Les intervenants de la seconde table-ronde "Automobile et Environnement : penser la mobilité autrement" : le président d'Auto'trement Jean-Baptiste Schmider ; le président d'Europcar Éric Ledroux ; Jean Cosson à la Direction du Développement durable de la SNCF ; la vice-présidente commerciale de Transavia Hélène Abraham.

Hélène Abraham : "Parallèlement au secteur automobile qui fait des efforts pour réduire les émissions polluantes des véhicules, le secteur aéronautique se consacre aussi à la recherche et au développement pour améliorer le rendement énergétique des avions. Les points étudiés : l'allègement du poids des avions pour réduire la consommation de carburant, l'utilisation de carburants alternatifs, l'optimisation du remplissage, les systèmes de régulation des flux. On travaille aussi sur la multimodalité."

Jean Cosson : "Voici ma réaction suite à la première table-ronde. Dans le secteur des transports, nous sommes face à une problématique globale en matière des émissions polluantes. Les contraintes réglementaires visant les acteurs de ce secteur sont primordiales pour activer la recherche sur la mobilité durable. A moyen terme, les gens vont continuer à utiliser une voiture pour se déplacer. Je suis favorable à la commercialisation de véhicules low cost qui sont moins sophistiqués, moins lourds, plus sobres et moins chers. Les constructeurs devront aussi construire une multitude de voitures moins polluantes ou non polluantes pour répondre aux différents besoins (trajets en ville, trajets moyens, trajets longs). En ville, pourquoi pas proposer des taxis électriques à l'avenir."

Éric Ledroux : "Je retiens deux idées de la première table-ronde. La première, c'est que le monde automobile est en train de chercher les technologies de demain : biocarburant, hydrogène, gaz naturel, hybride, électrique... Des carburants alternatifs qui devront être produits à partir de sources renouvelables et non nocives pour l'environnement. On est en train de parler d'un sujet avec un vrai trou d'offre actuellement en la matière. Il y a quelques années, on a observé un certain nombre d'initiatives de constructeurs pour mettre en circulation des voitures dotées de technologies environnementales : aujourd'hui, on constate qu'il y a très peu de volumes ou de choix de véhicules avec ces nouvelles énergies. D'après les experts, il faut attendre 2010/2011 pour que l'offre se matérialise. La seconde idée : nous évoluons dans une civilisation basée sur la voiture comme moyen de déplacement. Mais on est en train de passer d'un mode de possession à un mode d'usage, apporté par la société de consommation en général (Internet...). C'est pourquoi les sociétés de co-voiturage, d'auto-partage, de location de voitures deviennent complémentaires aux transports collectifs comme alternatives à la voiture personnelle."

Jean-Baptiste Schmider : "Le postulat de base de l'auto-partage en zones urbaines : la voiture est un objet qui sert moins de 5% du temps. L'idée est en effet de distinguer la propriété de l'usage : c'est se dire j'utilise une voiture uniquement quand j'en ai besoin et j'effectue 90% de mes déplacements en transports publics, à vélo ou en marchant. Ce qui m'a frappé dans la première table-ronde, c'est qu'on résonne toujours dans notre société autour de l'objet voiture, autour du problème de pouvoir d'achat de cet objet voiture, autour de technologies qui réduiront que de 20% la consommation de carburant et non autour de la mobilité durable en général."

Hélène Abraham : "Un accord entre les divers acteurs dans le domaine multimodal est pertinent. La Fédération nationale de l’aviation marchande regroupe l’ensemble des acteurs de la filière aéronautique : les transporteurs, les constructeurs, les sociétés d’assistance en aéroport, la partie maintenance, les transporteurs de fret. Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, elle a pris un certain nombre d’engagements sur lesquels un groupe de travail dont je fais partie travaille. Il va faire la mesure de tout ce que la profession fait en matière de baisse de la pollution. Il faut aborder le problème par la base puis de façon globale : chacun met sa pierre à l’édifice. Quand notre entreprise d’aviation low-cost a été créée, un bilan carbone a été réalisé : il est important qu’une entreprise ait une démarche citoyenne. La pédagogie et les actions concrètes s’inscrivent dans la politique environnementale du secteur aéronautique."

Jean Cosson : "Pour encourager le développement de la multimodalité, notre rôle est de proposer des offres de transport de qualité et une palette de services : par exemple pour la SNCF, travailler avec des compagnies de car, des sociétés de location de véhicules, de co-voiturage ou d’auto-partage, pour que les personnes puissent se déplacer facilement après avoir pris le train. Tous les secteurs doivent en effet collaborer ensemble. Le secteur ferroviaire est aussi au cœur de la recherche et du développement parallèlement à l’industrie automobile et aéronautique. On travaille également sur les innovations technologiques, les économies d’énergie et la baisse des coûts : la réduction du poids des trains, les matériaux utilisés, la propulsion, les systèmes de régulation des flux et l’optimisation du remplissage des véhicules (comme pour les avions), l’éco-conduite, l’organisation du transport du personnel (co-voiturage…)."

Éric Ledroux : "La question des accords entre les différents acteurs du secteur des transports pour la multimodalité repose sur l’aspect commercial (les divers partenariats commerciaux noués) et les infrastructures. Les gares notamment doivent être structurées pour permettre un transport plus fluide. Voici un exemple concret. Si je vais de Paris à Nantes, j’ai le choix entre deux options : l’utilisation de ma voiture personnelle ou la multimodalité (l’utilisation d’un moyen de transport collectif jusqu’à la gare, prendre le train puis opter pour la location d’une voiture sur place ou la pratique du co-voiturage, de l’auto-partage). Le développement des infrastructures et les facteurs économiques sont également importants pour encourager ce second choix. En gare et en aéroport, il faut se poser la question suivante : est-ce que le parcours du voyageur est bien considéré dans son ensemble en terme de facilité de mouvement et de signalisation ? Ces secteurs ont pris conscience de tous ces aspects et travaillent sur la complémentarité des modes de transport."

Jean-Baptiste Schmider : "Il faut aussi se demander quels sont les besoins des consommateurs et des clients potentiels. Ces derniers n’ont pas besoin forcément d’une voiture, ils ont besoin d’une mobilité pratique tout court. Ils demandent des solutions simples et abordables pour leurs déplacements quotidiens. La multimodalité, une chaîne de mobilité, fait partie des réponses actuellement comme alternative à la voiture personnelle : réseau des transports publics, service de co-voiturage et d’auto-partage, train, parking-relais non payants en périphérie des villes et à proximité des gares… Il est certain qu’on ne va pas changer le modèle économique actuel du jour au lendemain : passer de la propriété (voiture personnelle) à l’usage (multimodalité). Il faut développer ou améliorer les offres, les infrastructures et la collaboration entre les divers secteurs. Il faut montrer qu’il y a d’autres usages possibles que la voiture personnelle. Quant à l’avenir de l’industrie automobile, il réside dans le changement de modèles : ils seront dotés de technologies environnementales qui permettront de ne pas polluer lors des déplacements."

Éric Ledroux : "Afin de répondre aux différents besoins de déplacements des clients et pour faire baisser les émissions polluantes engendrées, la société de location Europcar a pris un certain nombre d’initiatives ces dernières années : elle propose une gamme de véhicules moins polluants équipés de technologies environnementales (flexi-fuel, hybrides, GPL, électriques, gaz naturel). Elle renouvelle ses stocks tous les six mois mais actuellement elle est dans une période de trou d’offres : peu de modèles bénéficiant de ces technologies environnementales sont disponibles aujourd’hui sur le marché français. Puis elle a pris en compte ce passage de la possession à l’usage via des formules d’abonnements qui complètent les services d’auto-partage : elles permettent aux clients d’utiliser soit des petites ou des grandes voitures selon leurs besoins. La petite voiture est pratique et économique en ville : les voitures plus grandes permettent de transporter des marchandises ou plusieurs personnes et d’effectuer des trajets plus longs.

Cette alternance générale permet d’optimiser ses déplacements et de réduire son empreinte environnementale."

Colloque : Automobile et Environnement, un mariage impossible?

(de gauche à droite : Jean-Baptiste Schmider, Éric Ledroux, Jean Cosson, Hélène Abraham)