La semaine dernière, le ministre français de l’agriculture et de la pêche Michel Barnier s'est rendu dans le département de la Somme pour le suivi du Grenelle de l’environnement sur l’agriculture raisonnée et les biocarburants. Au Laboratoire de l’INRA-Lille Site d’Estrée-Mons, il a visité des laboratoires et le dispositif expérimental concernant les biocarburants de seconde génération. Il a aussi participé à la Table ronde sur les "biocarburants d’aujourd’hui et de demain". Michel Barnier a souligné que le gouvernement continuait de soutenir la politique de développement des biocarburants : l’objectif est de 7% de biocarburants dans les carburants en 2010. Comme l'a rappelé le président Nicolas Sarkozy dans son discours de clôture du Grenelle, la France ne reviendra pas sur les engagements pris. Il explique qu'au niveau européen, la décision du conseil européen en mars 2007, avec un objectif de 10% de biocarburants en 2020 en Europe, a été confirmée par la commission dans son projet de paquet énergie-climat. Des investissements de 2 milliards d’euros ont été réalisés.

Voici des extraits de l'intervention du ministre de l’agriculture :

"Cet objectif de biocarburants, ce n’est pas qu’un objectif environnemental, c’est aussi un facteur : de développement d’emploi sur les territoires (30000 en 2010) ; d’indépendance énergétique ; de baisse de la facture pétrolière ; de balance commerciale : n’oublions pas que les royalties payées sur les énergies fossiles vont aux pays producteurs. Nous savons que notre politique est compatible avec le potentiel agronomique : 7% de biocarburants dans les essences en 2010, cela représentera 7% de la surface agricole utile française dédiée vers ces filières, avec également une certaine complémentarité avec les filières alimentaires classiques. Dans les filières basées sur le colza, la production de tourteaux permet d’éviter le recours aux tourteaux de soja pour l’apport protéique de l’alimentation animale. C’est donc aussi un facteur de l’indépendance protéique de notre pays. Mais pour l’objectif de 10%, nous aurons besoin des biocarburants de seconde génération et d’étudier plus finement les conditions des différentes filières.

Nous devons aussi nous assurer du caractère "durable" des biocarburants, en étant exigeants sur l’efficacité énergétique et sur l’efficacité environnementale. Des biocarburants durables, c’est la clef de leur acceptabilité sociale. Il faut donc être performant en terme de CO2 évité, au litre de biocarburant utilisé en substitution d’essence ou de diesel. Le plan biocarburants, c’est 5% de réduction en 2010 sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur le plus problématique, le secteur des transport, soit 7,5 millions de tonnes de CO2 économisés. Et en terme de biodiversité (préservation des zones à haute valeur environnementale), d’impacts sur l’usage des terres et la déforestation.

Tout ceci suppose un débat approfondi sur la méthodologie qui sera retenue pour établir les critères de durabilité, et pour le futur dispositif de certification préfiguré dans le paquet "énergie-climat". Je me suis battu, à Bruxelles, pour que les critères de durabilité ne conduisent pas à exclure en 2008 des filières européennes, dont les écobilans sont connus, surs et maitrisés, ce qui n’est pas le cas de tous les biocarburants importés. Mais le chiffre de 35% de réduction d’émission à compter de 2013, qui a été retenu le 23 janvier par la commission, sera probablement une exigence minimale adressée à l’avenir aux filières de biocarburants. Cela exige des usines de plus en plus performantes et optimisées, comme c’est le cas pour les nouvelles unités récemment mises en production. Nous aurons donc besoin des derniers chiffres attestant de l’efficacité environnementale des filières françaises : j’invite donc les industriels à faire les calculs et à publier rapidement des bilans actualisés de vos filières, sur la base de la méthodologie qui sera retenue dans l’étude ADEME, étude qui devrait être rendue publique dans les prochains jours.

Cette exigence environnementale, et la limitation de la compétition avec les débouchés alimentaires, cela veut dire un passage progressif vers les biocarburants de seconde génération. Il est nécessaire d’avoir au plus vite (3 à 5 ans) une démonstration pré-industrielle des biocarburants de seconde génération. Je suis très favorable à la constitution d’un fonds de soutien pour les projets de pilotes industriels qui devront être lancés dans les deux filières dès 2008, tel qu’annoncé lors du Grenelle. Il faut "savoir où on va", il faut pouvoir dresser rapidement les bilans énergétiques et économiques, sur chacune des voies, sèche et humide, de production des biocarburants à partir de plantes entières. Ce travail commence par la connaissance et la sélection des plantes dédiées comme ici à l’INRA. Les plantes de demain doivent être conçues aujourd’hui. D’une manière générale, l’approvisionnement en biomasse représentera plus de la moitié des coûts de production des carburants de seconde génération. Il faudra donc une politique de l’offre et pas seulement une politique de la demande.

Il faudra aussi garantir la diffusion des techniques. Mon ministère prépare cette phase avec les acteurs du développement agricole, à travers la constitution d’un réseau mixte technologique (RMT) biomasse, qui a vu le jour le 9 janvier dernier, en associant l’INRA, des chambres d’agriculture, des instituts techniques, et un lycée agricole. Le pôle IAR, un des neuf pôles à vocation mondiale, a développé des relations étroites avec une quinzaine de pôles français et différents partenaires étrangers. Durant la présidence française, une conférence européenne sur les bioraffineries doit avoir lieu et nous avons proposé sa labellisation "présidence française". Enfin, la direction à suivre, c’est celle du complexe industriel intégré, et la naissance de véritables "bio-raffineries" : les biocarburants ne sont qu’un point de passage vers ce concept qui emprunte à la raffinerie de pétrole brut. Cette philosophie est déjà concrète : c’est celle adoptée par exemple par les projets : BIOhub développé par Roquette, FUTUROL du pôle IAR, à Bazancourt dans la Marne. Ce projet présenté devant l’agence de l’innovation industrielle, a un très bon espoir de financement.

En conclusion, la seconde génération ne se fera pas en rupture avec les investissements réalisés pour la première génération, mais en continuité, comme le montre la forte implication des industriels de la première génération dans les projets d’usines prototypes. Les investissements dans la première génération ne sont pas à fonds perdus: Dans la seconde génération par voie biologique, les unités de bio-raffinage devront s’appuyer sur des unités de 1ère génération et les investissements existants seront utilisés. Tout cela montre qu’il faut appréhender de manière coordonnée les enjeux des biocarburants et de la chimie du végétal : à ce titre je suis favorable à une révision du périmètre du programme national de recherche pour les bioénergies, pour prendre en compte les autres valorisations, notamment la chimie du végétal. L’objectif stratégique de doubler d’ici 2015 la part des ressources renouvelables dans l’industrie chimique, soit passer de 1 à 2 Millions de tonnes d’équivalent pétrole par an, soit passer d’une substitution de 7 à 15% du pétrole à usage non énergétique. C’est finalement tout aussi important que le plan biocarburant et ses 2 Millions de TEP substituées en 2010.

Mesdames, Messieurs, je propose que l’on prenne maintenant le temps du débat sur ces questions de la chimie du végétal, sur les conditions de la mise en place d’une telle économie notamment vis-à-vis de l’amont agricole."

(Source : ministère de l'Agriculture et de la Pêche Photo : Fred Tanneau)