Mirage... et dures réalités

Gulf qui entend rester présent dans le championnat du monde a réagi très vite aux premières rumeurs concernant un nouveau changement des règlements. Dans cette optique, un département recherches dont la direction est confiée à John Horsman est mis sur pied dès le printemps 1971. A Slough, pendant que la majorité de l'équipe continue d'assurer la maintenance des 917, on se retrouve bientôt en famille dans l'aile de l'usine réservée à la future Mirage. Len Bailey, qui fut le concepteur de la première voiture en 1967, reprend du service en assurant la réalisant du futur prototype 3 litres tandis que les hommes de Ford reviennent plein de bonnes intentions assurant à l'équipe la fourniture exclusive d'un inédit V12 Ford Weslake.

En attendant ce moteur "miracle", Bailey va devoir "se contenter" d'un classique Cosworth et conscient du manque de puissance du V8 face aux flat 12 Ferrari et autres V12 Matra, il va s'attacher à soigner particulièrement l'aérodynamique de la Mirage. Etudiée en collaboration avec la firme aéronautique Hawker Siddeley, la carrosserie se distingue par un capot avant très plat, un cockpit très profilé et par de fines arêtes verticales sur les ailes destinées à canaliser les flux d'air vers un gros aileron arrière couvrant toute la largeur de la voiture. Terminée assez tardivement, la Mirage M6 fait l'impasse sur les deux premières manches du championnat et ne débute qu'en mars à Sebring. Confiée à Derek Bell et Gijs Van lennep, elle se qualifie honorablement mais trop neuve, elle casse rapidement sa transmission en course. Après une seconde sortie tout aussi laborieuse à Brands Hatch, la Mirage se montre nettement plus à son avantage à Spa. Sur ce tracé rapide son aérodynamique fait merveille et compense en partie le déficit de puissance de son Cosworth (440 ch) face au flat 12 des Ferrari (480 ch).

Une performance d'autant plus remarquée, que la Mirage se révèle cette fois enfin fiable et permet à son équipage de terminer à une belle 4e place. La phase ascendante se poursuit au Nürburgring, où elle signe le 2e temps des essais, prend un moment la tête de la course avant d'abandonner en vue de l'arrivée, moteur cassé. Trop tendre, pour Le Mans, elle termine sa saison par une 3e place à Watkins Glen. A l'issue de cette première année semée à la fois de belles promesses et de résultats irréguliers, l'équipe fonde de grands espoirs pour 1973, d'autant que le fameux V12 Weslake est enfin disponible. Wyer et ses hommes vont vite déchanter. Testé par Graham Hill, en octobre 72 dans un châssis Brabham expérimental le V12 ne s'est pas vraiment montré à la hauteur des ambitions de ses promoteurs. Lourd, encombrant, vorace en carburant, il s'est de plus révélé guère plus puissant que le V8 Cosworth. Un bide! Si l'équipe Wyer renonce à l'utiliser dans les courses de 1000 km où la maniabilité et un faible poids sont des atouts majeurs, elle tente néanmoins un pari en installant le V12 dans sous le long capot d'un coupé très profilé spécialement conçu pour les 24 Heures du Mans. Aperçu brièvement aux essais préliminaires en avril, ce coupé ne sera jamais aligné en course. Rapide en pointe mais peu à l'aise dans les portions sinueuses et handicapé par une puissance insuffisante et n'ayant pas donné des gages suffisant en matière de fiabilité, il est vite abandonné au profit des spiders qui ne se défendent pas si mal depuis le début de saison.

Ainsi à Daytona, Bell associé désormais à Ganley a ravi la pole à la Matra, tandis qu'à Spa, le même Bell épaulé par Mike Hailwood s'est imposé devant l'autre Mirage de Ganley-Schuppan, une Matra et une Ferrari. Cette unique victoire de la saison 73 aussi méritoire soit-elle ne peut cependant pas masquer une dure réalité. Aux côtés de Ferrari et Matra qui se livrent un duel fastueux pour le championnat, le Team Gulf Wyer, en dépit de son expérience et de son professionnalisme s'apparente davantage à une équipe privée. Incapables de se mêler à la bataille au sommet, les Mirage devenues fiables raflent les places d'honneur avec une belle régularité. La partie encore parfois incertaine en 1973 sera jouée d'avance au seul profit de Matra la saison suivante soulignée toutefois par une brillante pole à Spa assortie d'une seconde place. Un bilan qui peut s'honorer également d'une endurance sans faille avec au moins une Mirage à l'arrivée des sept courses où elles furent engagées.

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