Comme je le laissais entendre ironiquement lors de l'annonce de sa future parution, la bio de Nigel Stepney (Red Mist) risque fort de ne pouvoir sortir. L'éditrice aurait reçu des pressions et refuserait de faire paraitre le livre. C'est du moins ce qu'affirme l'intéressé lui même dans une lettre rendue publique et envoyée également aux patrons de McLaren et Ferrari. Stepney dit ne plus rien avoir à perdre dans le monde du sport auto et souhaiter vraiment donner sa version des faits, ce qu'il estime ne pas avoir eu la possibilité de faire.

Sa première attaque concerne la FIA qu'il compare à un "business" dont il faudrait changer un peu les tenanciers. Il dit avoir été menacé de "tout perdre" s'il s'exprimait contre Max Mosley, le président de la FIA. "Mais c'est trop tard, j'ai déjà tout perdu" répond Stepney.

"Ceci n'est toutefois pas un problème."

Concernant le fameux fond plat mobile, Stepney dit avoir écrit à la FIA bien avant que les infos tombent dans les mains de McLaren. Sans réaction. Mosley affirme que ces e-mails ne contiennent rien de tel et que la FIA n'a pas à les rendre public pour ne pas ajouter plus de flou à cette affaire. Surprenant et pas très transparent.

En fait, le discours de Todt et de Mosley concernant Stepney tend à le faire passer pour fou et irresponsable. Il n'est certes pas très clair dans cette histoire mais est-ce une raison pour ne pas au moins écouter ce qu'il avance. Et tenter d'empêcher la parution de son livre.

  • Le site Grand Prix.com retranscrit donc la lettre de Stepney envoyée à Max Mosley en plein coeur de l'été : Résumé

En janvier 2007, Stepney s'inquiète auprès du concepteur en chef de Ferrari (Aldo Costa) de la légalité des systèmes mis en place sur la monoplace. En février, quelques modifications cosmétiques masquant plus ou moins la chose, sont apportées à l'auto.

Stepney demande alors s'ils ont demandé une clarification technique à la FIA comme le leur autorise le règlement. La réponse est non car on ne souhaite pas que la FIA connaisse le système pour éviter des fuites à leur niveau. Il affirme que l'objectif de Ferrari était de bénéficier de cet avantage au moins sur la première course et d'attendre ensuite les demandes d'éclaircissements des concurrents.

Jusqu'à la mi-février, Stepney indique qu'il était responsable de la légalité de l'auto, comme les années précédentes.

"J'étais dans mon rôle et la procédure était normale. Je pointais les aspects de l'auto qui pouvaient être jugés illégaux, le directeur technique modifiait l'auto et j'examinais ensuite la modification."

Je décidais à ce moment de quitter ma fonction pour plusieurs raisons. Mais la principale reste cette nouvelle façon d'aborder le règlement. Je refusais une proposition qui me rendait encore responsable de la légalité de la voiture que je jugeais hors cadre. Je référais de ce souci règlementaire aux hauts responsables de l'équipe qui n'ont pas souhaité prendre acte de mes réclamations. Ce fut très frustrant."

Plus tard en février, je suis entré en contact avec Peter Wright de la FIA pour avoir son opinion sur la légalité du système de fond plat mobile. Il m'a dit qu'il pouvait me donner son avis mais qu'une clarification officielle ne pouvait venir que de Charlie Whiting. A ce moment, je m'en suis tenu à son opinion.

Plus tard, j'ai recontacté Peter Wright par e-mail. Je lui ai expliqué mes réserves sur le système de plancher de la Ferrari et je lui ai soumis une autre façon, légale selon moi, d'obtenir le même effet .

Peter est revenu vers moi quelques jours plus tard, très soupçonneux. Il voulait savoir où je voulais en venir, quel était mon but en faisant ça. Tout ce que je voulais, c'etait un championnat clean. Je lui ai dit alors d'en parler à Charlie Whiting sans mentionner que cela venait de moi.

10 jours avant le 1er GP, il m'a informé qu'il avait parlé de ce système avec Charlie Whiting sans préciser d'où venait ces infos. La réponse fut surprenante. Charlie Whiting aurait dit qu'il connaissait ce genre de système mais pas aussi évolué et qu'il examinerait la légalité de cette nouveauté après la course de Melbourne. Personnellement, j'aurais cru que l'examen aurait lieu AVANT la course !

  • Stepney détaille ensuite le système et donne ses avantages (dont les Ferrari ont bénéficié durant le GP de Melbourne)
  • Débattement par rapport au plancher augmenté d'où passage de vibreurs plus facile. Possibilité de couper les chicanes sans soucis
  • Avantage aérodynamique car l'aileron avant travaille plus près du sol (que ce que le règlement l'autorise). A partir de 160/180 km/h, le plancher s'abaisse de 7-8 mm.

Stepney avance ensuite que c'est le vendredi avant le GP d'Australie qu'il a contacté son ami Coughlan pour lui demander comment procédait généralement la FIA dans un cas pareil et si cette dernière avait récemment réagit à un quelconque problème. Coughlan lui aurait dit qu'il n'y avait pas eu de publication de la FIA et dans la conversation, Stepney et Coughlan évoque le fond plat mobile. Stepney transmettra alors une copie du mail détaillant le système envoyé à Peter Wright.

Stepney aurait dit alors à Coughlan de faire lui même la requête en éclaircissement technique auprès de la FIA. Pour un championnat clair et juste, dit il !

  • Bien avant le début de la saison, Stepney a également contacté un autre officiel, Jo Bauer, pour l'informer d'un "vide" dans la méthode de contrôle de la FIA. En fait, il explique comment il est possible de respecter les contrôles et d'avoir une voiture en course plus basse que permis. Stepney s'étonne une nouvelle fois que la FIA n'a réagi qu'après Melbourne et n'a rien fait AVANT le GP alors qu'elle avait été mise au courant bien en amont.

Les questions de Nigel Stepney sont les suivantes :

  • Pourquoi Charlie Whiting n'a pas agi avant le GP d'Australie pour réduire cet avantage ?
  • Si McLaren n'avait pas demandé une clarification sur le système de Ferrari, combien de temps Charlie Whiting serait rester muet ? 2 , 3 courses, toujours ?
  • Connaissant ce système, jugé illégal ensuite, pourquoi les autos incriminées ont elles été autorisées à courir avec ?
  • Pour finir Nigel Stepney donne les raisons de ses actes :

En ce début d'année, j'étais décidé à donner une nouvelle orientation à ma carrière, à relever d'autres défis. Chez Ferrari, il m'a été offert de participer plus activement à la conception de la monoplace. J'y ai réfléchi et c'est pour cela que j'ai collecté les informations sur la monoplace 2007, pour savoir en quoi je pouvais apporter une valeur supplémentaire à ce secteur.

Mais j'ai aussi cherché ailleurs que chez Ferrari. Mon idée était de mener une équipe vers le sommet. J'ai contacté Honda F1. Pour cela, j'avais besoin d'un vrai concepteur technique et j'en ai parlé à Mike Coughlan. Nous nous sommes rencontrés à Barcelone.

Je lui ai parlé de mon désir de m'impliquer à l'avenir dans la conception d'une auto et il m'a conseillé quelques formations notamment sur logiciel Catia. J'avais avec moi les documents Ferrari mais j'étais un employé Ferrari. C'était légitime.

Dans la discussion concernant mon avenir, je lui ai montré quelques projets de contrat possible et il a vu les documents Ferrari. Il en a feuilleté quelques uns. J'ai pensé que ça n'était pas une bonne idée. Il a suggéré que je les lui envoie par mail. Dans la voiture vers l'aéroport, il les a pris et les a mis dans son sac. Je me suis inquiété, lui ai dit que ce n'était pas une bonne idée. Il m'a répondu qu'il ne s'en servirait pas, qu'il ne pouvait rien en faire de toutes façons.

Mike n'avait aucune raison d'utiliser ces documents sur la McLaren. C'était juste pour m'aider à comprendre toutes les étapes de conception d'une monoplace de F1. McLaren n'a pas besoin de ce genre d'infos pour gagner. Surtout qu'il est impossible de les transposer sur une monoplace d'un concept différent.

Mon PC ayant été réquisitionné par Ferrari, il m'est impossible de produire les mails prouvant mes dires mais les copies sont forcément sur vos ordinateurs (à la FIA). Je n'ai jamais agi pour porter atteinte à quiconque. Ni à la FIA, ni dans une écurie. J'ai peut être été naif, mais ma véritable intention était que le sport dans lequel j'exerce depuis 30 ans soit le plus équitable et juste possible."

Voilà, Nigel Stepney ne pourra pas dire qu'il n'a pas eu de tribune. Reste maintenant à croire en ses allégations. Admettons que si certains passages soulèvent quelques questions (pourquoi la FIA n'a-t-elle pas souhaité éclaircir le problème du fond plat mobile avant le premier Grand Prix alors qu'elle en avait la possibilité ?), le reste sent bon le conte pour enfants. Difficile de croire aux intentions louables et pures d'un Nigel Stepney rompu aux us et coutumes de la F1 depuis 30 ans.