Il est à noter en préambule que depuis le début de l'année la Niva ne répond plus à ce nom (qui signifie « champ de blé » en russe si vous voulez briller en soirée), mais à celui plus pragmatique de « 4x4 » pour des raisons d'uniformisation sur tous les marchés où elle est vendue. Mais nous continuerons de l'appeler Niva par pur esprit de contradiction.

S'il y a bien une Lada qui ne prête pas à la plaisanterie éculée, c'est bien le Niva : avec le Suzuki Samuraï tristement disparu en 2004, le Land Rover Defender embourgeoisé à partir de 27 020 € et le Mercedes Classe G devenu le cadeau idéal pour les cheiks saoudiens avec son V12 biturbo de 612 ch affiché à 266 500 €, c'est l'un des derniers véritables tout-terrain du marché se frayant un chemin au milieu des SUV et autres crossovers disposant du plumage clinquant sans le ramage boueux. En effet, sa transmission intégrale permanente avec blocage de différentiel central et réducteur, sa garde au sol de 220 mm et ses angles d'attaque de 39° et de fuite de 31° en font un véritable franchisseur, capable d'affronter des cotes de 58° ou des dévers à 48° et de se frayer un chemin à travers un gué de 80 cm ou un mètre de neige. Et cela fait donc 35 ans que ça dure, avec quasiment les mêmes ingrédients dans la recette.

Prise en mains vidéo - Lada Niva : Tsarina, une série spéciale pour fêter 35 ans d'Histoire

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ELLE n'est pas près de prendre sa retraite

Car depuis le premier modèle sorti des lignes de l'usine de Togliatti en Russie, la Lada Niva, extrêmement moderne à l'époque avec ses roues avant indépendantes et sa caisse autoporteuse, n'a reçu, deux millions de modèles produits plus tard, que quelques retouches ici et là. La base de son moteur 4 cylindres 1 600 cm3 huit soupapes essence d'origine Fiat est par exemple toujours restée la même depuis 1977, il passera à 1,7 l en 1994 en troquant au passage son carburateur contre une injection électronique monopoint développée par General Motors, puis multipoint Bosch en 2000. Dernier changement en date, l'adoption d'un accélérateur électronique en 2011 lui permettra de satisfaire les normes Euro 5. La Niva est brièvement proposée de 1993 à 1998 avec une mécanique diesel, un 1,9D PSA de 64 ch, mais aujourd'hui la seule alternative avec le noble carburant sera d'opter pour la bicarburation GPL. L'unique moteur développe désormais 83 ch à 5 000 tr/min et 127 Nm à 4 000 tr/min. Témoins de son âge, malgré les améliorations, les consommations et émissions restent stratosphériques avec 9,5 l/100 km en mixte et 225 g/km de CO2 (11,5 l et 179 g/km pour la version GPL qui concède au passage 6 ch et 3 Nm), tandis que les performances peuvent être qualifiées de désuètes, avec une vitesse de pointe de 137 km/h et un 0 à 100 km/h en 19 secondes.

Continuons les sujets qui fâchent avec la sécurité et le confort : en 1979, des ceintures de sécurité à enrouleur font leur apparition à l'arrière et ... la direction assistée arrive en 2004. La Niva subit une véritable cure de jouvence en 2009 avec pas moins de 250 modifications effectuées des amortisseurs à la transmission en passant par les freins. Un remaniement suffisamment profond pour adjoindre un « M » à son nom, à l'instar de la Ferrari 456 GT. Il faudra cependant encore attendre jusqu'en 2012 pour que l'ABS et la climatisation en option fassent leur apparition, mais on déplore toujours l'absence d'airbag. Au programme du prochain millésime ? Car la Lada Niva ne pense pas encore à la retraite, puisqu'une nouvelle évolution est annoncée à l'horizon 2014-2015. Peut-être un moteur diesel estampillé du losange depuis que Renault est devenu partenaire de la marque ?

Prise en mains vidéo - Lada Niva : Tsarina, une série spéciale pour fêter 35 ans d'Histoire

Mais ne perdons pas de vue la philosophie initiale parfaitement conservée de la Lada Niva, à savoir grimper aux arbres sans même transpirer. Et qui de mieux que Jean-Claude Briavoine pour nous parler de ces qualités ? Personne : c'est lui qui a le premier l'idée d'en engager une en rallye-raid à la fin des années 70 et qui sera l'auteur des premières lignes du palmarès sportif du petit 4x4 russe, avant même que l'importateur français fonde sa fameuse écurie Lada-Poch. C'est bien simple : il a tout gagné dans la discipline, avec comme seules exceptions le Paris-Dakar et l'Atlas, deux épreuves où il n'a fini « que » second. Accessoirement, il a aussi terminé à la 17e place aux 24 heures du Mans de 1978, mais il est ici bon de préciser que c'était au volant d'une Porsche 934. Il se trouve que ce jeune homme de 78 ans à la gouaille attachante et au tutoiement facile se trouve en ce moment même dans le siège conducteur d'une Niva toute neuve et qu'il me fait signe de monter pour un tour de la piste de 4x4 de Mortefontaine, l'occasion rêvée pour lui poser quelques questions sur cet engin qu'il connaît jusqu'au dernier boulon tout en ayant un aperçu de ses capacités en conditions extrêmes.

J'ai à peine le temps de m'attacher qu'on attaque déjà un chemin défoncé à travers les buissons qu'une chèvre aurait contourné. Ce qu'il y a de rafraîchissant, c'est que ce personnage haut en couleur a beau avoir été invité pour fêter les 35 ans du Niva et porter un t-shirt Lada, il n'en reste pas moins tout à fait critique à l'égard du modèle, haussant les épaules face à mes questions consensuelles, tout en conduisant.

Caradisiac : « Bon, on est d'accord, elle n'a pas de concurrente, la Lada Niva ? »

JC Briavoine : « Ah ben si quand même, il reste celui qui a un an ou deux de moins que nous, le Mercedes G. C'est toujours le même châssis, c'est toujours la même transmission. C'est le seul qui fait mieux que nous, lui il a les blocages de pont avant et arrière. Bon d'accord, c'est pas le même tarif. Sinon t'as aussi le Defender de Land Rover. Il y avait aussi le Samuraï chez Suzuki, mais ils lui ont fait la peau. Bon, là, on a un sérieux croisement de pont, la roue arrière gauche doit être à un mètre du sol. »

Caradisiac : « Qu'est-ce qui fait que le Niva est si bon en tout-terrain ? »

JC Briavoine : « il est léger, compact, il a une bonne motricité grâce à sa transmission permanente et un bon équilibre. Le mieux c'est sur terrain avec peu d'adhérence genre sable ou neige, là tu mets une pression des pneus intermédiaire, parce que si on dégonfle trop, on peut décoller le pneu de la jante en latéral. Le but est de ne pas aller trop vite, et de garder une vitesse constante, et là tu passes partout ».

Caradisiac : « Et si on doit trouver un défaut ? »

JC Briavoine : « Le moteur est pas terrible. En course, il y a eu deux essais pour le remplacer, il y en a un qui a mené à rien, y'avait Jabouille qui avait essayé d'emmancher un PRV dedans. Les trois voitures ont abandonné à la première étape, celle qui a fait plus de 2 km en a fait 85, ça, on oublie. Après il y a eu des moteurs Chrysler, les 2,2 l qui s'utilisaient en course de cote, sur circuit et dans différentes compétitions, et nous, on les avait portés à 2,5 l pour avoir plus de couple, sans trop gonfler, avec un arbre à came raisonnable pour avoir encore de la souplesse et du moelleux. Et c'est avec ceux-là qu'on est arrivé aux plus beaux résultats, tu arrivais à 250 ch et un couple assez bas dans les tours sans problème de fiabilité. Ah tiens, je viens de m'apercevoir que mon blocage de différentiel avait sauté depuis le début ».

Nous approchons maintenant d'un atelier de dévers, après avoir descendu une pente proche de la verticale tout en glissade les quatre roues bloquées.

Caradisiac : « 48° selon le dossier de presse ? »

JC Briavoine : « Ouais... ça dépend, ça dépend de pas mal de choses, du terrain d'appui, si c'est parfaitement lisse, genre béton, ou si c'est un peu bosselé et là t'as des petites impulsions dynamiques qui font que tu vires avant. Alors là je relève ma glace parce qu'en dévers, quand tu te bennes, tu as toujours le réflexe de mettre ton bras pour te retenir, tu sais. Et là, tu perds un bras. »

Caradisiac : « On est à combien de degré là ? »

JC Briavoine : « Aucune idée du nombre de degrés, mais je dis qu'il n'en faut pas beaucoup plus pour verser ».

Une fois de retour au point de départ, les adieux faits et le front épongé, il est temps de s'attarder sur la nouveauté du jour. 35 ans, ça se fête, et pour l'occasion, Lada France a décidé de marquer le coup en dévoilant une série spéciale. Pour en déterminer les spécificités, la marque a observé sa clientèle en se posant deux simples questions : à qui ne plaît-on pas ? Les jeunes et les femmes. Que devons-nous faire pour les intéresser ? Proposer une version personnalisable plus urbaine pour venir concurrencer les Fiat 500, Mini et autre Citroën DS3. Beau challenge.

Prise en mains vidéo - Lada Niva : Tsarina, une série spéciale pour fêter 35 ans d'Histoire
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Ainsi naît la Tsarina qui adopte un style baptisé « rétro sportif » avec des modifications se limitant à l'esthétique et à l'équipement : jantes aluminium en 16 pouces grises ou bi-ton, pavillon recouvert d'un film carbone avec quatre teintes au choix assorties à des bandes latérales et ornant le capot moteur, ainsi qu'à la peinture de la calandre, un intérieur cuir gris et noir, des vitres surteintées, des tapis de sol avant et des marchepieds latéraux plats. La Tsarina essence s'échange contre 13 990 €, soit 2 000 € de plus que la version de base et auxquels il faut ajouter les 2 300 € de malus, mais ça n'est pas tout, puisque le catalogue d'options est plutôt fourni pour que vous puissiez vous faire « votre » Niva comme aucune autre : prises d'air de capot et latérales type carbone (75 et 90 €), covering total avec dix teintes au choix (1 500 €), volant cuir (350 €), un supplément de 150 € pour choisir une couleur de sellerie dans une palette en comprenant huit, des feux diurnes (350 €) ou des pare-chocs avant et arrière type carbone (150 €). Ces options sont aussi accessibles au Niva « normal » et viennent s'ajouter aux plus classiques treuil électrique, toit ouvrant et autre climatisation.

Prise en mains vidéo - Lada Niva : Tsarina, une série spéciale pour fêter 35 ans d'Histoire
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Que dire de cette série spéciale à part que c'est une erreur de casting et qu'on voit difficilement une working girl parisienne ou un jeune hipster hésiter entre une Lada Niva Tsarina et une Fiat 500 Lounge 1.4 16v 100 ch, une Mini One 75 ch ou une Citroën DS3 Vti 95 ch vendues au même prix, au moment de choisir sa monture quotidienne pour se déplacer en milieu urbain ? Qui paiera pour un covering coûtant 10% du prix total ? Quelle utilité a en ville une transmission intégrale permanente, un réducteur et un blocage de différentiel central quand on n'a pas pour ambition d'escalader les flancs du Palais Omnisport de Bercy ou de traverser le canal Saint-Martin sans passer par un pont ?

Cet anniversaire est fait pour honorer la Lada Niva, célébrer son esprit de baroudeur plutôt que le renier et mettre en avant sa simplicité honnête à des années lumière de la sophistication à outrance de la Tsarina. A Caradisiac, on veut bien ouvrir la boîte à idées pour décrire ce qui nous aurait sembler être la série spéciale idéale, celle qui sent l'humus et la glaise : un réhaussage, des extensions d'aile pour couvrir des jantes tôle noires plus larges ceinturées de pneus off road, des grilles sur les feux, un snorkel, un treuil à l'avant, la roue de secours sur le hayon et une peinture kaki à la Samuraï Nairobi. On peut même l'appeler Briavoine si vous voulez. Et par pitié, notez-le quelque part : pas de faux carbone. Jamais. Nulle part.

Twitter : @PierreDdeG