En automobile, c’est bien connu, la place réservée au passager situé à l’avant, à côté du conducteur, passe pour être celle du mort. Yannis Ritsos, avait-il cette représentation à l’esprit, lorsqu’il a écrit, le 30 janvier 1969, un poème intitulé Le fauteuil ? J’en doute.





« Ce fauteuil était la place du mort. Le velours vert

est lustré où il posait les bras. Après qu’ils l’aient emporté

sont arrivées les mouches – de grosses mouches paisibles. C’était l’hiver.

Grosse récolte d’oranges – ils les jetaient derrière les clôtures.

Il y avait aussi des nuages ; – on ne voyait par le jour se lever. Un matin,

très tôt, les plâtriers frappèrent à la porte avec leurs brosses.

Le maigre domestique sortit. Il leur donna les cravates du mort –

une bleue, une jaune, une noire. Eux, lui fermèrent les yeux. Et repartirent.

Le fauteuil est au sous-sol, et dessus la souricière. »




Yannis Ritsos est l’un des grands poètes grecs du XXè siècle. Ce poème a été écrit sur l’île de Samos où il avait été transféré en résidence surveillée en octobre 1968 par le régime des Colonels. Plusieurs de ces livres ont été traduits en Français. Notamment par les éditions Ypsilon.