Pour qu'un moteur à combustion interne soit le plus efficace possible à tous les régimes, il faut qu'il ait la possibilité de modifier certains de ses paramètres du ralenti jusqu'au régime maximum, pour rester au plus proche du rendement parfait. Au fil des ans, les ingénieurs automobiles ont pu développer cette capacité d'adaptation, en affinant notamment toujours plus les réglages de la gestion électronique et en inventant de nouveaux systèmes, comme la distribution variable qu'elle s'appelle Vtec, VVTL, VVT, Variocam, Valvetronic ou MIVEC suivant les constructeurs.

Caradisiac a essayé le moteur à taux de compression variable MCE-5 VCRi

Vianney Rabhi, lui, réfléchit de son côté à un système qui permettrait de faire varier le taux de compression. Plus ce dernier est élevé, meilleur est le rendement. Mais, et c'est un gros mais, un taux de compression trop élevé finit par faire apparaître une auto-inflammation, surnommée cliquetis par abus de langage, qui correspond à la détonation spontanée du mélange air/essence avant même même d'être enflammé par l'étincelle de la bougie, et qui met en danger la santé de votre moteur. Il faudra donc pouvoir faire varier ce taux de compression en gardant, de façon schématique, un niveau élevé au ralenti et en le diminuant au fur et à mesure que charge et régime augmentent. Seulement voilà, Volkswagen, Mercedes, Nissan ou Saab se sont longuement penchés sur ce projet et ont finit par abandonner officiellement cette voie pour des raisons de coût, de longévité insuffisante ou de bruit et vibrations excessifs, comment un simple autodidacte pourrait en venir à bout ?

Car le MCE-5 est avant tout une aventure humaine avant d'être une innovation mécanique. Titulaire d'un Brevet Technicien agricole, c'est pourtant dans les livres de mécanique et de thermodynamique que Vianney Rabhi passera le plus clair de son temps étant jeune, et il commencera dès 1985 à déposer des brevets appliqués au moteur à combustion interne. Mais c'est en 1991 qu'il déposera le premier au sujet du moteur à taux de compression variable. Il faudra encore attendre six ans et 1997 pour qu'il trouve l'idée du principe de ce qui deviendra le MCE-5. L'illumination lui viendra en... regardant une porte d'ascenseur se fermer. La première demi-porte se déplace plus vite que la seconde grâce à un système de roues et de crémaillères. Eurêka. Il fixe une crémaillère à un piston, relie une roue de transmission à une bielle et se sert d'une crémaillère d'ancrage pour faire varier le taux de compression. Tout est là. Pour l'expliquer plus en détails, regardez la vidéo ci-dessous. Vous noterez l'apparition d'un vérin sur la partie droite qui se charge via une crémaillère de commande, une roue de transmission montée sur la bielle et une crémaillère de piston, de faire varier le volume de la chambre de combustion, et donc, son taux de compression.

Caradisiac a essayé le moteur à taux de compression variable MCE-5 VCRi

Caradisiac a essayé le moteur à taux de compression variable MCE-5 VCRi

 

Parallèlement au perfectionnement de son dispositif, s'ensuit un long périple pour trouver un sponsor pendant lequel la majorité de ses économies disparaîtra. Mais en 2000, Peugeot se montre intéressé et une collaboration s'installera jusqu'en 2004. Petit à petit, le développement continue, les verrous financiers et technologiques se débloquent jusqu'à aujourd'hui où Vianney Rabhi, MCE-5 Developement, la société dont il est à l'origine et ses 38 collaborateurs peuvent présenter un prototype roulant à faire essayer à la presse.

Un 1,5l avec le couple proche de celui d'une Focus RS pour 6,7 l/100 km

De l'extérieur, à part les autocollants, rien ne différencie cette Peugeot 407 cachant sous son capot le moteur MCE-5 VCRi des autres, mais les spécifications de ce dernier font saliver : 4 cylindres 1,5l, deux turbos montés en série, intercooler et after cooler air/eau, 217 ch constants de 4 000 à 5 000 tr/min et surtout 420 Nm à 1500tr/min. La puissance d'un V6 3,0l et le couple proche de celui d'une Ford Focus RS, le tout pour une consommation mixte annoncée de 6,7l au 100 km et des émissions de 160g/km de CO2. Le secret vient donc du fameux système de taux de compression variable qui le fait varier de 6:1 à 15:1, et pour le prouver, un appareil monté sur le tableau de bord se charge de donner le taux de compression dans chaque cylindre.

Caradisiac a essayé le moteur à taux de compression variable MCE-5 VCRi

Avec un prototype unique à la valeur estimé à 500 000€, son concepteur Vianney Rabhi dans le siège passager et deux responsables de communication sur la banquette arrière, la tension à l'intérieur de la voiture est palpable. « Attention, l'antipatinage ne fonctionne pas » n'est pas vraiment non plus ce qu'on a envie d'entendre au moment de démarrer quand on est au volant d'une traction avec autant de couple dès les plus bas régimes avec de plus un léger crachin sur le pare-brise. Une fois la clé de contact tournée, rien ne se passe. En tout cas rien d'inhabituel puisque les voyants au tableau de bord et le compte-tour signale que le moteur a démarré, mais les défauts de vibrations intempestives et de bruit excessif semblent être aujourd'hui un lointain souvenir. Tout comme les problèmes de fiabilité, puisqu'un moteur identique aurait déjà parcouru plus de 300 000 km. Les premiers tours de roue révèlent un comportement tout à fait classique à bas régime, et la voiture se conduit à la manière d'un gros diesel, sur une vague soutenue de couple avec des passages de vitesse anticipés. Me trouvant probablement trop timide, Vianney Rabhi m'encourage à tomber un rapport et aller explorer des régimes plus élevés. Je m'exécute et écrase la pédale d'accélérateur, les valeurs de l'affichage des taux de compression dégringolent, les pneus avant protestent brièvement et la poussée est immédiate et violente malgré quatre adultes à bord et 80 kg de télémétrie dans le coffre, dans le grondement sourd d'une ligne d'échappement non définitive. Mais tout à coup, catastrophe, l'accélération stoppe soudainement dans un bruit effrayant. « Ah j'oubliais, la cartographie provisoire limite pour l'instant le régime à 4 000 tr/min, celui de la puissance maximum » me rassure Vianney Rabhi en souriant. Cela permet tout de même de prendre la mesure de tout le potentiel de ce moteur impossible à prendre en défaut, démontrant à quel point la courbe de couple est remplie : les reprises sont foudroyantes à tous les régimes mais linéaires, chaque levé de pied étant de plus salué par un sifflement violent de soupape de décharge, une facétie temporaire des ingénieurs responsables du développement. Difficile à croire en tout cas que cette explosivité vient d'un simple quatre cylindres 1,5l, même suralimenté, et si les consommations annoncées s'avèrent réalistes, le MCE-5 VCRi a de beaux jours devant lui.

Quelle est la suite du programme ? Passer sous la barre des 6 l/100 km et des 140 g/km de CO2 dans cette configuration, adopter l'injection directe pour atteindre 245 ch de 3 600 à 5 000 tr/min, 480 Nm à 1 800 tr/min, 6,6 l/100 km en mixte et 158 g/km de CO2, développer probablement d'autres moteurs aux performances inférieures mais plus « vendables » et bien sûr, la commercialisation. MCE-5 Developement fournit en fait une solution clé en main avec mise en production en grande série immédiate, puisque l'entreprise a intégré dans sa démarche la recherche des solutions de fabrication des différents composants du moteur, dont les pièces spécifiques complexes. Le temps de le faire rentrer dans le processus industriel d'un constructeur et les premières voitures à moteur MCE-5 pourraient être commercialisées dès 2014. Il reste encore à trouver un constructeur partenaire volontaire pour accueillir ces moteurs sous le capot de ses voitures. Beaucoup seraient intéressés, selon Vianney Rabhi, qui espère conclure un accord pas plus tard que cette année.