La Reine de la saison 1949

Le moteur V12 qui affiche une surprenante sophistication dans ces années de l'immédiat après-guerre, affirme d'emblée le tempérament de la voiture. Aussi compact qu'un six cylindres, il ne craint pas les hauts régimes et possède un formidable potentiel de développement. Ainsi, au fil du temps, sa puissance passera de 130 à près de 150 ch et il montrera également d'étonnantes capacités d'adaptation (trois carburateurs double corps ou un seul) selon les tracés ou la durée des épreuves, exigeant plus de souplesse que de puissance.

En parfaite harmonie avec sa mécanique, sa ligne originale et moderne va largement contribuer à son succès. Dessinée et réalisée par la "Carrozzeria Touring" de Milan, cette silhouette basse, remarquablement homogène qui combine élégance et agressivité, va devenir l'archétype de la voiture de Sport des années cinquante. Attrayante, la 166 affirme aussi sa vocation sportive en reprenant un mode de construction, réservé jusqu'alors aux seules monoplaces de Grand Prix.

Les panneaux d'aluminium constituant la carrosserie sont d'abord façonnés sur des formes de bois, puis adapter à une légère ossature en tubes. Ce procédé apporte non seulement un gain de poids considérable, mais aussi une rigidité peu commune pour l'époque. Entre 1949 et 1951, la 166 MM allait séduire une trentaine de clients et parmi ceux-ci, Luigi Chinetti fut le premier sous le charme. Commençant à importer les Ferrari aux Etats-Unis, il n'en poursuivait pas moins sa carrière de pilote. Vainqueur des 12 heures de Paris 1948 avec une 166 Spider Corsa, il est le premier à croire aux chances de la 166 MM aux 24 Heures du Mans qui renaissent en 1949.

Enzo Ferrari qui rechigne à exposer ses deux litres face à des voitures de plus forte cylindrée, refuse de s'aligner officiellement au Mans et Chinetti doit prendre à sa charge l'engagement de deux voitures,soutenu par Lord Seldson et par le "banquier-pilote" Pierre-Louis Dreyfus. Rapides et endurantes, les Talbot, Delage et autres Delahaye appartiennent à l'école technique de l'Avant-guerre et si elle enflamment les premières heures de course, elles finissent par s'essouffler à la tombée de la nuit. Les deux 166 MM prennent le relais en tête et après la sortie de route de Dreyfus, rien ne pourra priver Chinetti de son troisième succès au Mans. Une victoire des "Modernes" face aux "Classiques" qui aura un retentissement mondial et qui contribuera grandement à la réputation de la jeune marque Ferrari. Enzo Ferrari ne s'y trompera pas et deviendra dès lors un fidèle des 24 Heures, avec le succès que l'on connaît. En attendant, la 166 MM poursuit sa moisson de succès. Quinze jours après Le Mans, Chinetti associé cette fois à Jean Lucas s'impose aux 24 heures de Spa au terme d'une course indécise jusqu'au bout. Un triomphe qui vient conclure une saison 1949 riche en succès pour la 166 MM. La jolie barquette à signer en effet 24 victoires, avec pour point d'orgue les Mille Miles et le Tour de Sicile. Les années suivantes, avec le lancement des versions 195 S, 212 et autres 340, la carrière de la 166 se fait plus discrète. En 1950, si aucune des trois voitures ne parviendra à terminer au Mans, la 166 accrochera une belle victoire aux 12 heures de Paris avec l'infatigable Luigi Chinetti et s'imposera en catégorie deux litres en Sicile et aux Mille Miles. 1951, marquera la dernière apparition des 166 aux 24 Heures du Mans. Sur sa propre voiture, Yvonne Simon terminera à la 15e place en compagnie de la Britannique Betty Haig. L'heure était à l'escalade de la puissance chez Ferrari et la 166 MM avait vécu. Elle pouvait quitter l'arène sportive la tête haute, avec le sentiment du travail bien fait.

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