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Enquête - Les incohérences de la sécurité routière

Dans Pratique / Sécurité

Pierre-Olivier Marie

Les radars automatiques ont certes permis une forte baisse du nombre de victimes sur les routes, mais il n'empêche que les chiffres stagnent depuis plusieurs années. Et si les autorités exploraient enfin d'autres pistes?

Au 1er janvier 2023, on dénombrait 4 530 radars dont 2 482 radars fixes de vitesse (photo), 709 radars de franchissement (feu rouge ou passage à niveau), 999 radars mobiles (embarqués ou déployables en bord de route), et 340 radars autonomes (déplaçables).
Au 1er janvier 2023, on dénombrait 4 530 radars dont 2 482 radars fixes de vitesse (photo), 709 radars de franchissement (feu rouge ou passage à niveau), 999 radars mobiles (embarqués ou déployables en bord de route), et 340 radars autonomes (déplaçables).

Le premier radar automatique fêtait tout récemment son vingtième anniversaire, et on ne reviendra pas ici sur les résultats tangibles obtenus par le système de contrôle sanction automatisé.

On est en effet passé de 7 242 morts sur les routes en 2002 à 3 350 l’an dernier, et absolument personne ne remettra en cause le fait que ces (satanés) radars ont joué un rôle important dans cette amélioration, en contribuant à un apaisement général de la conduite.

Pour autant, nombre d’automobilistes continuent de fustiger le caractère « pompe-à-fric » d’un dispositif qui traque le moindre km/h de trop dans des zones où l’on peine parfois à en distinguer le véritable intérêt.

Quelques 16,5 millions d’avis de contravention ont ainsi été émis l’an dernier, rapportant quelques 928 millions d’euros. Cette somme représente environ un quart de l’effort financier consacré par l’Etat à la sécurité routière (3,7 milliards d’euros).

Mais pour bien rodé et efficace que soit le système, il faut aussi avoir à l’esprit que persistent de nombreux manques en matière de sécurité routière, quand il ne s’agit pas de véritables aberrations.

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Ceci explique aussi en partie pourquoi, malgré les moyens alloués à l’arsenal répressif, les statistiques stagnent depuis plusieurs années. Ainsi, alors que la mortalité routière avait chuté de 51% entre 2000 et 2010 en France métropolitaine, elle n’aura baisse « que » de 18% durant la décennie suivante malgré l’important déploiement du parc de radars automatiques. C’est donc le signe qu’il y a d’autres leviers à actionner, comme par exemple ceux que nous allons lister ci-dessous.

Les radars traquent sans merci le moindre km/h excédentaire, mais pendant ce temps…


…les autorités laissent le choix entre 80 et 90 km/h

Enquête - Les incohérences de la sécurité routière

Le chiffre : 50 départements sur 96 sont partiellement repassés aux 90 km/h

En principe, une loi s’applique de façon unique sur tout le territoire. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi les pouvoirs publics autorisent encore les exécutifs départementaux à décider ou non du maintien de la limitation de vitesse à 80 km/h, entrée en vigueur en juin 2018.

Une cinquantaine de départements (bientôt 52, selon la Ligue de défense des conducteurs qui en tient une comptabilité scrupuleuse) sur les 96 que compte l’Hexagone ont déjà décidé de revenir aux 90 km/h sur tout ou partie de leur territoire, au détriment de la lisibilité de la mesure.

Ce faisant, les autorités entretiennent elles-mêmes le flou autour du bien-fondé de cette limitation dont on peine il est vrai à percevoir les bénéfices réels en termes de sécurité routière.

Mais à partir du moment où les pouvoirs publics considèrent que 80 km/h réduit la distance d’arrêt de 13 mètres par rapport à 90 km/h, pourquoi laisser encore le choix?

En fait, la sécurité routière est ici l’otage de considérations politiques, avec des élus locaux qui trouvent ainsi un moyen de se défier des consignes décidées à Paris. Mais quand en parallèle les radars traquent sans merci le moindre km/h excédentaire, cette souplesse brouille totalement le message.

 

…on laisse se dégrader l’état du réseau routier (et de la signalisation)

Enquête - Les incohérences de la sécurité routière

Le chiffre : 19,3 % du réseau de routes nationales étaient en mauvais état en 2020

Selon le rapport 2022 de l'Observatoire national de la route, 19,3 % du réseau de routes nationales étaient en mauvais état en 2020, contre 18,9 % en 2019 et 16,75 % en 2018 : « L’analyse tendancielle permet de confirmer la lente mais constante dégradation des chaussées constatée par le passé, notamment sur les chaussées nécessitant un entretien de structure », est-il indiqué dans le document, qui précise par ailleurs que « l’analyse sur les différents exercices montre que l’état du patrimoine de ponts de l’État se dégrade régulièrement depuis 2017. »

Et l’organisme de conclure que « l’historique des données recueillies par l’Observatoire montre une évolution importante cette année : pour la première fois depuis 2016, les dépenses publiques d’investissement dédiées à la voirie sont en baisse. »

L’Etat en est certes conscient, et rectifie le tir. Répondant en juillet à la question d’un sénateur, le gouvernement précise que « les efforts en matière d'augmentation des budgets dédiés à l'entretien du réseau routier national non concédé ont été considérables, passant de 666 millions d'euros par an avant 2017 à 820 millions sur la période 2018-2022 et 910 millions en 2023, selon la trajectoire définie dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM) avec une priorité donnée à l'entretien des ouvrages d'art. » Mais il n’empêche qu’un retard a été pris, et que celui-ci sera long à rattraper.

Enquête - Les incohérences de la sécurité routière

D’autant que s’ajoute un autre « chantier », celui de la signalisation routière. Selon un sondage publié en 2022 par la Syndicat des équipements de la route (qui prêche ici pour sa paroisse, certes), l'amélioration de l’état du réseau et de ses équipements est une action jugée prioritaire par 52% des Français.

 

…on sanctionne à peine la conduite sans assurance / sans permis

source: ONISR

Le chiffre : seulement 750 € d’amende forfaitaire pour un conducteur non assuré

Selon les estimations de l’observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) quelques 800 000 personnes circuleraient aujourd’hui sans assurance en France (tous véhicules confondus).

Une bien mauvaise idée pourtant, si l’on considère que quand un conducteur non-assuré est impliqué dans un accident, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO), qui prendra bien en charge le montant des dommages et des indemnités versées aux victimes, se retournera ensuite vers le fautif pour qu’il règle la totalité des sommes engagées. Et c’est ainsi que celui-ci se retrouvera endetté pour des années, voire une vie entière !

Or, le FGAO annonce que près de 8 500 personnes ont été victimes l’an dernier de conducteurs en défaut d’assurance en 2022, chiffre en hausse de 3,5% par rapport à 2021.

Le constat est inquiétant, on le voit, mais que risquent concrètement les contrevenants ? A peine 750 € d’amende en cas de contrôle, et 3 750 € en cas de récidive, assortie de peines complémentaires (suspension ou annulation de permis avec interdiction de le repasser, confiscation du véhicule…). Pourquoi se gêner, dans ces conditions ? On se demande clairement pourquoi la peine en récidive n’est pas appliquée d’office au premier contrôle.

 

…on laisse rouler des trottinettes au milieu des voitures

Enquête - Les incohérences de la sécurité routière

Le chiffre : 50 % des « trottinettistes » reconnaissent ne pas toujours laisser la priorité aux piétons

Quel message les pouvoirs publics espèrent-ils envoyer aux automobilistes en tolérant la circulation anarchique des EDPm (engins de déplacements personnels motorisés) sur la voie publique ?

Casque audio souvent vissé sur les oreilles, ils circulent tantôt sur les trottoirs en ville (malgré les interdictions), tantôt à contresens, tantôt en duo alors que c’est interdit, tantôt sur la chaussée sur une voie où il est impossible de doubler, bloquant une file d’automobilistes fulminants à moins de 25 km/h… On pourrait multiplier les exemples à l’envi

Ces acteurs du « camp du bien » sous prétexte qu’ils ne polluent pas et participent au désengorgement de la chaussée, semblent bénéficient  à ce titre d’une étonnante mansuétude de la part des pouvoirs publics.

Or, selon une étude sur le partage de la route menée par l’assureur MMA, 50 % des «trottinettistes» reconnaissent ne pas toujours laisser la priorité aux piétons, tandis que 44 % roulent en utilisant leur téléphone à la main, chiffre qui s’élève même à 69 % chez les 18 à 24 ans.

Et la même étude d’annoncer que pour plus des deux tiers des piétons, les plus grands dangers sont les trottinettes électriques ou vélos sur le trottoir (68 %)

Les autorités ont récemment durci l’arsenal de sanctions censées limiter les comportements dangereux. Sont désormais punis d’une amende de 135 € le transport de passager sur un EDPm et la circulation sur voie interdite (voies express et autoroutes, ainsi que la circulation sur la chaussée alors qu’il existe une piste cyclable).

Un réveil bien tardif, sachant par ailleurs qu’une étude Harris Interactive montre que seuls 51% des usagers d’EDPm portent des accessoires réfléchissants, 50% un casque (pourtant hautement recommandé), 42% enfilent des vêtements clairs (42%). Et c’est bien avec eux que les automobilistes - et piétons - sont désormais sommés de partager la voie publique…

…on n’impose pas le port du casque aux cyclistes

Même les ministres (Clément Beaune - Transports, et Christophe Béchu - Ecologie) circulent à vélo sans casque...
Même les ministres (Clément Beaune - Transports, et Christophe Béchu - Ecologie) circulent à vélo sans casque...

Le chiffre : le risque d’être victime d’un accident est 3 fois plus élevé pour un cycliste que pour un automobiliste

La sécurité routière le dit clairement : « le casque représente le plus sûr moyen de protéger sa tête en cas de chute ou de collision. Les blessures dues à un choc sur le crâne demeurent la première cause de décès chez les cyclistes. » Et le même organisme d’ajouter que « selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), le risque pour un cycliste d’être victime d’un accident est trois fois plus élevé que pour un automobiliste. Le risque d’être gravement blessé est seize fois plus élevé que pour un automobiliste. Et les blessures les plus graves touchent la tête. » Et… ? Rien du tout !

A l’heure où, soutenue par les pouvoirs publics, la bonne vieille bicyclette connaît un engouement sans précédent dans les rues des grandes villes, on se demande bien pourquoi le port d’un casque n’est pas rendu obligatoire par les autorités, et pas seulement pour les vélos électriques qui atteignent les 25 km/h sans effort.

En effet, seuls les 12 ans et moins sont tenus de porter un casque. Pour les autres, cet accessoire est uniquement « recommandé » alors même qu’il devrait tout simplement être rendu obligatoire à tous les âges et pour tous types de trajets. Simple question de bon sens.

Un bon sens qui semble parfois faire défaut à nos autorités, ainsi que l’illustrent ces quelques exemples auxquels on aurait notamment pu ajouter le flou artistique qui règne encore sur l’utilisation des pneus hiver et les faiblesses des dépistages de drogue et/ou d’alcool.

La politique du tout-radar a aujourd’hui atteint ses limites. Il va maintenant falloir élargir le spectre, et en vitesse!

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