Le discours commence avec du bon Taylor dans le texte qui s'amuse de ce qui est, de son point de vue, la vraie exception culturelle française : « Je n'essaye de faire plaisir à personne. Sauf à ma femme. M. Montebourg, est un charmant jeune homme qui tente de sauver des emplois industriels parmi les mieux payés. Si j'ai blessé quelqu'un par mes paroles, j'en suis désolé. Mais la France a un haut niveau d'impôt et de chômage aussi. La vérité vous blesse-t-elle ? Travailler sept heures par jour quand dans d'autres pays on travaille huit heures handicape la France. En Inde, en Chine et dans plein d'autres pays, on travaille dix à douze heures par jour. Mais je n'ai pas de préjugés sur la France. Ce que je vois, c'est une usine qui fabrique de bons pneus agricoles, a de bons équipements, est bien située et dispose d'espaces pour s'agrandir. » Mais le boss prévient : « Titan n'a pas besoin d'acheter cette usine. Mais, avec un prix correct et des travailleurs compétents, cela vaut le coup d'essayer. »


Un essaie donc que ledit Taylor espère bien transformer à sa façon. Car ces 333 emplois ne sont pas une fin en soi. Si bien que le ponte se garde bien de parler d'une quelconque pérennité, du genre de celle de quatre ans avancée par le gouvernement. « Le seul nombre que j'ai mentionné au ministre, c'est 333. Je sais qu'il voudrait une garantie de quatre ans. Mais, comme je vous l'ai dit, la CGT et Goodyear doivent d'abord se mettre d'accord sur des indemnités de départ. Si tous les salariés les acceptent, le projet d'achat de l'usine démarre avec zéro employé. Comment pouvons-nous donner des garanties de durée d'emploi quand il ne reste plus d'employés sur le site ? »


Un raisonnement imparable qui amènera cette conséquence clairement annoncée : « Imaginons que Titan achète à Goodyear l'usine fermée. Dès lors, Titan pourrait déménager les machines vers la Pologne ou vers tout autre pays de l'Union européenne qui a encore sa propre monnaie. Je pense que M. Montebourg sait cela. Or, il veut garder l'usine d'Amiens avec au moins 333 emplois bien payés. Titan accepte de les recruter parmi les quelque 1 200 salariés actuels de Goodyear. Aussi M. Montebourg a-t-il besoin d'un engagement de Titan avant d'essayer d'amener la CGT à s'asseoir à la table avec Goodyear. La première étape est que la CGT et Goodyear scellent un accord sur les indemnités de départ pour tous les employés. Dès lors, il n'y aura plus d'employés dans l'usine. »


Ce qui amènera donc à la seconde étape. La délocalisation sur un territoire « qui a encore sa propre monnaie. » On peut trouver Monsieur Taylor cynique, mais il n'est que l'exact reflet de son temps, qu'il n'a fait qu'analyser dans sa froide dimension. Entre l'euro et les syndicats, vous avez la l'avers et le revers de la marche de notre monde économique. Et concernant Amiens-Nord, la collectivité paiera la casse des hommes alors que le nouveau patron prendra les dividendes offerts par l'outil. Encore a-t-il la franchise de nous le dire. Accordons lui au moins ça, même par dépit.