Chaque année depuis 1999, un phénomène inquiétant se produit dans la célèbre capitale de l'Egypte Le Caire (population officielle de 17,5 millions d'habitants) : de mars à avril et d'octobre à novembre, elle est confrontée à un nuage de particules ambiant, un nuage noir de pollution dû à l'automobile et à l'industrie. Les habitants l'appellent le "Black Cloud" (voir article). Aux côtés de la pollution atmosphérique, la pollution sonore n'a pas dit son dernier mot... Circulation très dense, klaxons, musique à fond, une masse de gens qui hurlent sans cesse dans la rue... : un vacarme ambiant quotidien. Plusieurs études scientifiques sont réalisées dans l'année pour évaluer le niveau de la pollution sonore : il est grandissant. Mais aucun programme officiel n'est mis en place afin de diminuer le bruit.

D'après Hosny El-Lakany, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation, "le Caire, comme d'autres métropoles du Proche-Orient, sont parmi les plus bruyantes du monde, souffrant d'une pollution invisible". Moustapha Ali Chafiye, expert du centre national de la recherche (NRC), explique : "Vivre dans le centre, où les niveaux de bruits sont en moyenne de 90 décibels, et jamais au dessous de 70 db, équivaut à passer tout la journée dans une usine. Ce qui est frappant au Caire est que le niveau tolérable de nuisance sonore fixé par l'agence nationale de l'environnement (EPA) est partout et tout le temps dépassé. Dès les premières heures du jour, le niveau montait, selon les relevés de 2007, à 90 db en centre-ville, alors que la fourchette maximale acceptable de l'EPA est de 35-55 db. En dépit d'une interdiction, purement formelle, klaxonner est devenu un réflexe et une habitude culturelle pour les conducteurs de quelque 1,6 million de voitures, dont une armée de 80 000 taxis déglingués."

Au début des années 2000, des études révélaient déjà que dans le centre-ville du Caire, la moyenne était de 87 db et de 80 db dans d'autres banlieues industrielles comme Hélouan. Nagat Amer, expert sur la santé du NRC, évalue que la grande majorité des ouvriers du Caire souffrent de problèmes d'audition, étant exposés continuellement à des niveaux sonores de plus de 90 db : "Les klaxons, les cris, les voitures pétaradantes dans la rue occasionnent de l'hypertension, des pertes d'audition et une irritabilité générale. Les femmes enceintes sont gravement exposées."

Mohamed el-Chazli, professeur à l'Université du Caire, précise : "Le bruit au Caire est exceptionnel, il ne peut être comparé aux autres villes du monde arabe, faisant peser de graves menaces pour la santé." D'après le magazine "New Scientist", "le bruit tue de la même manière que le stress auquel il contribue et modifie la biochimie humaine en élevant la pression sanguine, renforçant le risque d'attaques cardiaques." L'Organisation mondiale de la santé (OMS), plaçant la pollution sonore après celles de l'atmosphère et de l'eau, souligne qu'être exposé pendant plus de 8 heures par jour à un niveau supérieur à 85 db est potentiellement dangereux. Résultat : des dizaines de milliers d'habitants favorisés décident de partir de la capitale pour s'installer dans de nouveaux quartiers plus calmes et moins pollués qui voient le jour dans le désert.

Le Caire : aux côtés de la pollution auto, la pollution sonore sévit

(Source : AFP Photo : Kevin McCracken)