Sans hypocrisie, il y aurait plus de sévérité !"

Le 4 juin dernier, Caradisiac interviewait Me Caroline Tichit, avocate experte en droit routier, au sujet de la création du délit d'homicide routier. Pour elle, inutile de changer la loi, "tout est là", il suffit d'appliquer les textes !

"Homicide routier": une nouvelle disposition déjà bien acceptée

 

Caradisiac - Il semble qu’au minimum un changement de « terminologie » soit à venir pour créer un nouveau délit d’homicide « routier » dans le code pénal, lequel viserait les conducteurs alcoolisés ou drogués, responsables d’accidents mortels. Qu’en pensez-vous ?

Caroline Tichit - Je ne suis pas à l’aise d’un point de vue juridique avec tout ce que j’entends à ce sujet, même si je comprends tout à fait l’émotion que suscitent de tels accidents.

 

Caradisiac - Parler d’homicide involontaire peut paraître peu audible quand on sait très bien que conduire dans un état pareil est très dangereux… Qu’est-ce qu’il vous gêne ?

C.Tichit - Je ne cherche pas à nier les responsabilités des conducteurs fautifs, mais il faut bien comprendre que juridiquement, on ne peut pas parler d’homicide volontaire quand il n’y a pas eu clairement une volonté de tuer. Prendre un risque ne veut pas dire que l'on souhaite la mort de quiconque… Or, de fait, ces conducteurs quand ils prennent le volant, aussi dangereux soient-ils, ne le font pas dans l’intention délibérée de causer un accident, encore moins de tuer. Sauf cas particulier… Selon moi, l’arsenal juridique est déjà très complet, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer sur Caradisiac, il suffit de l’appliquer. Je ne vois pas très bien où toutes les discussions en cours vont bien pouvoir aboutir à ce stade.

 

Caradisiac - Au-delà du changement d’appellation, la Première ministre a bien parlé (voir notre précédent article sur le sujet) de sanctions « qui doivent sans doute être renforcées pour ceux qui conduisent sous l’emprise des stupéfiants », en plus d’un durcissement des contrôles (passant de 800 000 à 1 million par an)…

C.Tichit - Les sanctions prévues sont déjà très sévères ! Être reconnu coupable d’un homicide involontaire après usage de stupéfiants est tout de même passible de 7 ans de prison, si vous y ajoutez une autre circonstance aggravante, comme l’alcoolémie, c’est 10 ans ! Et les peines complémentaires peuvent être d’une extrême gravité dans la vie des condamnés, comme l’annulation ou la suspension du permis de conduire jusqu’à 3 ans. Il ne me semble vraiment pas utile de changer la loi. Encore une fois, il suffit d’appliquer les textes !

 

Caradisiac - Gérald Darmanin a répété sa volonté de proposer un retrait immédiat des 12 points de permis…

C.Tichit - Quand on voit les difficultés qui existent pour passer son permis, je m’interroge franchement sur les conséquences d’une telle décision. Que veut-on ? Que les gens prennent le risque de conduire sans permis ? Ce qui implique qu’ils seraient sans assurance ? Il faut vraiment se méfier avec ces annonces, qui si elles deviennent effectives peuvent être lourdes de conséquences en termes de sécurité. La politique à mener se doit tout de même d’être efficace. Et la justice a besoin de sérénité et de sens. Il faut voir comment elle est de plus en plus rendue : vous n’êtes plus arrêté quand vous commettez une infraction, vous recevez des amendes par La Poste, et vous n’êtes plus forcément convoqué au tribunal pour être jugé, vous l’êtes via des procédures simplifiées, si bien que vous recevez un simple courrier pour tout jugement… Les gens ne comprennent plus rien !

 

Caradisiac- Les peines prononcées par les juges ne seraient jamais à la hauteur de ce qui est prévu par les textes, et surtout des questions se posent quant à l’effectivité de l’application de ces peines. Même le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, l’a reconnu !

C.Tichit - Il me paraîtrait en effet beaucoup moins hypocrite de parler de ces difficultés, et de faire que la situation s’améliore à ce niveau-là, plutôt que réfléchir à sévériser une fois de plus des peines qui ne seront donc pas forcément appliquées.

Sur la sévérité des peines prononcées, je ne suis tout de même pas sur la même ligne. De fait, dans ma pratique, ce que je vois, c’est que les juges sont de plus en plus sévères. C’est un fait mathématique. Chez vos confrères de France Info, François Molins l’a d’ailleurs indiqué : la durée moyenne des peines prononcées en Correctionnel a augmenté de plus deux mois ces dernières années. À tous les niveaux, la justice se durcit, je le vis ! En cas de récidive d’un délit routier, le permis est par exemple purement et simplement annulé. C’est automatique. Et la confiscation obligatoire du véhicule est également prévue.

 

Caradisiac - Que les juges soient de plus en plus sévères, c’est peut-être un fait, mais on reste tout de même très loin des peines maximales, n’est-ce pas ?

C.Tichit - Il existe en effet des maxima légaux, et il y a des particularités en fonction des circonstances qui permettent une individualisation des peines. Le profil des conducteurs est tout de même important : vous ne jugez pas de la même façon un multirécidiviste qui ne paraît pas très concerné et un tout jeune effondré, qui vient d’avoir son permis et qui aurait eu par exemple un parcours personnel des plus difficiles avec des parents dysfonctionnels, ce qui expliquerait sa consommation de drogue… Vous imaginez bien qu’en fonction des dossiers, les peines prononcées peuvent grandement varier.

Et je vais vous dire, rien n’empêche les parquetiers de serrer de nouveau la vis, dans le cadre des textes déjà en vigueur. Il est tout à fait envisageable de durcir les peines, dès à présent, sans avoir à changer la loi.

 

Caradisiac - Que voulez-vous dire, ce ne sont pas les procureurs qui jugent ?

C.Tichit - Il suffit d’aller voir comment cela se passe en audiences, ce sont les réquisitions des procureurs qui donnent le la aux futures décisions. C’est bien en fonction de ces réquisitions que celles-ci sont en partie prises. Je vous rappelle que les procureurs ne sont pas des magistrats indépendants, leurs réquisitions s’inscrivent dans le cadre d’une politique d’ordre public insufflée par les procureurs généraux, sous l’autorité du ministère de la Justice… Et s’il est donc donné pour instruction de sévériser ces réquisitions, il me paraît évident que les décisions rendues par les juges de siège le seront également ! Là aussi, cela me paraîtrait moins hypocrite de procéder ainsi. Et surtout plus crédible !

Propos recueillis par Stéphanie Fontaine

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