Plus que toute autre grande marque italienne, Lancia a toujours été à la pointe du progrès technique. Second constructeur de la Péninsule pendant l’entre-deux-guerres, la firme de Turin va ensuite multiplier et accumuler les revers. De faillites en répits, elle ne renoncera jamais à son originalité. Absorbée par Fiat en 1969, elle trouva enfin un équilibre financier mais y perdit son identité.

La saga Lancia

Vincenzo Lancia ne sera jamais un comptable comme les autres. En 1900, l’atelier a remplacé depuis longtemps le bureau austère, et le bleu de chauffe s’est substitué aux manchettes étriquées… Engagé “aux comptes” de la firme de cycles Ceirano, ce jeune homme de 19 ans a préféré vivre au quotidien sa passion pour la mécanique. Il est arrivé au meilleur moment : Ceirano et son ingénieur Faccioli mettent la dernière main à leur première automobile. Peu après la réalisation de ce véhicule, la société est rachetée par la toute jeune Fiat, qui s’adjoint du même coup les services de Lancia. Pilote d’essai, il se forge très vite une réputation hors pair de "metteur au point". On le dit capable de déceler à l’oreille les moindres défauts d’une voiture et ses diagnostics seront rarement erronés.

Il devient aussi l’un des pilotes les plus talentueux du début du siècle. Vedette de l’équipe Fiat avec son ami Felice Nazzaro, sa combativité, son style généreux et son intelligence de la course vont le faire entrer dans la légende. C’est l’époque héroïque des épreuves un peu folles sur routes ouvertes ou des Grands Prix disputés sur plus de 1 000 km. Solide, résistant et téméraire, Lancia peut y laisser exploser son tempérament. En dépit des nombreux ennuis mécaniques qui l’empêcheront de se bâtir un palmarès à la hauteur de son talent, il ne renonce jamais, même quand tout semble perdu : dans l’adversité, personne ne peut lui tenir tête… Ses folles chevauchées comptent parmi les plus belles pages du sport automobile.

Vincenzo Lancia crée sa marque à 25 ans

Pourtant, ces glorieuses aventures ne lui suffisent bientôt plus. Il veut créer ses propres voitures. Âgé seulement de 25 ans, Vincenzo décide de fonder la Société des automobiles Lancia, avec son ami Claudio Fogolin. Les deux hommes mettent toutes leurs économies dans le projet : 50 000 lires. C’est peu, mais Lancia y ajoute un capital inestimable d’expérience technique et son fabuleux potentiel créatif. D’emblée, il veut créer des automobiles d’exception. Résolument novatrice, la jeune firme dépose ainsi quantité de brevets touchant aussi bien le domaine des moteurs que celui des transmissions ou des carrosseries…

La première voiture sort de la petite usine de Turin en 1907. Un oncle de Vincenzo, professeur de lettres anciennes, lui suggère de baptiser ce premier rejeton du nom d’Alfa, le A de l’alphabet grec. Il inaugure une tradition qui perdure encore aujourd’hui, même si dans les années cinquante les modèles firent plutôt référence à des héroïnes de l’Antiquité romaine (Flavia, Fulvia…). Chaque année sera rythmée par le lancement d’un nouveau modèle et, en 1911, la gamme se décline déjà en Beta, Gamma, Delta, Eta…

La "Lambda" : une célébrité mondiale

Lancia

C’est en 1922, avec la Lambda, que la marque va connaître une célébrité mondiale. Elle reste aujourd’hui le chef-d’œuvre de Vincenzo Lancia, avec des éléments révolutionnaires comme une carrosserie autoporteuse et une suspension avant à roues indépendantes. Après ce succès, Lancia élargit sa gamme vers des modèles moins prestigieux et plus populaires, néanmoins dotés d’une finition raffinée et de mécaniques brillantes. Très bien accueillies, ces voitures propulsent la marque au deuxième rang italien, derrière Fiat. Malheureusement, Vincenzo Lancia s’est véritablement épuisé à la tâche, il décède brutalement en février 1937. Il n’aura pas le temps de voir le succès de l’Aprilia, dernier modèle portant sa griffe, qui assurera avec bonheur la transition entre l’avant- et l’après-guerre.

Bombardées et pillées par les combats, les usines Lancia ne reprennent que lentement leur activité.

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Le succès semble pourtant à nouveau au rendez-vous avec le lancement de l’Aurelia (la première voiture de série à moteur V6) puis celui de la plus modeste Appia. Les choses commenceront à se gâter lorsqu’il faudra remplacer ces deux modèles. Le temps n’est plus aux voitures techniquement trop élaborées et donc trop chères. L’équilibre financier déjà fragile est de plus mis en péril par Gianni Lancia, le fils de Vincenzo, devenu président de la firme en 1948, qui a engagé la marque dans un ambitieux programme sportif.

La faillite en 1955

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En 1955, Lancia en faillite est alors reprise par le groupe Pavesi. Sauvée provisoirement, elle ne parviendra pas à recouvrer entièrement son prestige. Les nouvelles Lancia, peu favorisées par une esthétique discutable et une déplorable réputation de fragilité, se vendent mal. Au milieu des années soixante, Lancia est à nouveau au bord du gouffre. Ford, désireux de s’implanter en Italie, s’y intéresse… une initiative peu goûtée par le grand voisin de Turin.

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Fiat se porte alors acquéreur de la société en 1969, pour une lire symbolique, épongeant par ailleurs un passif colossal. Pendant les premières années de cette union, Lancia conserve une certaine autonomie mais avec la première crise pétrolière, Fiat décide de rationaliser la production et de donner un rôle précis à chacune des marques constituant son groupe. Dotées de mécaniques Fiat, puis de plates-formes communes, les Lancia ne sont bientôt plus que des Fiat luxueuses ou sportives. En dépit d’innombrables succès en rallyes glanés par les Lancia, Fiat n’a pas su ou pu préserver l’identité de la marque. Aujourd’hui, avec des modèles insipides et sans grande personnalité, Lancia apparaît comme le parent pauvre et oublié du groupe Fiat.

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