En action, du bon gros M débordant


Comme expliqué précédemment, la M5 est entièrement paramétrable et peut donc présenter plusieurs visages. Dans cette multitude de configurations, ceux qui avaient l’habitude de tracer quelques virgules avec leurs précédentes M5 n’ont pas été oubliés. Mieux, cette M5 F10 est probablement la plus teigneuse jamais conçue.


Sur la route, quel leurre est-il ?

Essai vidéo - BMW M5 F10 : leurre de pointe

Le V8 4.4l biturbo qui promet 680 Nm dès 1500 tr/mn ne ment pas. Débranchez toutes les assistances sur routes humides ou sales et vous allez mouliner du cerceau dès la sortie de votre garage. La M5 n’est pas une Nissan GT-R et parfois, sur un filet de gaz à 30 km/h ou sur une légère réaccélération, vous allez sentir l’arrière train balader. Tout d’un coup, vous vous revoyez 20 ans en arrière écouter les anecdotes du même genre racontées par votre oncle/voisin/ami de la famille qui roulait déjà en BMW. Ce V8 est plein, copieux, débordant tout en atteignant tout de même les 7200 tr/mn avant de toucher le rupteur alors que sa sonorité grave logiquement plus étouffée qu'avant est compatible avec une utilisation familiale. Ça ne consolera pas ceux qui regrettent les 8500 tr/mn du V10 atmo précédent mais en matière de sensations, le paquet délivré de 1500 à 7200 vaut largement autant sinon plus ! Je le rappelle pour ceux qui n'ont pas lu la première page, le 0 à 200 km/h effectué en 13s ou le 1000 DA ne réclamant que 21,9s sont des valeurs réellement impressionnantes, sur papier mais encore plus à vivre ! La M5 n'est pas survireuse, elle est équilibrée et glisse des 4 roues mais évidemment, DSC sur Off, elle a tendance à remuer de la croupe assez facilement sur la remise de gaz un peu franche. Elle n'est pas pour autant piégeuse à la condition d'avoir préalablement (re)connecté votre cerveau avec votre pied droit et activé l’instinct de survie qui fait d’un conducteur un bon pilote sur ce genre de voiture responsabilisante. Car les vitesses atteintes sans forcer sont totalement hallucinantes , même sur des petites routes (la v-max de 250 km/h – 270 compteur – arrive très vite !). Pour éviter les situations scabreuses, il en va donc de votre capacité à ne pas perdre les pédales et à poser le pied sur le frein au bon moment. Ensuite, au fur et à mesure des kilomètres, cette puissance et cette bestialité à bas régime (aides toujours déconnectées j’entends) s’apprivoisent et vous découvrez que l’équilibre qui a fait la réputation des BMW est bien présent. La confiance vient et c’est à ce moment que vous vous demandez à quelle heure débute la session sur circuit !


Si Teddy Riner était une auto, il serait probablement une M5

L’électronique souvent décriée car trop présente sur nos voitures actuelles est ici employée à bon escient puisqu’elle offre un champ de configuration si large qu’il va satisfaire celui qui utilise sa M5 pour aller chercher les croissants le week-end, celui qui aime envoyer du Gros Fast mais également toute la palette intermédiaire de conducteurs. Même madame appréciera l’engin, sans parler des enfants qui aimeront en plus du reste (comme les places arrière), la qualité de la sono.


De son côté, la boîte DKG travaille à vous donner du plaisir. Cette double embrayage est une véritable satisfaction à l’usage : les passages de rapports sont rapides, ils peuvent être doux selon le grade choisi mais aussi offrir un léger à-coup (un ‘plop’ sympathique) à la montée, rendant l’opération moins triste qu’avec une boîte de même type trop linéaire. Les automatismes vous soulagent parfaitement et la sonorité grave n’est jamais envahissante (est-ce le fait de l'Active Sound Design ?), du coup, le package global de cette M5 donne l’impression d’être dans une grosse berline puissante et sereine capable de jeter la foudre seulement si elle le désire.

Si Teddy Riner était une auto, il serait probablement une M5 !


Sur la piste, leurre de pointe

Essai vidéo - BMW M5 F10 : leurre de pointe


Sur la piste Ascari, en ce début de matinée ensoleillée, la question qui se pose est simple : DSC Off ou MDM ? Les 3 premiers tours de découverte de ce circuit derrière le pace car scellent la décision : ce sera DSC Off. Autre analyse confirmée par la piste : les petites palettes solidaires du volant ne sont pas la panacée, cachées derrière les commodos. Vous activez souvent le lave-glace au lieu de monter un rapport alors que dans les grandes courbes en accélération de ce circuit vallonné et assez rapide, vous ne trouvez pas toujours la palette au moment voulu. Du coup, on se réapproprie le levier séquentiel qui donne un côté old school au pilotage, ce qui n’est pas pour déplaire aux plus anciens. Disons plutôt aux moins jeunes qui n’ont pas été élevés à la GT-R et au paddle de console.


Même en mode DSC Off, le différentiel actif agit sur l’auto afin de lui garantir une certaine agilité car emportée par son poids de 1945 kg (aux normes européennes donc avec conducteur et fluides compris), la M5 a tendance à saturer son train avant sur les freinages avant épingle (mieux vaut y aller franco et la déséquilibrer sur la fin du freinage), voire à élargir la trajectoire. Sur les courbes moyenne vitesse, en fonction de la position de votre pied sur l’accélérateur, vous sentez que « ça travaille dur » dessous et finalement les trajectoires propres sont parfaitement maîtrisées tout comme les changements d’appuis. La M5 est un leurre qui tourne.


Essai vidéo - BMW M5 F10 : leurre de pointe

Le freinage assuré par des étriers fixes à 6 pistons à l’avant est composite mais pas carbone-céramique (c’est mieux pour le porte-feuille). Il parvient à conserver de la dignité pendant une quinzaine de tours avant d’émettre un grognement caractéristique (qui n’a rien à voir avec la récupération d’énergie assez audible elle aussi) et de perdre son mordant. Les pneus Michelin Pilot Super Sport sont endurants comparés à d’autres mais n’espérez pas de miracle, une journée en piste avec un tel engin vous fera repartir avec une auto qui devra impérativement repasser par le garage pour changer pneus, disques et plaquettes qui souffrent sur cet exercice. Surtout qu’après quelques tours de découverte, vous découvrez les véritables qualités d’acrobate de la M5.


La joie est BMW, dit la pub. Au bout de quelques tours sur la piste Ascari, la joie est en vous aussi. Contrairement à une Nissan GT-R qui vous donne l’impression d’être un bon pilote en vous permettant de signer d’excellents chronos sans vous mettre dans le rouge, la BMW M5 vous donne l’impression d’être un excellent pilote car elle dispose d’un équilibre châssis typique des productions maison. Les passages de courbes en drift sur les 2eme et 3eme rapports arrivent naturellement au bout de quelques tours. Une fois que vous êtes parvenus à déstabiliser la poupe de l’auto au freinage, il vous suffit alors de prendre l’accélérateur et de gérer à l’instinct pour vous enrouler posément et dans un panache de fumée autour du cône signifiant le point de corde. Les coups de raquette en cas de timidité ne sont jamais brutaux et très vite les remises en ligne se font sans sueur. C’est jouissif, c’est ce qu’on attend aussi d’une M et c’est ce que permet cette nouvelle BMW M5 qui rassurera les fans : même sans moteur atmo, même sans les 8500 tr/mn, même avec une boîte double embrayage et un différentiel actif, elle est une auto étonnante, enthousiasmante, vivante, possédant plusieurs personnalités et au bout du compte beaucoup plus docile que ce qu’un premier essai sur route peut laisser penser.


Leurre des comptes


La BMW M5 est un leurre pour le profane qui peut ne voir en elle qu'une jolie BMW Série 5. Par conséquent, elle se positionne comme la voiture schizophrène parfaite et finalement, qu’elle claque ou pas un temps sur le Nürburgring devient totalement anecdotique en regard du plaisir mais aussi des services au quotidien qu’elle distille à ceux qu’elle transporte (de joie), qu'ils soient fans des M qui roulent en crabe ou simplement fans des BMW familiales très haut de gamme.

Une joie qu’il faudra toutefois conserver au moment de signer le chèque de 117.000 euros nécessaire à son acquisition.


Essai vidéo - BMW M5 F10 : leurre de pointe