Hier nous apprenions une bonne nouvelle pour le monde de l’endurance en général et du français en particulier : la naissance du Groupe Pescarolo Automobiles.

Les deux principaux protagonistes du rapprochement de Pescarolo Sport et du Saulnier Racing, respectivement Henri Pescarolo et Jacques Nicolet s’expliquent :

La parole, d’abord, à Henri Pescarolo :

Comment avez-vous rencontré Jacques Nicolet ?

« Nous avons fait connaissance par l’intermédiaire d’Alain Filhol, avec qui j’ai couru en véhicules historiques et qui fait équipe avec Jacques sur la LMP2 de Saulnier Racing. Le personnage m’a immédiatement plu : non seulement parce que c’est un authentique passionné, mais aussi parce que sa réussite en tant qu’entrepreneur est fascinante. Ma volonté de donner une assise plus solide à Pescarolo Sport pour pouvoir continuer à évoluer au plus haut niveau a trouvé un écho à ses projets d’investissement en sport automobile. »

L’arrivée d’un tel partenaire à votre côté était-elle une condition nécessaire à la poursuite du développement de l’équipe ?

« Il faut garder à l’esprit qu’une équipe privée comme la nôtre dépend à 100% de budgets de sponsoring, souvent remis en cause chaque année. Certains sports, comme le football, le cyclisme, le rugby ou la voile, parviennent à vivre de ces financements. Cela reste toutefois difficile pour l’automobile. Ce partenariat d’ampleur industrielle va permettre de sécuriser l’avenir de la société, notamment en renforçant notre activité de constructeur sous la bannière de Pescarolo Automobiles. »

Quels sont, selon vous, les atouts de Pescarolo Sport ?

« Depuis la création de l’équipe, j’ai cherché à m’entourer des meilleurs éléments, qu’il s’agisse des pilotes, des ingénieurs ou des mécaniciens. Lorsqu’ils nous ont rejoints, tous disposaient déjà d’une solide expérience en sport automobile. Une des étapes importantes dans la vie de l’équipe a été l’arrivée de Claude Galopin, qui est un des meilleurs ingénieurs d’exploitation en endurance. Nous sommes tous animés d’un esprit ‘commando’. J’ai cherché à insuffler cette soif de gagner qui animait l’équipe Matra de mes débuts. »

Concrètement, quels sont les changements qui interviendront au cours des prochains mois ?

« Du bureau d’études à l’équipe d’exploitation, tous les secteurs vont se renforcer dans le cadre d’un projet sportif et industriel ambitieux. Pour conserver notre suprématie au sein des équipes utilisant des motorisations essence, nous devons continuer à progresser car la concurrence ne reste pas les bras croisés ! Dans le même temps, notre activité de constructeur va prendre une nouvelle dimension avec la mise en chantier d’une LMP2, disponible pour la saison 2008. Nous allons structurer les services apportés à nos clients, avec une assistance technique, un service de pièces détachées sur les courses… »

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau prototype LMP2 ?

« Les caractéristiques sont assez proches de celles d’une LMP1 depuis que la réglementation a revu le poids minimum à la hausse. Comme nous disposons d’une excellente base avec notre Pescarolo 01, le travail a été grandement facilité puisque nous conservons la coque, la carrosserie et l’ensemble aérodynamique. Nous nous concentrons actuellement sur la réduction des poids non suspendus et sur l’adaptation du moteur LMP2. Les premiers tours de roues devraient avoir lieu en février. Nous solliciterons l’invitation d’une de ces voitures aux 24h du Mans avec la victoire de catégorie pour objectif déclaré. »

Vous avez toujours été sensible à la formation des jeunes. Quelle sera la place de l’IEMS dans votre organisation ?

« Les cinq années passées à La Filière Elf en tant que Délégué général m’ont permis d’apprendre le fonctionnement de l’Education nationale. Cette implication dans la formation m’intéresse au plus haut point, j’aime repérer ceux qui ont le plus fort potentiel et la motivation nécessaire. D’ailleurs, la plupart des mécaniciens de Pescarolo Sport ont été formés en Formule Campus à cette époque. Aujourd’hui, ils figurent parmi les meilleurs… L’IEMS a en outre l’avantage de proposer des formations diversifiées, ce qui permettra de lancer sur le marché du travail des jeunes spécialisés dans des domaines où la demande est importante. Evidemment, nous serons en première ligne pour leur proposer des débouchés au sein de Pescarolo Automobiles. »

L’engagement d’une voiture en LMP2 servira-t-il à former des jeunes pilotes en vue du LMP1 ?

« J’ai toujours été passionné par la formation et le soutien aux jeunes pilotes. Et plus particulièrement les espoirs français ! Je suis aujourd’hui fier d’avoir contribué à l’éclosion des carrières de Sébastien Bourdais, Jean-Christophe Boullion, Emmanuel Collard ou Benoît Tréluyer. Je ne peux également que me féliciter d’avoir fait le pari de confier le volant d’une Pescarolo à Sébastien Loeb. Toutefois, au vu du niveau réclamé pour jouer la victoire en LMP2, nous ferons plutôt appel à des pilotes issus de championnats monoplaces tels que la World Series by Renault ou le GP2. En revanche, nous réfléchissons à un concept de voiture qui pourrait être un point d’entrée de la filière sport-prototype. »

Les projets de Pescarolo Automobiles ne se limiteraient donc pas à l’Endurance ?

« Toutes les disciplines du sport automobile m’intéressent et nous sommes attentifs aux opportunités qui peuvent s’offrir à notre structure ! Pescarolo Sport a mené à bien un programme en Supertourisme pour le compte d’un constructeur. J’ai participé à de nombreux Dakar… Je suis en outre intéressé par les véhicules historiques de compétition, un marché très porteur et dynamique. Avec l’équipe Heritage Racing Car, nous disposons dans le groupe de Jacques Nicolet d’une structure professionnelle qui complète une offre sans équivalent en Endurance. »

Quel est votre but ultime ?

« Pour être en mesure de se battre à armes égales face aux équipes officielles et espérer remporter les 24h du Mans, il faudra établir un partenariat avec un constructeur. Pour cela, une base solide s’impose. C’est ce que nous sommes en train de créer. »

Au tour de Jacques Nicolet de répondre à quelques questions :

D’où vient votre passion du sport automobile ?

« De l’enfance ! Mon père était un grand amateur d’automobiles. Comme il était hôtelier près de Carpentras, dans le Vaucluse, nous avions non seulement l’occasion d’assister à la course de côte du Mont-Ventoux ou à la Coupe des Alpes, mais aussi de côtoyer des pilotes comme Rolf Stommelen ou Pierre Maublanc. Le véritable choc, je l’ai eu à douze ans, aux 24h du Mans. J’ai été fasciné par la course de nuit et son ambiance extraordinaire… Autre souvenir marquant, mon premier Grand Prix de F1 à Monaco en 1972 avec la victoire de la BRM de Jean-Pierre Beltoise. »

Vous êtes à la tête du Groupe Altarea, qui créé et gère des centres commerciaux. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à investir dans le sport automobile ?

« Le succès d’Altarea repose, entre autre, sur une volonté permanente de développement et d’innovation. Mon implication en sport automobile découle de la même logique. Quelle que soit sa passion, et mon métier en est une, je crois qu’il faut se donner les moyens de la vivre à fond. Lorsque j’ai disputé mes premières courses historiques, je faisais appel à un préparateur. Avec le temps, l’opportunité de créer une petite écurie s’est présentée : ce fût la naissance d’Heritage Racing Cars, basée sur le Pôle Mécanique d’Alès.

« Puis nous avons commencé à louer des VHC et monté un programme en Endurance moderne, au point de faire rouler jusqu’à cinq voitures par meeting VdeV ! Quand Michel Tapie – le président-fondateur de l’association qui gère l’IEMS, l’Institut Européen de formation aux Mécaniques Sportives – a souhaité se retirer, il m’a proposé de le remplacer pour assurer la pérennité de l’école. En début d’année, un nouveau pas a été franchi avec le rachat de Saulnier Racing. Le Mans est un véritable mythe auquel j’ai toujours souhaité prendre part. L’acquisition de cette équipe s’est inscrite dans cette logique et dans la continuité de mon implication. C’est en septembre 2006 que j’ai rencontré Henri Pescarolo. Altarea cherchait à promouvoir et intégrer son nouveau concept commercial Family Village, situé sur les Hunaudières, dans son environnement local. Un partenariat avec Pescarolo Sport s’est alors imposé comme une évidence. »

Puis l’idée d’une association dépassant le cadre d’un partenariat classique a germé…

« Etant très souvent voisins de stands en Le Mans Series, nous avons appris à nous connaître et à nous apprécier. Notre rapprochement est avant tout une histoire humaine, la rencontre entre deux passionnés. Nous écrivons aujourd’hui la première page d’un nouveau volume. En regroupant nos forces et en bâtissant un véritable projet industriel, nous allons pérenniser les structures existantes et leur donner les moyens de se développer. Il ne s’agit pas d’un rachat ou d’une quelconque opération financière, mais bien d’un regroupement de nos atouts. »

Quelle image d’Henri Pescarolo aviez vous avant votre rencontre ?

« J’ai toujours été plein d’admiration pour le pilote. Personnalité sans concession, c’est quelqu’un qui occupe une place à part dans le sport automobile. Ses qualités exceptionnelles de pilote se doublent de celles d’un chef d’entreprise audacieux. Il a créé une écurie performante qu’il maintient au plus haut niveau. Cela n’arrive pas par hasard. Il sait insuffler à ses hommes sa vision et son amour du sport. Seule la victoire compte, mais pas à n’importe quel prix. »

Pourquoi Pescarolo Sport plutôt qu’une autre équipe ?

« Lorsqu’on a envie de bâtir quelque chose en Endurance, s’allier à Henri Pescarolo est un ‘must’. Les ingénieurs et techniciens qui composent l’équipe sont à son image, totalement focalisés sur la victoire. C’est un peu le village d’Astérix ! C’est la seule équipe indépendante à avoir conçu et construit sa voiture de A à Z. Ce savoir-faire unique va nous permettre de mettre en piste au cours des prochains mois une LMP2 et d’envisager une LMP1 fermée en tirant parti de l’expérience accumulée. Sur le plan de l’exploitation, on ne peut que souligner la constance des performances et la fiabilité des voitures. »

Comment allez-vous organiser les différentes structures ?

« Je pense que nous disposons avec Pescarolo Sport et Saulnier Racing de deux équipes d’exploitation exceptionnelles. Nous avons beaucoup parlé de Pescarolo, mais il faut également souligner le travail des hommes de Saulnier Racing. Avec Alain Filhol, nous sommes passés d’une Chevron B16 à une Courage LMP2. Pour notre première saison à ce niveau, l’équipe a su nous entourer et avec le soutien de Bruce Jouanny nous avons terminé toutes les courses des Le Mans Series, ce qui nous permet à ce jour d’occuper la troisième place du championnat LMP2. La création de Pescarolo Automobiles rendra notre activité de constructeur indépendante de l’exploitation course. Enfin, nous allons intégrer tout ce que nous avons dans notre périmètre, avec la création d’un pôle de formation de l’IEMS au Mans. Heritage Racing Cars poursuivra son développement à Alès : en plus du programme VdeV, nous allons nous impliquer en Classic Endurance Racing dans le cadre des Le Mans Series. »

Lorsque Henri Pescarolo fait plus haut allusion à une filière endurance, il pense en fait à la conception d’un « petit proto », type LMP3, qui pourrait être propulsé par un moteur de série (par exemple le nouveau BMW V8 de la M3), puissant et fiable. Nul doute que de telles perspectives vont animer le monde de l’endurance ces prochains mois.

Source : Dossier de presse