Avant toute chose, l'écotaxe, c'est un montage que l'on n'avait pas vu depuis Philippe Le Bel. Les fermiers généraux, ça vous parle  ? Un petit rappel  : la Ferme générale s'est développée à une époque où la monarchie souffrait de difficultés financières chroniques. L'affermage des droits de douane et des impôts présentait l'avantage de procurer au Trésor des recettes prévisibles et régulières, tout en le débarrassant des soucis de la perception. Un dispositif qui marque donc la situation d'un Etat exsangue. Et qui a mal fini. Donnant lieu à une foule d'abus, l'Assemblée constituante le fit disparaître en 1790, en supprimant les fermes.


Déjà là, ça n'a rien de rassurant. Mais on peut se dire que, depuis, on a fait des progrès, et que nos élites ont appris de l'Histoire. Alors, poursuivons. L'Ecotaxe donne donc à une société privée la charge de collecter un impôt. Celle-ci s'appelle Ecomouv et elle se paiera sur la bête. Ainsi, si le bénéfice pour l'Etat est estimé à plus d'un milliard d'euros par an, 250 millions seront à reverser, chaque année, à l'enseigne. Soit plus de 25% du produit total de l'impôt.


Mais comment Ecomouv a-t-il décroché la timbale  ? Et d'abord qui est Ecomouv  ? Il s'agit de Autostrade per l'Italia, une entreprise privée, détenue à 100% par Atalantia, qui construit et gère la plupart des autoroutes de la péninsule italienne. Elle est même leader européen dans son secteur. Cette société, privatisée depuis 1999, est, elle, la propriété de Benetton. On le voit, que du beaux linges.


Selon le JDD, Autostrade per l'Italia est connue pour ses succès en Italie, mais surtout en Autriche, où elle a installé et géré le premier système de collecte de péage multivoies en libre circulation au monde. Un système qui s'apparente à celui imaginé pour l'écotaxe. Ceci dit, Autostrade n'est pas seule dans Ecomouv. Elle en détient 70% et les 30% restant se partagent entre des groupes français : SFR, Thalès, la SNCF et Steria, un groupe de services informatiques.


Ce partenariat public-privé pour lever la taxe poids lourds a donc été mis en place avec ce consortium, présidé par Daniele Meini, de l'Autostrade per Italia, et Sergio Battiboia, concepteur du système utilisé par la société où le Français Michel Cornil, un ancien de la SNCF, est vice-président.


Maintenant, comment ça marche  ? Le contrat a été signé pour une durée de 13 ans et trois mois. Dont 11 ans et demi pour l'exploitation et 21 mois pour l'installation. Dans un premier temps, Ecomouv a installé 173 portiques au coût à l'unité estimé entre 500.000 et 1 million d'euros, créé et distribuer les boîtiers GPS à installer dans les poids-lourds et construit un centre de contrôle et de prélèvements sur une ancienne base aérienne de Metz où 200 personnes ont été embauchées. Le site avait été choisi en compensation de la fermeture de la base décidée lors de la réforme militaire de 2008. Enfin, 130 douaniers ont été affectés dans ces locaux pour gérer également l'écotaxe.


On le voit, l'écotaxe est un projet mûrement élaboré dont les tenants et les aboutissants ont ferré l'Etat français par ailleurs demandeur. On voit mal comment celui-ci pourra revenir en arrière. Ecotaxe, Ecomouv, et copains d'abord  ? Un député, François Rebsamen, veut une commission d'enquête sur le sujet. Gageons que c'est un peu tard pour rendre la monnaie.