La CGC, FO et la CFTC ont rejeté la demande de la CGT d'une "expertise indépendante" pour établir les causes "du mal vivre au technocentre" du constructeur Renault à Guyancourt. Mais ces organisations syndicales soulignent qu'"il y a urgence à agir tout de suite" après la série de suicides ces derniers mois. Elles ont présenté leur analyse de la situation : il faut se doter des services d'un cabinet agréé par les pouvoirs publics pour enrayer le malaise actuel. "Les conditions de travail sont telles que cela peut craquer à tout moment", a déclaré Gabriel Artéro, président de la fédération CGC de la métallurgie. La CGC, FO et la CFTC ont mis en avant trois principales "causes" :

  • les conditions de travail pour les trois suicides de cadres et techniciens intervenus depuis octobre 2006 - sachant que depuis 2004, un autre salarié de Renault Guyancourt s'est donné la mort tandis qu'un cinquième a fait une tentative et est aujourd'hui paralysé. La charge de travail a augmenté depuis la mise en place du "Contrat 2009" il y a un an, les salariés du technocentre devant désormais élaborer six nouveaux modèles par an, contre quatre auparavant, sans effectifs supplémentaires,
  • une mauvaise communication au sein de l'entreprise a conduit à un climat détestable. En particulier, la mise en place de nouveaux entretiens annuels dans lesquels sont abordés les objectifs à atteindre mais pas les moyens pour y parvenir est une source de stress pour les salariés,
  • les effets pervers de la mondialisation et du tout informatique, à savoir la multiplication des compétences requises et l'isolement des salariés dont le seul interlocuteur est le poste informatique.

Reçues la semaine dernière par la direction de l'établissement, ces organisations syndicales ont demandé et obtenu "la suspension des bureaux partagés, projet mis en place par l'entreprise pour économiser des frais immobilier, le démarrage d'une formation au stress pour les membres de l'encadrement et la ré-humanisation des relations de travail en laissant aux managers de base le temps de dialoguer avec leurs équipes au cours de réunions. L'Observatoire du stress mis en place par Renault en 1999 doit être dépoussiéré et complété. Cet outil, qui a été élaboré avec l'aide de l'Institut français d'action sur le stress (IFAS), un organisme qui conseille nombre de grandes entreprises mais ne dispose pas d'un agrément des pouvoirs publics." La CGC redoute que le rôle de l'encadrement soit mis en évidence dans la pression qui pèse aujourd'hui sur les salariés du technocentre.

La direction de l'entreprise ne reconnaît pas encore l'existence d'un lien de cause à effet entre les suicides et les conditions de travail. Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, a "fait état de sa préoccupation et de son implication personnelle pour faire ce qui est dans son pouvoir." Une porte-parole de la direction a ajouté : "Pour autant, il faut se garder de conclusions trop hâtives qui remettraient en cause la politique de ressources humaines de Renault sur le technocentre." Une enquête pénale est en cours pour rechercher d'éventuelles infractions comme le harcèlement moral qui pourraient avoir un lien avec la mort du dernier salarié de Guyancourt qui s'est suicidé. Celui-ci a laissé une lettre dans laquelle il évoque ses difficultés au travail. Son épouse a raconté dans Le Parisien la surcharge de travail de son mari qui travaillait chez lui le week-end et parfois la nuit.