Scénario catastrophe : une grande ville française est victime de bioterrorisme. Un nuage toxique recouvre toute une agglomération. Que faire : faut-il rester dans sa voiture ? Et s'il faut fuir, comment procéder ? Après enquête, il semble bien que les pouvoirs publics n'ont pas prévu de plans d'évacuation des plus grandes villes. Ils refusent, en tout cas, de communiquer sur le sujet.

Évacuation des villes :   des interrogations qui font peur

Si l’on ne doit pas faire preuve de catastrophisme, il ne serait pas raisonnable aujourd’hui de considérer comme improbable tout attaque bioterroriste. Il existe d’ailleurs des précédents. En 1995, la secte Aum a ainsi répandu dans le métro de Tokyo du gaz sarin, faisant 12 morts et plus de 5000 blessés.

Le phénomène n’est pas nouveau. Les spécialistes ont répertorié ainsi plus d’une vingtaine d’attaques dans le monde depuis le début des années 70. Heureusement, sans conséquences graves. Mais les faits sont là : quelques grammes de tiphoïde sont retrouvés sur un homme d’extrême droite à Chicago en 1972, des germes mortels apparaissent sur des enveloppes en 1976 aux Etats-Unis, la secte Aum avait, en vain, déjà tenté des expériences avec l’Antrax en 1993 etc.

Le risque de bioterrorisme est désormais bien réel

Faut-il rappeler également des accidents pour prouver la dangerosité des produits chimiques ? En 1984, un incident dans l’usine de pesticide de Bhopal avait fait 2500 morts. Toujours en 1984, à Mexico, l’explosion de réservoirs de gaz liquéfié avait fait, quant à elle, plus de 4000 victimes. La France possédant également des sites à risques, (la catastrophe de Toulouse vient de le démontrer), elle est aussi exposée à ce type de dangers.

En cas d'attaques chimique ou biologique, les pouvoirs publics sont-ils suffisamment préparés pour procéder à l'évacuation de grandes villes comme Paris, Marseille, Bordeaux ou Lyon? Rien n'est moins sûr. Plans Biotox, Piratox, rouge ou autres, le gouvernement a annoncé, à qui voulait bien l'entendre, que la France pouvait assumer tous les risques, chimiques ou biologiques.

Or, ces plans sont essentiellement des dispositifs d'urgence permettant une meilleure coordination des structures médicalisées. Mais il semble bien qu'ils n'intègrent pas de solutions prévoyant l'organisation de l'évacuation des populations menacées de contamination. Les pouvoirs publics connaissent pourtant ces difficultés d’évacuation. Une simulation d’accident ou d’attentat chimique a notamment été réalisée en 1995 dans le département de l’Essonne. Scénario : une citerne contenant un produit chimique à forte toxicité était prise en otage, puis son contenu était symboliquement épandu. Après l’exercice d’évacuation des populations avoisinantes, on aurait comptabilisé plus de 12 000 morts.

Classé secret défense

Nous avons acquis la conviction qu'il n'existe pas de plans d'évacuation après avoir enquêté auprès des ministères concernés et, dans toute la France, auprès des préfectures.

Aux questions, "l'Etat a-t-il prévu un plan d'évacuation des villes en cas d'alerte chimique ?" ; "demanderez-vous aux conducteurs d'utiliser leur voiture pour fuir une zone contaminée ?" ; "organiserez-vous des transports de population par train, bus ou autre moyen, ou ferez-vous appel au covoiturage ?", les ministères de la Défense et de l'Intérieur répondent : "Top secret !" ou "Classé Défense!" .

Bien sûr, nous avons, dans un premier temps, imaginé que ces plans d'évacuation existaient réellement, mais que le gouvernement ne souhaitait pas le faire savoir. Si tel est le cas, cette attitude serait fortement préjudiciable pour deux raisons :

- s'ils existent, ces plans d'évacuation intéressent nécessairement, au premier chef, les automobilistes. Devront-ils oui ou non prendre leur voiture pour fuir une zone contaminée ? Non prévenus de l'attitude à adopter, on peut craindre des réactions de panique qui compliqueraient tout projet d'évacuation générale ;

- en outre, notre enquête nous a permis de démontrer qu'aucun responsable de service de secours interrogés n'a connaissance de l'existence de ces plans d'évacuation. Ceux qui seraient chargés de les appliquer les découvriraient donc au dernier moment… On peut, dans ces conditions, douter de leur réactivité et de leur adaptation.

Ne pas révéler ces plans d'évacuation serait donc tellement pénalisant que nous avons le sentiment qu'ils n'existent pas. Impression renforcée par les témoignages recueillis dans plusieurs villes de France. Certains pompiers ou représentants d'autres corps concernés ont accepté de faire part de leurs craintes à Caradisiac.

En attendant, et si le pire arrivait, chaque automobiliste se comporterait sans savoir ce qu’il doit exactement faire. A noter, la mission Damoclès du Secrétaire Général de la Défense Nationale, qui s’était penchée en 1993 sur les risques d’attentats nucléaires avait notamment conclu que l’auto-évacuation de personnes contaminées aurait pour conséquence de répandre la contamination à l’extérieur des villes touchées. Que l’attaque soit bactériologique, chimique ou nucléaire, le confinement serait l’une des solutions probablement prônées par les pouvoirs publics. Mais comment empêchera-t-on les automobilistes de fuir. Là encore, nous n’avons pas obtenu de réponses.

A lire : l’ouvrage "Technique du Terrorisme" de Jean-Luc Marret (Editions PUF) qui évoque notamment les différents types d’attaques terroristes.

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