Le moins que l'on puisse dire, c'est que le décret portant modification du code de justice administrative paru au Journal officiel le 15 août dernier cache une mauvaise surprise pour les conducteurs en mal de points ou de permis ! Ces derniers vont en effet perdre, à compter du 1er janvier 2014, un degré de juridiction pour faire valoir leurs droits. Déjà que « la justice administrative était ultra défavorable aux automobilistes ces dernières années, mais là, c'est le summum ! », s'insurge Caroline Tichit, avocate spécialisée du droit routier, tout comme nombre de ses confrères, notamment ceux de l'association de l'ACDA, ou d'autres encore sur leur propre blog comme Me Olivier Descamps.

Que prévoit ainsi le texte ? Qu'à partir du 1er janvier prochain, « le tribunal administratif [statuera] en premier et dernier ressort », notamment sur « les litiges relatifs au permis de conduire », et ce en vertu de l'article R811-1 du code de la Justice administrative modifié par le décret en question. De quels litiges s'agit-il alors exactement ? Devant les juridictions administratives, le contentieux du permis concerne principalement les retraits de point(s). En clair, « quand vous contestez une infraction, et que vous souhaitez défendre votre position, vous avez affaire à la justice pénale, soit aux juridictions de Proximité et aux tribunaux de Police pour l'essentiel. Mais quand il s'agit de contester une décision administrative, telles que le seul retrait de point(s), ou carrément une annulation ou une invalidation de votre permis de conduire, vous devez alors entamer une procédure devant le tribunal administratif », nous explique Me Tichit.


Pouvoir faire appel, c'est pourtant la garantie d'une justice équitable


Or, en cas de désaccord avec le jugement rendu en première instance par un tribunal administratif, les conducteurs ont la possibilité – du moins jusqu'au 1er janvier 2014 - de faire appel. Puis, s'ils ne sont toujours pas satisfaits, ils peuvent encore tenter un dernier recours devant le Conseil d'Etat… Trois niveaux auxquels les conducteurs n'auront donc plus accès à partir de l'an prochain, ils n'en auront plus que deux, avec la case du milieu - l'appel - en moins ! Et « quand on voit les disparités qu'il peut y avoir entre les jurisprudences des magistrats de première et deuxième instances, on peut vraiment craindre le pire... Car il est vraiment fréquent de réussir à redresser en appel des erreurs commises ! », s'agace encore Me Tichit.

Il est en outre à noter qu'à l'instar de la Cour de Cassation en matière pénale, le Conseil d'Etat ne s'occupe pas à juger une troisième fois la totalité d'une affaire. Seuls les vices de forme, les erreurs de droit qu’auraient commis les juges précédents sont visés. En plus, l'assistance d'un avocat y est obligatoire, ce qui a bien entendu un coût que certains conducteurs ne pourront pas supporter. Pour toutes ces raisons, le degré d'appel paraît primordial et essentiel... « C'est la garantie d'une justice équitable. Pour le conserver, il ne faudra donc pas hésiter à aller devant la CEDH [NDLR : la Cour européenne des droits de l'Homme] . En tout cas, de mon côté, j'y songe déjà», prévient Me Tichit. Affaire à suivre...