C'est un groupe parlementaire bipartisan, entendez de députés et sénateurs issus aussi bien de la majorité gouvernementale que de l'opposition, qui est en train de plancher sur le devenir des concessions autoroutières depuis la fin janvier. Et c'est dans l'attente des premières conclusions de ce groupe que le Premier ministre Manuel Valls a décidé le gel des tarifs autoroutiers, qui normalement augmentent chaque 1er février. C'est alors le 10 mars, a-t-on appris ce mercredi après-midi, que seront connus les résultats de ce travail parlementaire. Et « le gouvernement annoncera très rapidement après le 10 mars des mesures concrètes », a encore précisé Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, devant un groupe de sénateurs qui se réunissait justement pour évoquer ses propres pistes de réflexions sur le sujet.

En pratique, à quoi faut-il s'attendre ? Après le gel, le dégel ! Il paraît évident en effet que le blocage gouvernemental, décidé de manière unilatérale, à l'encontre des prescriptions contractuelles qui lient l'Etat aux sociétés d'autoroutes, ne devrait pas pouvoir perdurer. Il faut s'attendre donc à ce que les tarifs des péages d'autoroutes, d'une manière générale, augmentent dès le 1er avril ou en tout cas, assez rapidement à la suite des annonces du 10 mars.

Une hausse des prix des péages à prévoir avant l'été

Il est d'ailleurs à rappeler que contrairement à ce que Manuel Valls a laissé croire dans un premier temps, tous les prix des péages n'ont pas été gelés. Seuls ceux des grandes sociétés d'autoroutes, les sociétés dites historiques, que sont APRR et Area du groupe Eiffage, ASF, Cofiroute et Escota chez Vinci, puis Sanef et SAPN du groupe espagnol Abertis, l'ont été. Ce qui représente cela dit plus de 90% du réseau autoroutier français.

Mais il n'empêche, le gel des tarifs des péages n'a pas été décrété sur près de 10 % du réseau. Et les concessions 100 % publiques que sont ATMB et SFTRF n'ont pas été les dernières à augmenter leurs prix, avec des hausses de l'ordre de 2,59 % dans les tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc qu'elles ont en gestion ! Initialement, la hausse moyenne des péages, toutes sociétés confondues, devait tourner autour de 0,57 %, alors même que l'inflation prise en compte était seulement de 0,38 %... C'est dire combien l'Etat ne s'est pas gêné lui-même dans cette affaire !

Tarifs des péages sur l'ATMB et SFTRF

2014

2015

Augmentation en % en 2015

Tunnel du Fréjus ou du Mont-Blanc Aller 42,40 € 43,50 € 2,59%
Tunnel du Fréjus ou du Mont-Blanc Aller/Retour 52,90 € 54,30 € 2,65%

Source : selon les tarifs officiels publiés par ces deux sociétés


Quelles sont les autoroutes sur lesquelles les péages ont augmenté (ou pouvaient progresser) ? Mises à part celles de l'ATMB (tunnel du Mont-Blanc et A40) et SFTRF (Tunnel du Fréjus et A43), il s'agit des autoroutes concédées à de petites concessions comme Adelac (A41), Alicorne (A88), A'Liénor (A65), Alis (A28), Arcour (A19), Atlandes (A63), CCI du Havre (Ponts de Pont de Normandie et Tancarville), CEVM (Viaduc de Millau), SMTPC (Tunnel Prado Carénage à Marseille)... Or, derrière ces « petites » sociétés, se cachent, outre l'Etat (directement ou via des établissements publics comme la Caisse des dépôts et consignations), des entreprises comme Vinci (Arcour, SMTPC) ou encore Eiffage (A'Liénor), comme indiqué dans notre tableau ci-dessous. A cette liste, il faut même ajouter Cofiroute (du groupe Vinci également) qui a pu augmenter les tarifs de ses péages sous le tunnel de l'A86.


Les "petites" sociétés concessionnaires (autres que les principales)

Origine de leur capital

ADELAC Groupement d’entreprises dont AREA (49,9 %), Bouygues TP (23 %) et GFC Construction (8.75 %)
Alicorne (Autoroute de Liaison Calvados-Orne) Société d'économie mixte regroupant la Caisse des dépôts et consignations Infrastructure (45,27 %), AXA Private equity (15,40 %), NGE (12,91 %), Spie Batignolles (12,24 %), Demathieu & Bard (4,96 %), Egis Projects (4,29 %), Malet SA (3,97 %) et Valérian (0,66 %)
A'Liénor Groupement Eiffage (65 %) et Sanef (35 %)
Alis Société d'économie mixte détenue par Natixis (Fonds d’investissement et de développement des PPP) à 26 %, Bouygues TP 14,93 %, HBOS/UBERIOR 13,16 %, SANEF 11,67 %, DTP Terrassement 9,95 %, Quille 8,29 %, Egis SA 8 %, SAPN 8 %.
Arcour Filiale à 90% de Vinci
Atlandes Consortium de plusieurs entreprises, dont Colas Sud-Ouest, filiale de Bouygues, puis Spie Batignolles, NGE, Egis Projects, HSBC European Motorway Investments 1 et DIF Infrastructure II.
ATMB (Autoroute et Tunnel du Mont-Blanc) Capital détenu principalement par l’État et les collectivités territoriales (91.3 %).
CCI du Havre (Chambre de Commerce et d'Industrie du Havre) Une CCI est un établissement public à caractère industriel et commercial, placée sous la double tutelle du Ministère de l'Industrie et du Ministère des PME, du Commerce et de l'Artisanat.
CEVM (Compagnie Eiffage du Viaduc de Millau) Groupe Eiffage
Egis 75 % Caisse des dépôts et consignation, 25 % Iosis Partenaires
SMTPC (Société Marseillaise du Tunnel Prado-Carénage) Vinci Autoroutes
SFTRF (Société Française du Tunnel Routier du Fréjus) Agence des participations de l’État et l'État à 99,94%) ; Collectivités locales (0,05 %) ; CCI (0,01 %).
En gras, les concessionnaires d'autoroutes dont il ne fait aucun doute qu'ils relèvent d'une gestion publique.


Plus de contrôle

En l'occurrence, sous le Duplex qui relie Rueil-Malmaison à Jouy-en-Josas, Cofiroute n'y est pas allé de main morte, puisque la hausse moyenne est officiellement calculée à 3 % (cf. le document interne, établi par les services du ministère de l'Ecologie que nous publions ci-dessous). Des pics d'augmentation sont même donnés à près de 30 % les week-ends en journée !

Hausse des tarifs des péages : on devrait être fixé à partir du 10 mars !

Parmi les annonces gouvernementales attendues à partir du 10 mars, la renationalisation des concessions autoroutières est-elle forcément exclue ? L'option paraît en tout cas peu réaliste, compte tenu de l'état des finances publiques. En effet, de l'avis apparemment partagé par les divers observateurs du secteur, la solution coûterait entre 40 et 50 milliards d'euros à l'Etat, et ouvrirait à coup sûr un lourd contentieux avec les grandes sociétés privées concernées.

D'une manière générale, un contrôle plus serré devrait être décidé sur les pratiques des sociétés d'autoroutes, non seulement en ce qui concerne l'instauration des tarifs des péages, et donc le calcul des hausses annuelles, mais aussi une meilleure mise en concurrence dans le cadre des contrats passés pour de nouveaux travaux... On devrait être davantage fixé la semaine prochaine.