2. Suzuki Jimny VUL (2024) - Sur la route : le flou artistique

Le passage au format utilitaire pose un problème pratique pour les grands gabarits puisqu’à cause de l’ajout de la grille séparant l’habitacle du coffre (heureusement amovible), il faudra garder un dossier de siège très vertical quand ce dernier est reculé au maximum (ce qu’il faut faire dès que vous dépassez le mètre 80). Le volant à la fine jante en plastique et la radio avec affichage à l’ancienne donnent l’impression de rouler dans un véhicule plus rustique que l’ancien Jimny en finition Pack mais les sensations de conduite ne bougent pas d’un iota.

Rouler en Jimny vous replace immédiatement dans un univers très loin des autos à châssis monocoque modernes. Dès les premiers mètres, les secousses induites par les deux essieux rigides du châssis à échelle rappellent la vraie nature de ce petit tout-terrain conçu pour grimper aux arbres. Certes, on note des progrès par rapport aux précédentes générations du petit Japonais dont la lignée remonte à 1970. Mais il faut toujours composer avec un amortissement franchement inconfortable à basse vitesse et un comportement dynamique peu compatible avec la conduite sportive, même si on peut y trouver de l’amusement par pure perversion (avec de telles prises de roulis, les transferts de masse ont parfois des effets spectaculaires). La direction, aussi démultipliée que molle, n’aide pas. 

Il est même possible de se faire un peu peur, comme par exemple dans des courbes rapides négociées de manière « enjouée », lorsque l’ESP débloque totalement en plein appui : dès qu’il détecte des mouvements de caisse importants à haute vitesse, il envoie subitement de gros coups de freins qui peuvent vous dévier de votre trajectoire. Avec la boîte manuelle à cinq vitesses aux rapports très courts, le bruit à bord devient d’ailleurs gênant au-dessus de 90 km/h et même très désagréable à 130 km/h, un rythme où la tenue de cap brille aussi par son flou artistique. Plutôt frugal en ville où il dépasse à peine les 7 litres aux 100 km, le Jimny peut franchir la barre des 10 litres aux 100 si vous le poussez à ces vitesses. Le 4x4 japonais est l’une des rares voitures thermiques du marché qui consomme davantage à 130 km/h sur l’autoroute qu’en ville. Comme une voiture électrique !

Hors route, naturellement, le Jimny fait bien meilleure figure et se range même parmi les automobiles les plus douées de la planète. Il ne dispose pas d’une transmission aussi sophistiquée que le Jeep Wrangler, le Mercedes Classe G ou le tout dernier Toyota Land Cruiser, trois autres 4x4 dotés d’un châssis à échelle à la vocation beaucoup plus haut de gamme (avec des blocages de différentiels et parfois même des barres antiroulis déconnectables). Mais avec son simple pont avant enclenchable (transmission 4x4 non permanente), sa boîte courte, ses angles d’attaque et de sortie idéaux pour le franchissement et son empattement limité, il peut faire de vrais miracles quand vous le lâchez dans la nature.

Même sur la route et en dépit d’une mise au point absolument pas pensée pour en faire un engin de la vie urbaine, je n’arrive pas à détester la conduite du Jimny. Avec tous ces bruits de transmission, sa mécanique atmosphérique rustique même pas ridicule au registre des performances avec ses modestes 102 chevaux et 130 Nm (il faut dire qu’il ne pèse que 1 090 kg à vide), on a l’impression de s’échapper totalement des normes automobiles actuelles. Les citadines et autres crossovers modernes affichent de bien meilleures prestations routières et certains SUV comme le Dacia Duster peuvent même s’aventurer hors des sentiers battus pour des prix similaires. Mais aucun d’entre eux ne vous donne cette sensation étrange de conduire une « voiture d’exception » au sens littéral du terme. Pas parce qu’elle surclasse les autres, mais simplement parce qu’elle ne ressemble à rien de connu dans ce qui existe actuellement.