L'escalade

Cette première victoire balaye non seulement les doutes sur l'avenir mais elle entraîne aussi une implication totale et sans réserve de la part de Sylvain Floirat, le grand "Patron". Forte de cette confiance et d'un capital expérience qui s'enrichit à chaque sortie, l'équipe va collectionner les places d'honneur et s'offrir trois nouveaux succès. Le doublé au championnat de France de F3 (Beltoise devant Jaussaud) ne se veut pas une fin en soi. Il affûte de nouvelles ambitions et révèle la volonté d'aller encore plus loin. Un programme "Le Mans" est bientôt lancé, puis la construction de nouvelles monoplaces en alliage léger (MS 5) tandis que Johnny Servoz Gavin, le meilleur "privé" du championnat de F3 (65) est incorporé à l'équipe. A l'occasion de la remise des prix des Trophées de France, une rencontre, organisée par Gérard Crombac (le rédacteur en chef de Sport-Auto) entre Jean-Luc Lagardère et Ken Tyrrell va boulverser l'avenir de Matra. Le team manager britannique qui a aligné en 65 des Cooper peu performantes en F2 pour Jackie Stewart, cherche un nouveau châssis. Tenté par la formule 2, Lagardère saisit l'opportunité et propose un essai à Tyrrell, sur le terrain de ce dernier à Goodwood.

Approchant de 3/10 de secondes le meilleur temps réalisé par une Brabham, Stewart est enthousiasmé par la rigidité et le comportement du prototype de F2 réalisé pourtant hâtivement à partir d'une coque de F3. L'accord est bientôt scellé. L'écurie Matra International de Ken Tyrrell va aligner deux F2 pour Stewart et un jeune inconnu très prometteur, Jacky Ickx. Matra Sports saute également le pas et engage deux voitures pour Beltoise et Jo Schlesser. Totalement éclipsées par les surpuissantes Brabham-Honda, les Matra font néanmoins bonne figure pour leur première saison internationale en cumulant les places d'honneur. Cependant, ce qui frappe le plus à la fin de l'année 66, c'est l'étonnante maturité acquise par l'ensemble des membres de l'écurie. Deux ans seulement après ses débuts en compétition, Matra s'est hissé au niveau des meilleurs teams britanniques. En ce sens, la collaboration avec Tyrrell, manager exigeant doué d'un sens inné de l'organisation a été essentielle. A son contact, tous ont appris une discipline rigoureuse mais aussi des centaines de petits "trucs" qui font gagner un temps précieux, acquis sur le terrain le sens de la course. Confortée dans ses choix techniques, reconnue sur le plan international Matra est désormais une équipe solide pour qui la formule 1 n'est plus un rêve inaccessible.

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