Jacques Laffite est tout sauf un pilote qui a le melon, il parle de beaucoup d'autres pilotes avec admiration. Il a une faculté à se mettre en retrait assez étonnante pour un ancien vainqueur de Grand Prix. On est clairement sur une génération particulière (Ragnotti, 63 ans, est du même acabit.) qui a fait le lien entre les seventies glamour et fêtard et les mi-eighties où la technologie a peu à peu pris le pas sur l’humain.

"Moi, je suis un trouillard. (ben voyons) Gilles et Didier (Pironi et Villeneuve) sur le Paul Ricard c’était quelque chose. C’était toujours à celui ’qui passe à fond’.

  • t’as vu, là je passe à fond
  • ah ouais ? ben moi aussi.

Et hop, ça partait dans les graviers. Mais ils recommençaient quand même. Et ils repartaient en tonneau ! Tout le temps. Quand tu arrivais dans Signes, tu pensais surtout à regarder où tu mettais les roues. C’était fin mais quasiment à fond et franchement tu ne pouvais pas t’attendre à ce qu’on te passe là. Gilles l’a fait. Je ne l’ai pas vu arriver, il a plongé avant moi. Si je ne l’aperçois pas un dixième de secondes avant d’y aller, on se touche et on se tue. ’Me suis fait baiser sur ce coup.

Jacques Laffite teste une Renault F1 R27

Pareil avec Giacomelli lorsque j’ai pris des coups de roues en F2. On se dit qu’en monoplace, ça ne se fait pas, et bien si. Là aussi, me suis fait baiser".

Jacques Laffite teste une Renault F1 R27

Le franc parler de Laffite et Malbranque, c’est ça. je vous passe les histoires de Raïkkönen et Vodka, 2 amis proches, les soirées entre pilotes qui se terminent chiffon, Villeneuve et Schumacher qui se bourrent la gueule ensemble en 1997 après le GP de Jerez ... etc, ce serait trop long.

Jacques Laffite teste une Renault F1 R27

Lorsque je lui demande si cette journée va changer sa perception des pilotes d’aujourd’hui, Jacques Laffite embraye aussitôt :

"Je respecte tous ces pilotes. Tout le temps. Mais plus rien n’est pareil. Une F1 d’aujourd’hui répond de façon incroyable. Ça freine, ça tourne et ça accélère tout le temps. Il faut être très très précis, très rapide dans ses gestes, les limites sont très difficiles à cerner.

Quand tu arrives dans Signes à 290 km/h, tu sais, bien avant la courbe, que ça doit passer à fond. Bon, je n’y suis pas arrivé et je ne sais pas encore comment je vais annoncer ça à tout ceux à qui je me suis vanté par avance de pouvoir le faire ... Bon, on s’en fout c’était génial. De mon temps, il y avait beaucoup plus d’imprécision, de "marge", il fallait plus de cœur pour aller vite. Aujourd’hui, tout est décortiqué, analysé, tu peux aller vite assez rapidement mais pour être très vite c’est différent. Ils sont sur un fil. Il y a moins d’écart entre les pilotes. C’est là que tu vois que les stratégies favorisant l’un ou l’autre notamment aux essais, deviennent déterminantes sur le résultat final. J'apprends alors que jamais Kovalainen n'a bénéficié de l'avantage d'un réservoir moins chargé en qualifications (ses résultats sont d'autant plus remarquables) et que, oui, il y a forcément un pilote avantagé dans une écurie.

Après, il y a le mental, la chance.... Ces voitures sont vraiment incroyables. Le potentiel est énorme. Ça ne ratatouille jamais, ça te pousse dans le dos en permanence et tu te demandes jusqu’où il faut repousser tes repères de freinage pour la prendre en défaut. En général, c’est d’abord toi qui n’arrive plus à suivre. Pour descendre les vitesses, je faisais comme à l’époque : baaam, baaam, baaam, baaam mais en fait dès que tu arrives en bout de freinage, il faut tout tomber d’un coup. Tout va beaucoup plus vite."

Jacques Laffite teste une Renault F1 R27
Jacques Laffite teste une Renault F1 R27

"Mais bon ça va, je suis encore en forme, je ne suis pas trop cassé....en fait, je pense que c’est ce soir que je vais déguster !"

Jacques Laffite, l’histoire d’un mec plutôt simple et bon vivant, produit d’une époque que l'on croit révolue qui pourtant existe toujours aujourd’hui. Mais l’apparat de cette F1 moderne ultra technologique et ultra marketée ne veut pas que nous en soyons témoins. Elle est pourtant là, la vraie F1 : dans l'histoire véridique des hommes qui ont la charge d'amener leurs montures en tête sous le damier.

Quand nous allumerons notre télé le Dimanche, n'oublions pas que Jacques Laffite l'a déjà fait à 6 reprises.

Jacques Laffite teste une Renault F1 R27

PS : Plusieurs reportages télé ont été réalisés, il se pourrait donc que vous puissiez découvrir plus en détails tout ceci dans quelques jours ou semaines.