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DESIGN BY BELLU - Egocentrisme : quand "des concepteurs patentés" imaginent " des véhicules adaptés à l’homo sapiens du XXI siècle, ce schizophrène retranché derrière son smartphone, sa tablette...

Dans Futurs modèles / Design

Serge Bellu

Sur plusieurs concept-cars récents, le poste de conduite est fiché en plein milieu du véhicule. Isolé, solitaire, majestueux… Ce n’est pas fortuit : ces monoplaces sont bâties autour du nombril de leur pilote, autour de son ego.

DESIGN BY BELLU - Egocentrisme : quand "des concepteurs patentés" imaginent " des véhicules adaptés à l’homo sapiens du XXI siècle, ce schizophrène retranché derrière son smartphone, sa tablette...

Avec qui partager le huis clos d’une automobile ? C’est une vraie question qui se pose aux automobilistes, surtout en ces temps qui préconisent la promiscuité de l’auto-partage. L’interrogation taraude bien sûr les designers, ces personnages ténébreux, habillés en noir, chaussés de sneakers et sachant aujourd’hui ce dont rêvera le bon peuple dans dix ans.

Ils sont capables de deviner tous les scénarios du futur juste en surveillant les frémissements de nos styles de vie, en débusquant nos travers. Ainsi ont-ils misé longtemps sur les familles nombreuses, avec des enfants qui gesticulent, braillent et demandent si c’est encore loin Palavas. C’est pour ces tribus que les monospaces certifiés manif pour tous se sont multipliés dans les années 1980…

Puis les augures du marketing ont vu débouler dans les villes des aventuriers de pacotille qui voulaient montrer à leur voisin qu’ils avaient une plus grosse (voiture) que la leur. Les créateurs, toujours au taquet pour faire plaisir, leur ont concocté les crossovers urbains… Preuve qu’ils sont capables de tout et n’importe quoi…

Il était donc prévisible que les concepteurs patentés allaient un jour préparer un véhicule adapté à l’homo sapiens du XXI siècle, un schizophrène retranché derrière son smartphone, sa tablette ou son ordinateur.

D’où la prolifération actuelle de concept-cars monoplaces, des supercars réservées à un seul et unique utilisateur, à un misanthrope débarrassé des nuisibles, libéré des parasites qui l’empêchent de savourer pleinement le goût de la conduite. Engoncé comme dans un bobsleigh, l’impétrant n’a plus personne pour le distraire, pour lui dire qu’il roule trop vite, ou pas assez, pour lui rappeler qu’il est tard et qu’on aura du mal à trouver une table à Saulieu… Enfin seul à bord. Comme un vrai pilote ; mais en plus tranquille, sans le team principal hurlant dans la radio qu’il faut laisser passer son coéquipier mieux placé au championnat. Le bonheur absolu. L’onanisme autoroutier…

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En marge du concours d’élégance de Pebble Beach, fin août, trois concept-cars présentés en première mondiale exploitaient le thème de la GT monoplace : la Mercedes Vision EQ Silver Arrow, l’Audi PB18 et l’Infiniti Prototype 10.

La première s’inspire esthétiquement d’une voiture de record des années 1930, mais dont on a ôté les autocollants qui vantaient le régime du moment, il est vrai un peu autoritaire.

Mercedes Vision EQ Silver Arrow.
Mercedes Vision EQ Silver Arrow.
Mercedes Vision EQ Silver Arrow.
Mercedes Vision EQ Silver Arrow.

L’Audi a l’air d’une berlinette normale sauf que son habitacle qui aurait pu être accueillant ne renferme qu’un fauteuil.

Audi PB18.
Audi PB18.

L’Infiniti se présente sous la forme d’un spider sur lequel la place du passager existe, mais elle a été bouchée. Du cynisme pur…

Infiniti Prototype 10.
Infiniti Prototype 10.
Infiniti Prototype 10.
Infiniti Prototype 10.

Il n’y a pas de hasard. Le fait que les grands constructeurs réfléchissent à de telles architectures est symptomatique de l’époque. Ces concepts renvoient à une vraie dérive de la société vers un individualisme forcené qui vire à l’égoïsme.

Audi PB18.
Audi PB18.

On peut admettre que, du point de vue du pilotage, l’emplacement idéal du volant se trouve au centre du cockpit, mais il existe des solutions qui concilient cette exigence tout en s’accommodant de la compagnie de ses contemporains. Il y eut en effet dans le passé des modèles comportant trois places de front, des voitures dûment adaptées aux ménages à trois, aux triplettes, aux triades. Réprouvés par Christine Boutin, mais récurrents dans la littérature et le cinéma (de L’invitée de Simone de Beauvoir au Design for living d’Ernst Lubitsch), les foyers élargis permettent (façon de parler) toutes les associations : une femme et deux hommes, deux femmes et un homme, trois femmes, trois hommes, trois journalistes, etc. L’industrie automobile a négligé ce fait de société, cet art de vivre libertin, ces dérives frivoles. Il convient donc de saluer les rares initiatives qui les ont pris en compte…

Panhard Dynamic (1936).
Panhard Dynamic (1936).
DESIGN BY BELLU - Egocentrisme : quand "des concepteurs patentés" imaginent " des véhicules adaptés à l’homo sapiens du XXI siècle, ce schizophrène retranché derrière son smartphone, sa tablette...

La France, souvent pionnière en matière d’automobile et de mœurs, a été visionnaire. La digne firme Panhard, malgré ses allures de douairière janséniste, fut la première à planter le volant au centre de la planche de bord ; c’était sur la Dynamic en 1936. Puis Jean-Pierre Wimille, excellent pilote tricolore et grand séducteur, imagina au lendemain de la guerre un prototype avant-gardiste caractérisé par sa conduite centrale flanquée de deux sièges. Le projet - génial dans son ensemble - fut abandonné à la suite de la disparition prématurée de son initiateur.

Pininfarina reprit l’idée en 1966 sur deux Ferrari 365 P très spéciales, les « tre posti », dont une était destinée à Giovanni Agnelli, sémillant patron de Fiat et don Juan invétéré.

Ferrari 365 P Tre Posti par Pininfarina (1966).
Ferrari 365 P Tre Posti par Pininfarina (1966).
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Plus tard, au début des années 1990, l’ingénieur Gordon Murray, soucieux d’offrir au quidam lambda l’impression de conduire une Formule 1, créa la McLaren F1 routière autour du schéma de la symétrie. Ainsi, tout en croyant piloter avec la finesse de Senna, le conducteur pouvait apprécier les commentaires admiratifs de ses passagers assis de part et d’autre.

McLaren F1 (1992).
McLaren F1 (1992).
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Au XXI siècle, tout s’est effondré. Rideau sur les fêtes galantes ; terminé le temps de la gaudriole motorisée. En 2013, pour fêter son cinquantenaire, Lamborghini se radicalise, vire les importuns et pond un manifeste intitulé « Egoista » à bord duquel il n’y a qu’une place. Au diable l’illusion bien pensante du partage, exit la bienveillance, fini d’inviter les copains et les copines à vivre un moment d’émotion, à assister aux dérapages mal contrôlés. Dans sa tour d’ivoire, ou plus exactement sous son cockpit vitré, le conducteur du concept-car Egoista est seul à bord, seul avec son désir, seul avec son plaisir.

Lamborghini Egoista (2013).
Lamborghini Egoista (2013).

C’est le même sentiment d’exquise solitude que la Mercedes Vision EQ Silver Arrow, l’Audi PB18 et l’Infiniti Prototype-10, après la Techrules Ren RS vue en mars au salon de Genève, offrent aujourd’hui à leurs cavaliers.

Ces machines n’ont aucune vocation à s’inscrire dans des compétitions, bien qu’elles soient résolument sportives en apparence. Elles signent simplement le baroud d’honneur d’une industrie automobile contestée, malmenée, menacée.

À bord de ces monoplaces, le conducteur reprend la main, retrouve son aura, restaure son prestige, autant de privilèges qu’il perdra avec l’avènement de la conduite autonome.

Dans ce monde effrayant qu’on nous promet, où les volants s’éclipseront, où les commandes s’esquiveront, le solitaire n’aura plus sa place ; dans les habitacles condamnés à la convivialité forcée, il devra échanger des banalités, taper le carton et prendre l’apéro avec ses équipiers. Ce sera aussi coercitif que la fête des voisins, mais pas seulement une fois par an : tous les jours. Ce sera terrible.

Alors, pitié pour les égoïstes et qu’on les laisse jouer une dernière fois avec leur monoplace.

 

 

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