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Pourquoi le « swap » (remplacement) de batterie n’est pas la solution à la contrainte du temps de recharge ?

Nio a lancé en Chine et depuis peu en Europe un service de remplacement rapide de batterie s’ajoutant aux habituelles stations de recharge. L’envie de se dire que l’on tient là une solution au problème du temps nécessaire pour réaliser un plein d’électrons est grande, que ça y est, la voiture thermique va mourir. Pourtant, passé l’effet « Wouah c’est amusant », cette solution semble peu viable. Du moins pour l’automobile.

Crédit photo : NIO
Crédit photo : NIO

Le « Swap de batterie » est un anglicisme qui traduit le remplacement instantané de la batterie d’un véhicule électrique à la place d’une recharge. Mais oui ! « En voilà une idée qu’elle est bonne » a-t-on envie de se dire. Sur le papier, tout semble merveilleux et la voiture électrique s’ôte la grosse aiguille qu’elle avait aux pneus, en s’affranchissant en plus d’une durée de vie liée à la capacité de sa batterie dans le temps.
Mais factuellement, scientifiquement, économiquement et logistiquement, ce n’est pas aussi rose. Le remplacement de la batterie instantanément n’est qu’une cinématique intrigante, un fantasme saupoudré d’un paradoxe de Braess. Pour une multitude de raisons qui méritaient bien que nous nous y attardions. Sans quoi, les ayatollahs de l’électrique qui fixent les lois y verront un remède miracle à un problème qui n’a rien de divin. Enfin, pour l’automobile. Et ce, malgré des avantages certains.

Crédit photo : NIO
Crédit photo : NIO

La porte ouverte à des soucis techniques

Tout se passe par en-dessous. En horlogerie, l’étanchéité nécessite de l’espace, du volume et surtout du consommable capable d’empêcher les éléments de pénétrer l’intérieur du système. Ici, les protections sont les packs en question. Il faudra en assurer régulièrement la maintenance pour les préserver. Mais quid de l’espace en dessous de la voiture ? Imaginons deux échanges par semaine, soit 104 échanges par an. Auquel on ajoute une vulnérabilité lors du changement. Quelle sera alors la durée de vie du système ? Celle de la visserie (spécifique chez Nio par exemple) ?
En a-t-on vraiment besoin lorsque justement, l’une des forces de la voiture électrique est censée être sa fiabilité liée à son côté protégé (on n’a pas besoin d’accéder à l’antre de l’engin contrairement à une thermique) ?

La fin de l’automobile individuelle

L’intertitre est clivant, mais justifié. Ce système de « swap » ne peut faire sens qu’en misant sur la location de l’automobile. C’est d’ailleurs pour cela que Honda ne propose qu’une LLD pour son scooter électrique Em1 e. À partir de là, si la solution du « swap » était adoptée massivement, cela signifierait que la propriété automobile a disparu. « Victoire » crieraient (bêtement) les « anti-bagnoles ». Bêtement, car cela signifie que l’automobile serait réduite à 100% à un service.
Si le coût de l’énergie est un levier impossible à contrôler, celui du service est encore plus violent, car la dépendance financière est totale. Demandez aux personnes qui ont misé sur les services de streaming, de cloud (stockage en ligne) qui offraient beaucoup pour peu et qui, année après année ont augmenté leurs prix et réduit leurs offres à peau de chagrin.
Il suffirait alors de ne pas payer suggéreront certains et ça ferait baisser les tarifs. Mais s’il est déjà difficile de voir un mouvement massif pour des services aussi dispensables que Netflix, comment cela serait-il possible pour un outil de déplacement encore primordial comme la voiture ?

NDLR : Nio propose au choix l’achat de la batterie à 20 000 euros ou sa location à 200 euros/mois pour une quantité définie et limitée de remplacements.

Puis quid du respect des utilisateurs ? Quiconque a emprunté un jour une Autolib se souvient de la propreté et de l’état des véhicules. Il faudra alors soit renforcer méchamment les autos, soit compter sur une franchise bien lourde pour ne pas se retrouver avec un cimetière de véhicules.
Peut-être que nous y viendrons, à utiliser des voitures que nous ne possédons pas. C’est déjà un peu le cas avec les LLD et les LOA pour le lesquelles les options d’achat ne sont pas souscrites.

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Une uniformisation des batteries financièrement complexe à gérer

Si les fabricants de scooters Yamaha, Honda, Piaggio, KTM et Kymco ont accepté de se rassembler en un consortium afin d’uniformiser les batteries de leurs 2 roues électriques, sachez qu’il est plus compliqué de voir ce genre d’association dans le domaine automobile.
Et pour cause, la batterie est la clé de l’autonomie et de la durée de vie du véhicule, un sacré levier de communication pour les constructeurs et un vecteur d’achat pour les consommateurs. Un consortium serait évidemment intéressant pour ces derniers, mais nettement moins pour le constructeur. Quel intérêt aurait Tesla à s’ouvrir à ce système après avoir autant investi dans l’infrastructure des superchargeurs, en plus de s’asseoir sur le gain qu’ils génèrent ?
Tout ceci sans compter les investissements déjà réalisés par chaque constructeur dans la recherche sur de nouvelles batteries. Puis miser sur un consortium proposé par les constructeurs chinois risque d’effrayer le gouvernement européen.

Le volume occupé une perte d’espace

Les batteries sont toutes enfermées dans le même coffrage et ce, peu importe la chimie utilisée. La bonne nouvelle, c’est que la durée de vie du véhicule devient presque illimitée, reposant sur une qualité de composants électroniques et des moteurs capables de durer.
D’ailleurs, on pourrait penser que la possibilité de changer de capacité de batterie résout le problème du volume et du poids des véhicules : la plupart des choix de voitures électriques se basent sur le besoin d’autonomie le plus élevé, engendrant l’achat de véhicules inadaptés pour la majorité des trajets quotidiens. Avec le système d’échange de batterie, il suffit de ne charger la batterie de grosse capacité que pour un voyage long. Mais le raisonnement est faux : le véhicule sera alors énorme pour tout le monde pour justement être capable de recevoir une grosse batterie si besoin. C’est donc l’effet inverse qui sera produit.

Une limitation physique

Le système prétend 300 changements par jour. Mais nos confrères de l’Argus ont rapporté un score de 150 échanges par station. Chaque station pèse 16 tonnes. Niveau infrastructure, c’est autre chose que d’implanter des bornes de recharge. Nio vise 500 stations en Europe d’ici 2025 quand Tesla compte déjà 10 000 Supechargeurs sur le continent pour un total, tous prestataires confondus de 200 000 bornes. Ce système engendre trop d’investissement et d’espace (notamment dans les métropoles où celui-ci est compté et coûteux).
Reste les autoroutes, mais là encore, les dernières évolutions de batteries montrent que le temps de charge ne suffit souvent pas à couvrir le temps de pause. Donc à quoi bon gagner encore 15 minutes ?

Les batteries Blade de BYD que l’on trouve dans les Tesla Model Y Propulsion sont données pour 750 000 km et acceptent sans broncher les recharges à 100 %.
Les batteries Blade de BYD que l’on trouve dans les Tesla Model Y Propulsion sont données pour 750 000 km et acceptent sans broncher les recharges à 100 %.

Production supérieure du nombre de batteries : une idée adaptée aux petites batteries mais pas aux grosses

Les batteries que l’on peut porter à la main sont simples à changer. Dans ce cas, l’uniformisation fait sens, car ces batteries seraient chargées au domicile et facilement transportables.

La batterie de scooter du consortium japonais (ici d’un Honda EM1 e) pèse 10 kg, soit environ le poids d’un pack d’eau. Elle est donc facile à changer, mais impossible de l’acheter. Crédit photo : Jérémy FDIDA
La batterie de scooter du consortium japonais (ici d’un Honda EM1 e) pèse 10 kg, soit environ le poids d’un pack d’eau. Elle est donc facile à changer, mais impossible de l’acheter. Crédit photo : Jérémy FDIDA

Ce n’est pas le cas de la batterie d’une auto, qui tourne autour de la demi-tonne. Le côté pratique ne l’est pas, car dans l’idéal, il faudrait tourner avec deux batteries chez soi. Ce qui est inenvisageable.
Ajoutons un autre point : pour tourner avec des batteries nécessite forcément d’en avoir plus que le nombre de véhicule en circulation. Ce n’est ni écologique, ni logique tout court.

Une plus grosse exposition à un problème technique lors de l’échange

Si on demande aux propriétaires de voitures électriques ce qui les agace le plus, ils répondront les bornes qui ne fonctionnent pas. Ce qui les oblige à en chercher une autre, parfois au risque de se retrouver très limite concernant l’énergie restante. Imaginez une panne ou un problème technique lors du « swap ». La situation serait plus délicate à gérer.
Si nous n’avons pas de chiffres concernant la fiabilité du système, ce dernier est complexe : les batteries pèsent 600 kg environ (comptez environ 7 kg/kWh en moyenne entre les chimies LFP et NCM avec leurs structures respectives). Les échanges s’enchaînent dans des conditions climatiques variables (pluie, froid, chaleur). Tout ceci mis bout à bout, le risque de problème technique est bien réel.

Un gain négligeable ?

Il faut 20 minutes pour une charge de 20 % à 80 % (et même 12 minutes pour les Hyundai grâce aux 800V). La solution NIO, lorsque tout fonctionne revendique 5 minutes pour la même chose. Un gain de 15 minutes par auto. Mais il y aura nettement moins de stations de « swap » que de bornes. Prenons une zone de superchargeurs Tesla : 10 bornes permettent de charger 20 véhicules par heure (environ 2 véhicules par borne en comptant 20 minutes pour les manœuvres).
La station « swap » en permet un peu moins. Comptons 5 minutes par voiture pour entrer et sortir de la borne et 5 minutes pour le changement. Cela fait 15 véhicules par heure.
Y a-t-il un réel intérêt à gagner environ 10 minutes par charge sur bornes, sachant que ces bornes sont surtout empruntées en cas de voyage, car les propriétaires de voitures électriques ont plutôt tendance à charger chez eux ?

Une utilisation de l’énergie disponible comme stockage tampon, oui mais…

L’idée semble intéressante : utiliser les batteries en stock pendant les périodes calmes, pour soulager le réseau électrique des villes où sont implantées les stations de « swap ». Mais il y aurait nettement plus d’intérêt de compter sur des infrastructures dont la capacité électrique n’est pas variable (les batteries au sodium par exemple).
Maintenant parlons capacité : 80 kWh par batterie, pour 13 batteries par station. Imaginons une zone de 10 stands de recharge, cela donne une capacité théorique maximum de 10 400 kWh.

La consommation électrique journalière d’un logement de 70 m2 représente 46,4 kWh. Donc une station importante de 10 stands de recharge qui utiliserait 100 % de sa capacité électrique ne pourrait fournir au réseau que de quoi alimenter 224 logements. Or, ce n’est pas le but. À moins de ne tourner qu’avec batteries usées dont la capacité est faible, ce qui réduit d’autant plus le nombre de logements pouvant être alimentés avec le système.
Soit, c’est mieux que rien, mais de là à en faire un argument.

Un paradoxe de Braess et la saturation probable

En 1968, la ville de Seoul a construit une autoroute à 6 voies servant à fluidifier le trafic. Si cela a fonctionné au début, en quelques années, cette autoroute était chargée puis saturée. Tant et si bien que la ville décida de la retirer en 2005 et chose incroyable, cela ne changea rien au trafic. En réalité, ce qu’il se passa est identique au jeu des files dans les bouchons. Les automobilistes vont vers la voie qui roule le mieux. Après quelques minutes, ces voies deviennent les plus lentes, alors ils bougent. Et ainsi de suite. Pourtant, si chacun était resté sur sa voie, le trafic aurait été moins saturé, voire roulant. Cela s’appelle le Paradoxe de Braess.
Maintenant, appliquons ce paradoxe au système de « swap ». Au début, les gens iront vers ce système, à supposer que tous puisent le faire. Car plus rapide que la charge classique. Mais cela va saturer les stands. Un calcul va s’opérer et certains vont se rabattre sur la charge classique. Selon le paradoxe de Braess, l’équilibre sera atteint lorsque le temps passé au stand sera identique à celui passé aux bornes. Compte tenu des conditions imposées par les infrastructures, cet équilibre sera rapidement atteint. Ce qui réduira de facto l’argument principal de ce système, à savoir le gain de temps, à néant : le temps d’attente et du « swap » sera équivalent voire supérieur à celui d’une recharge sur borne.

Il y a tout de même quelques avantages

Maintenant, imaginons que ce système soit réservé aux professionnels de la route : Taxis, Bus, VTC, etc. Là, la plus-value serait réelle.
Idem pour le stockage des batteries usées qui fournirait de l’énergie pour des petits besoins d’électricité. Il y a quelque chose effectivement. Mais le business model serait-il aussi intéressant ? Pour rappel, l’objectif de Nio et des acteurs de ce système reste, comme pour toute entreprise, de générer de l’argent.

De quoi rassurer les propriétaires de véhicules électriques

Pour conclure, ce système a tout de même un bel avantage, c’est qu’il désacralise le remplacement de batterie. Car c’est bien la première question qui revient quand on aborde la mobilité électrique (et à juste titre d’ailleurs) : est-ce qu’on peut changer la batterie et combien ça coûtera. Nous avons là une démonstration concrète avec en plus une idée précise de l’usage de la batterie usée récupérée.
La boucle est ainsi bouclée.

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