Les populistes ont-ils pris le volant de l'automobile en France ?
De la fin des ZFE, proposée par le RN et approuvée par LFI, à la reprise du chantier de l'A69, l'"écologie punitive" n'a plus le vent en poupe. Mais ce terme ne cache-t-il pas un argument démagogique ? Un leurre populiste destiné à jouer sur la corde sensible du citoyen automobiliste ?

La semaine passée a pris des allures de cauchemar pour les militants écologistes français. Entre l’abrogation programmée des ZFE, la poursuite du chantier de l’A69 et le retour de pesticides interdits, rien n’a consolé les élus et sympathisants d’EELV, pas même la victoire du PSG.
Quoi que l’on pense de ses diverses mesures, elles constituent un retour en arrière des politiques environnementales pour les uns, et une lutte contre l’ « écologie punitive » pour tous les autres. Mais d’où vient ce terme d’ailleurs ? Il a surgi il y a exactement 18 ans, dans la bouche de Frédéric Nihous, candidat à la présidentielle de 2007 pour le parti Pèche Nature et Tradition, pas vraiment un groupuscule gauchiste.
La corde sensible de la bagnole
Depuis, il est devenu un des gimmicks du RN qui, voyant que l’idée est porteuse, et que la bagnole est une corde ultrasensible dans l'opinion, le ressort consciencieusement dès que l’occasion s'en présente. Ce que le Rassemblement National a fait la semaine passée avec sa proposition de loi contre les ZFE, adoptée à l’Assemblée, et soutenu en cela par LFI comme un seul homme.
L’ « écologie punitive » a donc été boutée hors du Palais Bourbon, comme elle a été boutée hors des Pyrénées ou le chantier de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres va reprendre, dans un département ou le RN, encore lui, est arrivé en tête dans la plupart des bureaux de votes lors des dernières élections européennes.
C'est que le Rassemblement national, tout comme LFI en ce qui concerne les ZFE, préfère surfer sur un populisme qui voudrait laisser croire que ces décisions sont le fait de « quelques bobos à vélos hors sol ». Or, la mise en place des zones à faibles émissions était l’une des volontés de la convention citoyenne pour le climat de 2019, et donc décidée par des citoyens comme eux.

Elle a été de plus, approuvée par l’État, par Bruxelles et par d’autres pays comme l’Allemagne, l’Espagne, et même l’Angleterre. Des pays ou les décideurs, c’est bien connu, passent leurs journées à bicyclette en mangeant du quinoa.
Pour rajouter un peu de piment à cette affaire, les partis radicaux en question, comme des associations, ont tissé patiemment la légende de la discrimination sociale, plaie des ZFE, selon eux. Or qui, à Paris et à Lyon - les deux zones qui au final avaient une chance de voir le jour – se rend chaque jour dans la capitale, ou dans la capitale des Gaules, à bord d’une voiture diesel de plus de 14 ans, ou une essence de plus de 19 ans ?
Qui peut s’imaginer qu’un salarié qui conduit une auto de cet âge, sauf si c'est un collectionneur, dispose de moyens suffisants pour se rendre quotidiennement au boulot en voiture, avec les frais inhérents au parking notamment, alors qu’il n’a pas les moyens de s’acheter une voiture plus récente ? Avant ou après les zones à faibles émissions, Paris sera encore et toujours réservé aux banlieusards riches qui disposent d'une place pour se garer au siège de leur entreprise. Les Parisiens, quant à eux, sont de toute façon de moins en moins nombreux à posséder une auto, ils ne sont d'ailleurs guère plus de 30 % dans ce cas.
Nombre d'automobilistes, souvent peu concernés par la mesure, expliquent aussi, et sont relayés par certains politiques, que ces ZFE sont une "restriction de leur liberté". Mais ils pourraient également s'en prendre à la ceinture de sécurité "restriction de leurs mouvements" ou aux limitations de vitesse, "restriction de leur liberté d'aller vite". Ils ne le font, pas, ou plutôt ne l'ont pas fait lors de l'instauration de ces mesures, signe du temps qui passe et de la radicalité qui s'accroît, et du fantasme lié au changement non souhaité.
15 euros de péage pour un aller-retour sur l'A69
Même constat, et même fantasme pour l’A69, dont la réouverture du chantier a été soutenue par les élus RN du coin. Qui, puisque c’est une autoroute privée, peut se payer un péage quotidien de près de 15 euros pour échapper aux bouchons, hormis les salariés dont l’entreprise rembourse cette gabelle quotidienne, et qui de fait, ne sont pas les plus précaires ? La quatre voies sera, de facto, l'autoroute des riches, au lieu de celle de tout le monde comme le revendiquent les populistes.
Une fois encore, la méconnaissance entretenue par les partis en question l’a emportée. Mais ils ne sont pas les seuls fautifs et l’exécutif porte lui aussi une grosse part de responsabilité dans ces renoncements. Dans les ZFE, aucune proposition d’aide n’est apparue pour le moment, au contraire. La région île de France a renoncé au bonus local pour l’achat d’une voiture électrique, et l’État a drastiquement abaissé ses aides. Quant à l’A69, le même État a préféré confier la gestion de l’autoroute à la société Atosca qui, échange d’une concession de 55 ans va prélever les péages.
L’État, avec ses comptes dans le rouge, a certes d’excellentes raisons financières de renoncer. Mais cette reculade se fait au détriment de l’environnement, bien sûr, mais elle trace aussi, et surtout, un boulevard aux populismes de tout poil qui n'avaient nul besoin de cela pour prospérer.
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