"Est-il possible d’échapper aux PV en France en immatriculant son véhicule à l’étranger ?". C’est la question que nous avons posée à notre consultant juridique, Pierre Barreyre. La réponse, étonnante et savoureuse, est "oui, mais…". De quoi vous donner des idées.

En 2004, les radars ont relevé 1 800 000 infractions commises par des véhicules immatriculés en France. Des millions de procès-verbaux ont été dressés par les forces de l’ordre et 6,4 millions de points ont été retirés des permis. Certains automobilistes se creusent la tête pour éviter les sanctions et envisagent de faire immatriculer leur voiture à l’étranger. Ont-ils décelé une faille du code de la route ? Caradisiac met les mains dans le cambouis.

Pour échapper aux PV, immatriculez  votre auto à l’étranger !

Pour immatriculer son véhicule en dehors du sol français - dans un autre pays de l’Union européenne - , une condition doit être remplie : l’immatriculation d’un véhicule s’effectue dans le pays de "résidence normale", c’est-à-dire la résidence principale, du propriétaire du véhicule, définie comme le lieu où ce dernier demeure habituellement pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches professionnelles ou personnelles.

Par exemple, si un automobiliste souhaite faire immatriculer sa voiture en Allemagne, il doit séjourner dans ce pays pendant six mois minimum et procéder à l'échange des plaques minéralogiques auprès du Service des immatriculations des véhicules (Zulassungsstelle) situé près de son domicile. Par contre, les Français n'ont pas besoin d’échanger leur permis de conduire contre un permis allemand : un permis de conduire délivré dans l'Union Européenne ou l'Espace Economique Européen est reconnu pour les personnes qui ont leur résidence normale en Allemagne.

Une fois cette condition respectée, le fait d’immatriculer son véhicule à l’étranger sera-t-il suffisant pour échapper au paiement de l’amende dans l’Hexagone ?

Deux cas doivent être distingués : suite à son infraction, l’automobiliste a été arrêté ou pas par les services de police, de gendarmerie ou des douanes.

L’automobiliste a été arrêté

Pour échapper aux PV, immatriculez  votre auto à l’étranger !

Officiellement, aux termes de l’article L. 121-4 du code de la route, l’automobiliste interpellé doit s’acquitter immédiatement du paiement de l’amende ou d’une consignation versée au Trésor public. S’il refuse, l’automobiliste risque de voir son véhicule immobilisé jusqu’au paiement de la consignation au Trésor : le montant est fixé par l’agent verbalisateur en cas de simple contravention et par le Procureur de la République en cas de délit.

Aux termes de l’arrêté du 19 décembre 2001, le montant de la consignation devant être versé sera de :

- en cas de contravention :

11 euros pour les contraventions de la 1ère classe

35 euros pour les contraventions de la 2e classe

68 euros pour les contraventions de la 3e classe

135 euros pour les contraventions de la 4e classe

750 euros pour les contraventions de la 5e classe.

- en cas de délit :

1 125 euros à 2 250 euros pour les délits punis d'une peine d’amende de 15 000 euros au plus

2 250 euros à 4 500 euros pour les délits punis d'une peine d'amende de plus de 15 000 euros.

Mais en pratique, la consignation versée ne prouve pas la culpabilité de l’automobiliste qui conserve toute voie de recours pour contester l’amende qui lui a été infligée : cette consignation constitue en fait une simple mesure de sûreté.

L’automobiliste n’a pas été arrêté

Pour échapper aux PV, immatriculez  votre auto à l’étranger !

Très souvent, s'il n'a pas été interpellé avant qu'il ne retourne dans son pays de résidence, aucune poursuite ne sera intentée contre lui !

Officiellement, dans le prolongement de la convention européenne du 30 novembre 1964 - portant sur la répression des infractions routières -, la France a conclu des accords avec l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Suisse et la Belgique : une coopération transfrontalière policière et douanière a été mise en place, aboutissant à la création de centres de coopération policière et douanière (CCPD). Les autorités françaises pourraient facilement faire jouer leur réseau et faire appel aux centres transfrontaliers pour retrouver l’identité de l’automobiliste étranger en infraction. Mais, en pratique, il est rare que des recherches soient mises en œuvre, étant trop coûteuses, et que les contraventions soient envoyées au propriétaire de la carte grise. Il n’en reste pas moins que ce dernier se trouvera probablement fiché dans la base informatique de la police, de la gendarmerie et des douanes françaises, ce qui, s’il devait être par la suite arrêté sur le territoire français, donnerait lieu à l’application de la procédure mentionnée précédemment (article L. 121-4 du code de la route). Mais encore, ce genre de procédure est très peu appliqué !

Ainsi, les automobilistes qui projettent de faire immatriculer leur véhicule à l’étranger ont bien perçu des failles dans les mesures actuelles. Ils ont sûrement observé que certains conducteurs d’origine étrangère qui viennent en France roulent à vive allure et ne respectent pas le code la route en toute tranquillité (non-port de la ceinture de sécurité, stationnement interdit…). D’où cette déduction : ces conducteurs qui ont des véhicules immatriculés à l’étranger peuvent faire ce qu’ils veulent, pourquoi pas nous !

Il reste que nous ne souhaitons pas inciter les éventuels candidats à mettre en pratique cette astuce pour se croire tout permis sur la route.

D’ailleurs, un automobiliste qui aurait usé de ce subterfuge et qui serait responsable d’un accident corporel pourrait voir son assureur refuser de faire jouer ses garanties s’il ne séjournait effectivement pas six mois de l’année à l’étranger. Prudence…

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