En direct de la loi : la voie d'appel supprimée pour les retraits de point(s)

En direct de la loi : la voie d'appel supprimée pour les retraits de point(s)

 

La question de la semaine

« Il paraît qu'on ne peut plus faire appel dans le contentieux administratif. Concrètement, cela veut dire quoi ? »

Bertrand (Bayonne)

Combien coûte un avocat ?  Si vous souhaitez vous faire défendre par un avocat pour un excès de vitesse, comptez de 600 à 2000 euros selon la nature de la procédure et si elle a lieu à Paris ou en province. La réputation de l'avocat a également une influence sur les tarifs.

 

Un « gros inconvénient pour les justiciables »

La réponse de Maître Tichit : « Cela signifie concrètement qu'aujourd'hui, à partir du moment où vous avez un problème sur votre permis de conduire et que vous voulez contester la perte de point(s) sur celui-ci, voir l'annulation de ce permis de conduire, vous pouvez effectivement saisir le tribunal administratif qui aura donc à rendre une décision. Mais dans le cas où vous ne seriez pas d'accord avec cette décision, vous aviez alors la possibilité d'aller devant la Cour d'Appel, puis d'ailleurs ensuite, si cela ne vous convenait toujours pas, d'aller devant le Conseil d'Etat... Ce qui n'est donc plus possible désormais : en enlevant la voie d'appel, cela retire tout simplement une voie de recours !

Est-ce vraiment préjudiciable ? Les juridictions administratives ne sont-elles pas de toute façon peu favorables aux conducteurs ?

C'est très embêtant en effet... Déjà, ce n'est pas si vrai que cela [que ces juridictions ne soient pas favorables aux requérants]. Il y avait quand même des erreurs qui pouvaient être commises en première instance par le juge du tribunal administratif saisi, et que l'on pouvait faire rectifier par la Cour d'Appel. Donc, moi, je trouve qu'à part être un gros inconvénient pour les justiciables, je ne vois aucune mesure positive à cela.

En même temps, si le juge commet une erreur en première instance, restera le Conseil d'Etat pour corriger...

Alors, il viendra éventuellement corriger, mais avec la particularité suivante, c'est que si vous voulez ensuite contester devant le Conseil d'Etat la décision prise en première instance, vous devrez obligatoirement faire appel aux services d'un avocat qui a le monopole auprès du Conseil d'Etat, et donc les frais à engager seront de l'ordre de milliers d'euros. Il faut quand même bien imaginer que c'est quand même un frein très important aux voies de recours qui sont normalement données à tout un chacun en France. »


La CEDH en dernier recours

Conclusion de Caradisiac : Pour être tout à fait complet, le ministère d’un avocat est de toute façon obligatoire en appel, et les procédures sont de toute façon généralement coûteuses. Maintenant, il ne s’agit pas d’un avocat au Conseil d’Etat, et donc en théorie, ses honoraires ne sont pas aussi élevés.

A noter qu’une association d’avocats, l’ACDA, et une de défense des automobilistes, la LDC, se sont associées pour tenter de faire annuler le décret qui a donc supprimé à compter de ce 1er janvier cette possibilité de faire appel dans le contentieux du permis de conduire, soit quand il est question d'une contestation relative à la perte des points, à l’invalidation ou à la suspension du permis. Ces deux associations ont déposé une requête en ce sens devant le Conseil d’Etat. Et il ne fait aucun doute pour l'ACDA et la LDC que si la France n’abroge pas ce décret, la Cour européenne des Droits de l’Homme sera saisie tôt ou tard de cette question.

Il faut bien comprendre que dans ce type de procédure administrative, il s'agit de l'opposition d'un conducteur au ministère de l'Intérieur. Si la plupart des avocats se sont élevés contre cette suppression de la voie d'appel, arguant qu'il s'agissait-là d'une réduction des droits de la défense, certains ont minimisé son impact. Selon ceux-ci, le recours en appel est de toute façon fort peu utilisé et il l'est surtout par le ministère de l'Intérieur. C'est donc ce dernier qui est le plus impacté par cette suppression...

Selon les statistiques que nous a fournies le Conseil d'Etat, il faut en effet admettre que le taux d'appel est en baisse ces dernières années. Mais attention, c'est l'ensemble des recours devant les tribunaux administratifs qui a tendance a décliné ces dernières années. Pourquoi ? Tout simplement, parce que les tribunaux ne sont guère favorables aux conducteurs. Autrement dit, ils donnent plus souvent raison à Beauvau, mais y compris en première instance, selon nos informations !

Selon nos interlocuteurs, au Conseil d'Etat, « le taux de satisfaction donnée aux requérants est aujourd’hui d’un peu plus de 30 % », seulement. Ce taux est même « en déclin depuis quelques années, puisqu’il était de près de 40 % en 2009. »


Statistiques des recours administratifs

2010

2011

2012

Nombre d'affaires traitées par les tribunaux administratifs (TA)

17 051

15 081

13 031

Nombre d'affaires traitées par les TA susceptibles d'appel

13 732

12 130

1  207

Nombre d'appels devant les Cours d'Appel administratives

1 444

1 159

847

Taux d'appel

10,50 %

9,60 %

8,30 %

Source : ministère de la Justice


Mais il reste aussi à préciser qu'il existe très certainement dans ce domaine de grands écarts entre les requérants qui sont conseillés par un avocat -compétent - et les autres... Car même si le taux de satisfaction est faible et en diminution, il restait, s'agace Me Tichit, « fréquent de réussir à redresser en appel des erreurs commises » en première instance ! » En toute fin d'année 2013, elle peut d'ailleurs s'enorgueillir d'avoir obtenu plusieurs décisions qui le prouvent. Pour bien comprendre la portée de ces affaires, dans l'un des dossiers, après avoir perdu devant le tribunal administratif de Melun, la Cour d'appel lui a donné raison en annulant l'arrêté qui a invalidé le permis de conduire de l'un de ses clients. Résultat, nous précise l'avocate, « ce chauffeur de car a récupéré la totalité de ses 12 points, et surtout l'ensemble de ses permis (motos et poids lourds) ! » Outre le fait que cela lui a évité de repasser l'ensemble de ces permis de conduire, cela lui a évité surtout de repasser par des permis probatoires... Il paraît évident que cela n'est pas rien !

 

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