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Enquête - 80 km/h: pourquoi ça tangue

Dans Pratique / Sécurité

Pierre-Olivier Marie

La règle des 80 km/h sur le réseau secondaire fêtera son deuxième anniversaire le 1er juillet. Bien que cette mesure n'ait pas réellement fait la preuve de son efficacité, tout indique qu'elle sera pérennisée...tout en connaissant des exceptions de plus en plus nombreuses.

Enquête - 80 km/h: pourquoi ça tangue

Le 1er juillet, les 80 km/h fêteront leurs deux ans. Pourtant, à l’exception des services de la Sécurité routière, des fabricants de radars et de quelques autres, rares seront les Français à célébrer l’anniversaire de l’instauration de cette limitation de vitesse, perçue comme punitive sans avoir fait preuve d’une efficacité spectaculaire en matière de réduction du nombre de victimes de la route.

En effet, le nombre d’accidents corporels est remonté de 0,8% en 2019, et avec lui ceux des nombres de blessés et de tués sur les routes. 3 498 morts ont été à déplorer en 2019, soit dix de plus qu’en 2018, première (demi-)année d’application des 80 km/h (et meilleure année jamais enregistrée en matière de sécurité routière).

Certes, l’instauration des 80 km/h aura eu du sens si elle a permis de sauver ne serait-ce qu’une vie, ce qui est forcément le cas. Mais on est en tout état de cause loin, bien loin des 350 à 400 morts évités chaque année que nous promettait le Premier ministre Edouard Philippe en janvier 2018 (« Cette mesure sauvera une vie par jour », plaidait-il alors).

On se souvient aussi qu’en juillet 2019, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, s’appuyant sur une étude du Cerema*, avait pour sa part déclaré que les 80 km/h avaient permis d’ « épargner 206 vies » en un an sur les routes de France.

Pas de marche arrière, mais...

Un bilan hélas assombri par les actes de vandalisme de radars ayant accompagné le mouvement des gilets jaunes : « Sans les dégradations et destructions de radars massives intervenues à compter de la mi-novembre 2018, et un moindre respect des règles de vitesse qu'elles ont provoqué, l'ONISR estime à 60 le nombre de vies supplémentaires qui auraient pu être épargnées en 2018 », est-il ainsi indiqué dans une circulaire du ministère de l’Intérieur de janvier 2020.

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Dont acte. Mais on ne peut ignorer non plus que lesdits actes de vandalisme se sont bien calmés depuis, que les radars sont de nouveau opérationnels, avec le renfort des redoutables nouveaux modèles dits « tourelles », et que les statistiques, hormis durant les deux mois de confinement, ne s’en sont pas trouvées réellement améliorées.

103 personnes sont décédées sur les routes au mois d'avril, contre 233 en avril 2019, soit 130 personnes tuées en moins (-55,8%). Compte tenu de la réduction de 75% du trafic durant cette période, ce chiffre reste absolument alarmant. Et les 80 km/h n'y auront rien pu.
103 personnes sont décédées sur les routes au mois d'avril, contre 233 en avril 2019, soit 130 personnes tuées en moins (-55,8%). Compte tenu de la réduction de 75% du trafic durant cette période, ce chiffre reste absolument alarmant. Et les 80 km/h n'y auront rien pu.

Et la Sécurité routière de préciser que « durant le confinement, les forces de l'ordre et les radars automatiques ont constaté un nombre important de grands excès de vitesse, avec une augmentation de plus de 16% par rapport à la même période en 2019. On observe parmi les accidents mortels comparativement moins de chocs frontaux (avec moins de véhicules sur les routes, la probabilité d'en croiser en face est réduite) mais plus de pertes de contrôle de véhicules seuls (qui s'achèvent sur des obstacles latéraux, arbres, murets ou sur le toit après plusieurs tonneaux. »

On peut aussi en déduire, pour le déplorer, que la règle des 80 km/h aura été en l’espèce impuissante à contenir ces comportements à risques. « Entre le 11 et le 27 mai, nous avons relevé 2 421 grands excès de vitesse supérieurs à 50 km/h au-dessus de la limitation. C’est 321 de plus qu’en 2019 sur la même période, soit une hausse de près de 15%, ce qui est énorme », précise au Parisien David Julliard, adjoint au Délégué à la sécurité routière. « On nous a aussi signalé une recrudescence des franchissements de feux tricolores. Cela confirme une forme de relâchement et de désinhibition d’une minorité. »

Retour aux 90 km/h dans 9 départements...pour le moment

Voilà la mesure des 80 km/h remise à sa place, assez anecdotique finalement, dans le système de sécurité routière. Pourtant, il n’y a aujourd’hui aucune chance que les pouvoirs publics reviennent à la limitation à 90 km/h généralisée, ainsi qu’ils l’avaient laissé entendre en cas de bilan non concluant. En effet, malgré la défiance que les 80 km/h suscitent, avec 92% d’opinions négatives auprès des Français habitant en zone rurale (et 84% pour les habitants des villes)*, quel Etat prendrait la responsabilité de relever la vitesse ?

A la place, liberté est accordée aux exécutifs locaux de choisir - ou non - de moduler lesdites limitations, et de le faire « en responsabilité », pour reprendre les termes employés par Christophe Castaner. A l'automne dernier, un pointage du Parisien/Aujourd’hui en France avait montré que 44 départements disaient vouloir le retour à 90 km/h.

C’est ce qu’ont déjà choisi de faire, en totalité ou sur certains tronçons, les départements de la Haute-Marne, de la Seine-et-Marne, de la Charente, du Cantal et de la Corrèze,  l'Orne (à partir de la mi-juin), les Hautes-Alpes (idem) ou le Loir-et-Cher (depuis le 2 juin).

Dans ce dernier, le Président du conseil départemental Nicolas Perruchot estime dans la Nouvelle République que « ce n’est pas 80 ou 90 qui va déterminer l’accidentalité. C’était une très mauvaise idée de procéder sans consultation. On est dans un territoire très rural, avec peu de transports en commun, ça oblige à prendre sa voiture tous les jours. On répare une injustice. » 

Dès le 2 mars, la Côte d'or avait elle aussi aussi repassé 1 135 km de routes départementales à 90 km/h, sur les 5 670 km que compte le réseau local. « En Côte-d'Or, mes services ont déployé les quelques 1 100 panneaux nécessaires du lundi 2 mars au vendredi 6 mars. Depuis le 2 mars, 10 accidents corporels ont été recensés sur l'ensemble du réseau routier départemental hors agglomération. Sur ces 10 accidents, 7 l'ont été sur des tronçons limités à 90 km/h. Aucun d'entre eux n'était mortel », précise François Sauvadet, Président du conseil départemental. « Plus généralement concernant les chiffres, nous avons un suivi très précis de l'accidentologie sur les routes départementales. Et que constate-t-on ? Que la plupart des accidents mortels sont liés à des comportements à risques, alcool, drogue et très grande vitesse. »

Et l’élu de préciser que des discussions sont en cours avec les départements limitrophes pour modifier certains aménagements cohérents pour les routes concernées : « nous avons notamment pris attache avec les services départementaux du Jura et de Saône-et-Loire. »

Pas de quoi émouvoir la Sécurité routière, pour qui « sur les 80 km/h, la règle continue de s’appliquer partout en France », à l'exception des départements évoqués plus haut...et de ceux qui décideront d'en faire autant, manifestement de plus en plus nombreux.

Rappelons tout de même que « seulement » 14,4 millions d’infractions à la vitesse avaient été constatées en 2018, chiffre qui traduit une baisse de - 17,2 %. Or, jamais on n’avait enregistré aussi peu de morts sur la route que cette année-là ! Une preuve que les Français savent être raisonnables, sans qu’il soit besoin de les pressuriser en permanence à coup de radars et de limitations de vitesse que beaucoup jugent infantilisantes.

Enquête - 80 km/h: pourquoi ça tangue

 

*Enquête réalisée en mai et juin 2019 par Quel-Assureur.com, sur un panel de 1822 français (884 femmes et 938 hommes

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