Bernard Ollivier est né en 1952, il est diplômé de l'École Nationale Supérieure des Mines de Paris et a fait son entrée chez Renault en … 1977 ! Après avoir occupé plusieurs postes à responsabilité dans différents secteurs de l'entreprise, il prend les commandes de Renault Sport en 2001. Avant de devenir le directeur de la société des Automobiles Alpine-Caterham sise à Dieppe, il occupait le poste de Directeur de la Transformation de Renault.

Avant de passer à l'interview où le boss nous dit tout, revoici, si vous l'avez loupée, notre virée en Alpine A110 aux côtés de Jean Ragnotti.


Future Alpine : le "boss" Bernard Ollivier nous dit tout

Future Alpine : le "boss" Bernard Ollivier nous dit tout

 



Caradisiac : Je cherche depuis ce matin à découvrir ce que représentait Alpine à l’époque de ses succès, comment les gens voyaient cette marque ?

Bernard Ollivier : Je vais vous dire ce qu’était une Alpine et ce que sera toujours une Alpine. Une Alpine, c’est un ensemble de choses très claires et très uniques. Une Alpine c’est le plaisir de conduire. Un grand monsieur de l’époque définissait Alpine comme « une bête de plaisir ». C’est une voiture faite pour ça, on ne cherche pas la performance. Le plaisir est hédoniste, cela participe du « être » et pas du « paraître ». On ne cherche pas un statut, on cherche à se faire plaisir pour certains en conduisant, pour d’autres en pilotant mais c’est ce qui en fait une auto unique.

Et la recette pour obtenir ça, c’est le rapport poids/puissance, la légèreté qui donne l’agilité. En 1971 et 1973, Ove Andersson et Jean-Claude Andruet ont gagné le Monte-Carlo face à des voitures beaucoup plus puissantes qu’elles. En 1971, une berlinette faisait 150 ch et elle a battu des Datsun de plus de 200 ch. Le sujet n’est pas la puissance, ni la vitesse maximale, c’est l’agilité et le plaisir.

Cette définition est d’ailleurs l’essence même du nom Alpine. En 1954, Jean Redele a donné ce nom à sa marque automobile après sa victoire dans le Criterium des Alpes, il voulait que tous ceux qui achètent ses voitures connaissent le même plaisir que lui sur les petites routes des Alpes. Les gènes des Alpine d’hier et de demain sont là.

C : Prenons la question à l’envers : que ne doit surtout pas être une Alpine aujourd’hui ?

BO : Une Alpine n’est pas une voiture de luxe. Je n’achète pas une Alpine pour dire que j’ai réussi. Ce n’est pas non plus une voiture rustique, c’est une voiture qui porte les valeurs du sport et qui a un certain prix quand même, elle répond aux attentes des clients d’aujourd’hui, offre un certain niveau de confort. Entre la date de création de la berlinette et aujourd’hui, l’être humain a gagné 20 cm en taille, ça ne peut donc pas être une bête copie d’Alpine d’hier. Elle est moderne.

« Une Alpine n’est pas une voiture de luxe. Je n’achète pas une Alpine pour dire que j’ai réussi. Ce n’est pas non plus une voiture rustique, c’est une voiture qui porte les valeurs du sport et qui a un certain prix »

C : Tout ceci me pousse à vous demander ce que vous pensez d’une Toyota GT86 ?

BO : Je pense qu’une Toyota GT86 n’est pas une Alpine. Clairement. Je pense que la Toyota ne s’adresse pas aux mêmes clients, ne répond pas aux mêmes attentes. On est plus dans de la GT par rapport à la berlinette par exemple. Nous pensons avoir un positionnement unique sur le marché. Ce n’est pas pour rien que l’on voit un tel engouement, une telle ferveur de la part des fans de la marque. Ça me met la pression d’ailleurs.

C : On est d’accord pour dire que si Renault n’a jamais osé relancer Alpine, c’est à cause de cette pression des fans, de cette peur de se rater ?

BO : Non ! C’est simplement parce qu’en plus de tout ce que je vous ai dit avant, il faut aussi qu’on gagne un peu d’argent, ce qui n’est pas négligeable comme paramètre. C’est ce qu’on n’avait jamais réussi à faire et c’est pour ça qu’on se marie avec Caterham.

C : Alpine a vendu durant sa carrière environ7500 A110, 9500 A310 , est-ce que de tels volumes sanctionneraient un succès aujourd’hui aussi ?

BO : Clairement, il s’est vendu dans le monde entier 30 000 modèles portant le badge Alpine durant toute la vie de la marque. C’est anecdotique. On s’étonne toujours de voir le joyau qu’est devenu Alpine en vendant finalement si peu. On ne peut plus se permettre de faire des voitures à si petit volume. Nous avons prévu de vendre sur la durée de vie – de 7/8 ans – d’un modèle environ 3000 voitures par an. Alpine et Caterham confondues, bien sûr. Donc, cela signifierait que ce premier modèle d’Alpine/Caterham fera dans toute sa vie autant de ventes que toutes les Alpines historiques réunies. Nous avons donc de grandes ambitions.

C : Alpine n’a produit qu’un modèle qu’il a renouvelé à chaque fois. Est-ce que plusieurs modèles différents portant le nom Alpine pourront cohabiter dans le futur?

BO : Notre ambition est de créer une vraie marque, une famille. Cela commence par une vitrine, une voiture emblématique qui va lancer la machine. Si cela marche, nous aurons évidemment à faire vivre la marque, à la développer pour utiliser ses valeurs sur différents types de modèles. Oui, il y aura plusieurs modèles si tout se passe bien sur la première qui est la plus dure.

« Nous voulons nous adresser à une clientèle qui ne connaît pas les concessions Renault, il est important de ne pas mélanger les 2 univers. »

C : On a connu des R5 Alpine par le passé, elles sont d’ailleurs évoquées dans les chiffres de production donnés par le service presse, cela veut-il dire que nous pourrions avoir une descendance de ce type ? Une Clio Alpine est-elle possible ?

BO : Non, je ne crois pas. Si on veut faire une marque avec Alpine, il faut respecter les valeurs d’Alpine qui ne sont pas celles de Renault. Elles ne sont pas meilleures, elles sont différentes. Une Renault porte des valeurs familiales, protectrices, Alpine est plus individualiste, plus axée sur le dynamisme. À mon sens, il est impossible de mélanger 2 noms qui n’ont pas les mêmes valeurs, cela brouillerait le message et introduirait du flou dans les valeurs de l’un et de l’autre. Nous voulons nous adresser à une clientèle qui ne connaît pas les concessions Renault, il est important de ne pas mélanger les 2 univers.

C : L’histoire d’Alpine est intimement liée à la compétition, qu’en sera-t-il demain ?

BO : La compétition est dans le sang d’Alpine, on peut difficilement imaginer que nous puissions être en dehors de ça. Nous y réfléchissons, cela fait partie de sa renommée donc de sa crédibilité.

C : Au fait, une question me vient subitement à l’esprit ! Je me demande si une Caterham pourra être plus rapide qu’une Alpine ?

BO : Oooh,

C : Est-ce que c’est écrit sur le contrat ?

BO : Non, ce n’est pas contractualisé.

C : Le développement des autos sera fait par les mêmes équipes ?

BO : Oui, ce sont les mêmes équipes mais chaque marque devra faire vivre sa voiture, chacun donnera donc son cahier des charges en fonction de ce qu’il désire. Savoir si une Caterham peut être plus rapide qu’une Alpine n’est pas un problème de rivalité ou de compétition entre les 2 marques. Non, le problème se pose en termes de positionnement. Et si les voitures seront proches, les positionnements ne seront pas les mêmes. On a une bonne part de commun mais tout ne sera pas partagé, les 2 marques ont des ADN différents et elles ne seront pas opposées frontalement comme le sont les Toyota GT86 et Subaru BRZ.

C : Et quid d’une Lotus, ou de l’Alfa Romeo 4C ?

BO : L’Alpine ne sera clairement pas opposée à une Lotus et j’ai beaucoup de mal à imaginer que l’Alfa 4C avec sa coque en carbone soit proposée au prix évoqué. Non, Alpine sera seule sur son créneau.

C : Elle ressemblera au concept A110-50 ?

BO : Non, ce concept a trop bien fonctionné en fait. C'était seulement une célébration des 50 ans de la marque, un concept réalisé par une petite équipe avec la bénédiction de Carlos Tavares qui avait pour mission de forcer un peu la main des décisionnaires. Il fallait jauger les réactions. Mais le problème, c'est que les gens ont pensé qu'il annonçait la future Alpine alors que la décision de relancer la marque n'avait pas encore été prise. Nous avons un bureau de style spécialement créé au sein d'Alpine/Caterham qui travaillera sur les 2 modèles afin de bien les différencier. Ce ne sera pas du néo-rétro mais on reconnaîtra tout de suite une Alpine en la voyant.