En 2011, les internautes se posaient déjà la question sur le forum : à 48%, vous estimiez que la France était un pays autophobe, à 39% vous estimiez qu'il y avait de plus en plus de restrictions, et vous étiez 11% à estimer que la France aimait l'automobile.

Nous vous avons reposé la question, et cette fois vous êtes 84% à estimer que « oui, la France n'aime décidément pas l'automobile ».

Vous avez été nombreux à vous exprimer sur le sujet sur le forum, et voici un bilan des réponses les plus pertinentes. Ce bilan n'est pas représentatif de l'ensemble de la population française, mais il a le mérite d'offrir la parole aux passionnés auto et de leur permettre de développer sur la perception du milieu automobile par la masse, de parler de la jalousie qu'ils peuvent parfois susciter, et aussi de faire un bilan sur une peur de plus en plus grande de la vitesse et de l'insécurité. Au final, est-ce que ce sont les Français qui sont autophobes ? Ou l'État qui mène une politique répressive faisant craindre l'automobile ?


La situation n'est pas dramatique

Tout d'abord, ce n'est pas pour tous les passionnés que la France est «  autophobe » et la situation pourrait être pire. Vous avez été quelques uns à nuancer.

À savoir si la France est autophobe ou automobilistophobe, viracocha pense que l'automobile n'est pas rejetée, mais que le comportement de certains automobilistes jette l'opprobre sur l'ensemble de la communauté (nous le verrons plus loin). Niluge quant à lui ne trouve pas que la France déteste l'automobile, mais ce n'est pas non plus un pays de passionnés (comme l'Angleterre par exemple). Le Français se fiche de l'auto. Pour lui, il n'y a qu'à prendre en exemple le succès de Dacia en France, qui n'est pas un constructeur de voitures plaisir.

Pour certains d'entre vous, le Français aime l'automobile, on le voit au succès des différents salons et à la forte mobilisation de la population qu'on y croise : vieux, jeunes, tout le monde est là et admire de vraies voitures de passionnés. L'automobile reste un rêve.

Le problème se situerait plutôt dans le comportement de certains, le Français est une grande gueule, et on est perçus ainsi à l'étranger.

À cela, s'ajoute une crainte des FDO qui ne cesse d'augmenter, mais pour une partie d'entre vous, cette crainte n'a pas lieu d'être : on peut rouler normalement sur nos routes, sans craindre le radar omniprésent, il faut juste être prudent. Loicseguin ajoute qu'avec une voiture « sportive », on a quand même de la compréhension de la part des gendarmes et de la police, et on arrive encore à éviter les amendes.

Certaines évolutions pourraient être souhaitables : la position de l'État Français serait la bonne, les mesures prises ou proposées sont là aussi pour faire face à des délits et ce n'est pas aberrant de limiter la production de véhicules à forte consommation, ou de limiter l'accès aux villes aux transports en commun et aux véhicules moins polluants.


La perception du passionné par la masse

Comment le passionné auto, le vrai, est-il perçu par sa famille ? Ses voisins ? Est-ce qu'il est rejeté, aimé ou ridiculisé ? C'est ici, aussi, que semble se situer l'autophobie.

Cavallino59 l'affiche clairement, et certains le prennent pour un fou, passionné par quelque chose de ridicule. TSA_Power nous dit, lui, qu'il a l'impression d'être un jacky quand il parle bagnoles ailleurs que sur le forum. De l'autre côté du miroir, viracocha est sollicité pour certaines infos et ne connait pas d'apriori négatif de la part de son entourage.

Trois internautes, trois perceptions différentes... Pour Timing Quattro, le regard des gens a changé : maintenant, le respect est suscité par les voitures anciennes ; le propriétaire de 2CV, ou de Jeep, va attirer les regards et les discussions, et le passionné de voitures sportives, lui, va susciter la jalousie.


La jalousie

La répression routière, l'engagement écologique... Nombreux sont les facteurs qui font que le grand public regarde de haut le passionné automobile et vous êtes nombreux à le vivre.

Avec un véhicule sportif, on vous prend pour un riche, et parfois ça va jusqu'au coup de clef le long de la carrosserie. Pourtant, kinetic nous le dit : cette perception est biaisée, une sportive ou une voiture un peu sympa, d'occasion, ça se trouve au même prix qu'une Megane dCi neuve...

En plus, les jaloux, ce ne sont pas ceux qui n'ont pas les moyens, mais ceux qui roulent en « Scenic Diesel neuf » qui coûte le même prix que de petites sportives d'occasion... Mais « Monsieur Scenic » est, lui, politiquement correct, alors il se permet de critiquer.

Un autre type de véhicules suscite des regards haineux : les Allemandes (BMW, Audi...).

Cette jalousie, paradoxalement, est moins suscitée par certains véhicules rares, en exemple : les Ferrari, les Lotus Exige, les Anciennes. Ces véhicules inspirent le respect et l'admiration : vous les sortez et les yeux des passant deviennent tout ronds et les questions fusent.

Quant aux cabriolets, le bilan est mitigé : autant vous pouvez récolter des sourires complices, autant vous pouvez être pris pour un frimeur.

Dans les petites anecdotes, yorick243 nous raconte qu'il s'était fait plaisir à 20 ans et s'était acheté une Jaguar X-Type et son V6, pour la modeste somme de 5200€, soit pas plus que les autres jeunes conducteurs qu'il connaissait et qui s'étaient acheté des voitures plus conformistes. Du fait d'être « jaguariste », il s'est vu refusé un stage : « un stagiaire ne peut pas avoir une plus belle voiture que le patron », et finalement, ayant trouvé un autre stage, on ne lui a pas donné de compensation financière, parce qu' « il a les moyens, il a une Jaguar ».

Mais pour les passionnés, cette jalousie n'est pas uniquement liée à l'automobile : c'est un mal bien français : le culte de l'apparence et ne pas trop montrer, sinon le voisin regarde, envieux...

ça n'empêche pas Alex91150 de se demander pourquoi c'est moins bien vu d'avoir une belle voiture qu'un bel appartement ou un bateau ?


Un objet de consommation et non plus de plaisir

La voiture devient une galère (normes CO2, petits moteurs avec 20 000 gadgets)... Un objet jetable pour beaucoup d'entre vous.

« C'était mieux avant ». Ok, c'était plus dangereux, mais le réseau routier était différent, alors ça se comprend... Puis, avant, les constructeurs français faisaient de la vraie voiture ! Même si certains nuancent : on continue avec la Gamme RS pour Renault, les 208 et 308 Gti, le RCZ 200/270CV et la DS3 R... Pour TSA_Power, la voiture plaisir existe encore, mais c'est l'exception, une fois tous les 10 ans. Où sont les gammes complètes incluant la petite version sportive ? Les Allemands dominent le marché, mais en France, où sont passées les Safrane Biturbo ? Les R5 Turbo ? Les Clio V6 ? Lui, ce qu'il voudrait, c'est une BX 4TC version 2014 !

Les V6, les V8, les versions survitaminées, ça vous manque... Mais le problème c'est qu'on ne peut plus se lâcher sur nos routes, en plus ça pollue, alors qui achèterait ces véhicules ? Pas monsieur et madame tout le monde...

Ce que veut le public maintenant c'est des gadgets et non plus de la sensation : régulateur adaptatif, accessoires smartphones... La voiture est un déplaçoir, la conduite est accessoire. Alors les modèles qui sortent sont lissés, truffés d'accessoires de confort, de quoi s'occuper quand on se traîne sur la route en toute sécurité... Ou de quoi remplir les poches des constructeurs (c'est sur les accessoires que pour vous qu'ils margent le plus).

MATT-68 nous rappelle aussi que les routes ne sont plus adaptées : les places de parking se font rares et chères, la circulation est pénible, et ça a un impact négatif sur la conduite.

Plusieurs d'entre vous ont abandonné leurs rêves de voitures plaisir et se rabattent aujourd'hui sur des modèles standards, faute de pouvoir utiliser les véhicules au maximum de leurs capacités.

Et cette situation elle est clairement, pour vous, les passionnés, orchestrée par l'État, qui limite, normalise, fait de la répression et qui pousse à la production de voitures « généralistes ». Un État à la limite de la schizophrénie qui pour relancer le pouvoir d'achat voudrait qu'on achète des voitures, mais qui nous interdirait presque de rouler avec.


Les constructeurs Français

kinetic regrette le temps où la France avait de l'or entre les mains dans le monde automobile : les constructeurs (Matra, Alpine, Talbot, Bugatti, PSA, Renault, Venturi), les grands groupes (Michelin, Elf), le sport automobile (le siège de la FIA à Paris, les pilotes, les écuries)... « Que reste-il ? 3 marques qui survivent et se font castrer sans cesse » : charges, syndicats, politique de l'État... En Sport Automobile : Loeb, Augier, Renault en F1, sinon il ne reste rien, le sponsoring devient quasi nul et les événements sportifs... Il ne reste que les 24h du Mans (Adieu Rallye de Corse, adieu les GP de F1).

Pour Timing Quattro, ça se traduit clairement dans la production automobile française : on produit du Diesel, et on « downsize » (exemple récent chez Renault : la nouvelle Clio RS).

Le fait que les constructeurs suivent clairement la politique l'Etat (qui favorise le diesel à la pompe), ça ne vous plait pas, et ça démontre un manque d'engagement de la part de Renault et PSA.

Le problème pour les passionnés, c'est que les constructeurs français ont du mal à réduire les coûts de développement et de production, à l'inverse des allemands. À cela, vous ajoutez des difficultés à vendre français à l'étranger. Ce qu'il manque clairement en France, c'est la transversalité et la capacité à réutiliser les mêmes pièces de la gamme luxe à la production de masse.

Les constructeurs français semblent s'y mettre, mais avec du retard pour vous, et ça, ça a du mal à passer.

Votre regret ? Une production orientée vers le marché de masse et du coup le manque de présence sur certains marchés. C'est peut-être pour ça aussi que les Allemands et les Japonais se positionnent mieux dans leur communication sur la fiabilité. En France, on a l'impression que les constructeurs veulent faire de la quantité et pas de la qualité.

Vous avez bien sûr des exemples et des contre-exemples, mais c'est le sentiment global que vous en retirez.


« L'enfer c'est les autres »

Mais pourquoi de telles politiques « autophobes » ? Pourquoi cette crainte constante du chauffard ? L'explication pour tout le monde, elle tient dans « les autres ». C'est la faute aux autres. Vous faîtes des écarts de conduite, mais toujours « avec prudence », si l'on vous écoute. Le problème c'est ceux qui ne savent pas conduire...

« Pour un idiot, neuf personnes sont brimées » nous dit pollini, et la répression, elle vient du fait que certains font n'importe quoi.

En tête des comportements dangereux pour nos internautes : ceux qui se traînent, ceux qui collent au cul, ceux qui grillent la priorité, et tous les coupables d'incivilités au volant.

Quand on respecte les limitations, les priorités, on se fait klaxonner, on se fait dépasser, on reçoit des appels de phare, et ça vous énerve.

Les comportements sont dangereux et ce n'est pas avec des limitations ou des radars qu'on changera ces comportements : « Jennifer » qui téléphone au volant sans regarder la route, le gars qui ne se rabat jamais et squatte la voie du milieu, et le gars en vitre teintée, musique à fond, dont vous ne pouvez pas prévoir le comportement, ils sont toujours là sur les routes.

Du coup, il y a cette perception que la sécurité routière ne concerne que des limitations très strictes, de vitesse principalement, et que c'est sur le « bon » conducteur qu'elle tape. Ce que le passionné perçoit comme un vrai comportement dangereux passe à travers (y compris pour kopp un conducteur en train de fumer un narguilé en conduisant !).

Limite-même, elle favorise ces comportements dangereux, avec une floraison de « traîne-nouiles » qui ont peur du gendarme.

Mais cette dichotomie de nos internautes, c'est la dichotomie française. On a du mal à reconnaître ses erreurs, ou on les minimise « Je sais que je n'ai pas un comportement irréprochable, mais je le fais en toute sécurité ». Pour ça, il n'y a qu'à voir le sujet « Le top 10 des automobilistes qui vous énervent » : le comportement « sécurisé » des uns leur sera reproché par les autres.

Alors, l'enfer, c'est aussi un peu soi-même non ?


Les autres pays : le paradis ?

L'exemple qui revient en grande force c'est l'Allemagne, l'Allemagne et son Autobahn sans limitation de vitesse... Le paradis du passionné qui a une voiture sportive.

La vitesse est libre sur certains grands axes, mais de l'autre côté les Allemands semblent pour vous respecter strictement le code de la route, et ils restent sages sur les petites routes.

Mais les frontaliers et ceux qui s'y rendent régulièrement le reconnaissent : l'Allemand est capable d'une discipline dont ne pourra pas faire preuve le français moyen. Alors le modèle est-il adaptable chez nous étant donné les mentalités actuelles ? Certains répondent « oui » : si on avait des axes pour se faire plaisir, on serait sûrement plus réceptif pour respecter strictement les limitations sur le reste du réseau routier. D'autres ont vraiment peur du comportement français et de l'indiscipline.

Dambbern, lui, prend l'exemple américain, où il est actuellement : aux « States » le code de la route est sérieusement respecté, et là-bas, l'automobiliste roule serein : grandes voies dégagées... Il y a bien des ralentisseurs au niveau des zones résidentielles et des écoles, mais c'est fait intelligemment contrairement à certains aménagements de fortune que l'on croise en France. Pour lui, c'est aussi une question de mentalité, qu'on ne peut pas adapter en France. Par contre, ce qu'il en retient c'est qu'en laissant rouler les gens, ça peut très bien se passer.

Autre exemple donné par viracocha : les Pays-Bas, des limitations plus basses, avec pourtant des routes très droites, et encore une fois : des habitants qui respectent les limitations et le code de la route (clignotants, etc). Là-bas, peu de flics et peu de radars. Ce que ça démontre pour lui ? Que le Français est fliqué parce qu'il est indiscipliné et rebelle. Il précise aussi que les Pays-Bas favorisent grandement l'écologie dans la production automobile (parc GPL, voitures électriques en auto-partages, vrais parc-relais, trains et vélos...), mais que la voiture plaisir y a aussi sa place.

Jln a d'ailleurs rebondit sur la favorisation du diesel en France : ce choix n'est pas le moins polluant, et c'est dommage que les efforts faits sur la dépollution soient anéantis à cause de cette politique.

Ultra shockwave invite nos élus à voyager, et à regarder ailleurs que de se contempler le nombril. Pour lui, les autres pays (l'Angleterre par exemple qui retire les radars) ont mieux compris les automobilistes que nous.


Sécurité, écologie : le grand stress

Aujourd'hui, l'impression générale est que le gouvernement français met l'accent sur deux points pour encourager une répression automobile de plus en plus accrue : la sécurité et le respect de l'environnement.

Mais pour vous, les idées proposées ne sont pas en phase avec la finalité attendue. Quand nous sommes passés de 60km/h à 50km/h en ville, ça vous a paru logique, moins dangereux. Mais l'idée de passer de 90 à 80km/h sur des nationales ou des départementales, vous avez du mal à en voir les bénéfices.

Quant à la pollution sur le périphérique parisien, à 80km/h en 5ème, on est à bas régime, à 70, on passe en 4ème, donc à moyen régime. Du coup, abaisser la limitation, c'est polluer plus. Si l'État voulait vraiment baisser la pollution, pour vous, il s'agirait de fluidifier la circulation et non de la ralentir.

Un radar peut-il sauver une vie ? Pour les passionnés, non, ce n'est pas là que doit être mis l'accent, par contre les priorités seraient plutôt à chercher du côté de l'entretien des routes et de la sensibilisation des usagers.

Est-ce que les accidents sont dûs à la vitesse ? Pour vous, non. Ils ont lieu principalement en ville. La vitesse est un facteur aggravant, mais pas le principal et ce n'est pas sur ce critère que l'on devrait se concentrer.

L'État tient un double discours avec les automobilistes, et ce que vous digérez mal, c'est que les motifs énoncés ne semblent clairement pas la vraie motivation de l'augmentation du nombre de radars et des abaissements de limitation de vitesse. Ultra Shockwave, par exemple, pense que les lobbys d'associations de victimes prennent de plus en plus d'importance, avant on n'en entendait pas parler, depuis que la sécurité devient répression, on n'entend qu'elles. Et ce discours est déformant, et cristallise l'opinion, mais il ne donne pas une représentation équitable de la réalité de la route.


L'automobiliste est-il la nouvelle vache à lait de l'État ?

La vraie raison que vous pensez discerner derrière, c'est l'appât du gain. Mais vous ne voulez plus entendre le discours « ça pollue », « c'est dangereux », vous n'y croyez pas ou peu. Qu'on vous dise que c'est pour votre « bien », alors que vous avez l'impression que c'est pour faire des bénéfices, vous le vivez mal et en gardez une certaine amertume. De plus, ce discours discrédite complètement à vos yeux les politiques mises en place. « Ils donnent le sentiment d'avoir une cervelle de poisson rouge, lavée à grande eau par les lobbyistes de tout genre (contrôle technique, répression routière...) ; bien peu ont, en fait, une connaissance relative de la route. ça se voit avec les questions liées aux motos ».

La généralisation du 80, l'éco-taxe, le prix du carburant, les radars... La liste est longue, et vous avez l'impression qu'au lieu de vouloir relancer l'économie, on vous taxe de plus en plus, on vous fait banquer. Mais derrière, vous avez du mal à voir les actions. Vous préféreriez voir l'argent investi dans des infrastructures routières, dans des aménagements, des parkings, que dans des installations qui à vos yeux ralentissent le trafic et vous donnent parfois envie d'abandonner l'automobile, ou de partir plus loin de l'Île-de-France, voire à l'étranger.

À cela s'ajoute l'augmentation des prix des parkings, des réparations (tout est électronique maintenant), des autoroutes, et en plus la durée de vie des voitures semble se réduire ! L'automobiliste paye, et paye beaucoup. Beaucoup trop.


Vous l'aurez compris, c'est ce climat général qui donne la sensation aux passionnés de ne pas être compris, ni par le reste de la population, ni par l'État et beaucoup ont le sentiment de devoir mettre leur passion entre parenthèses, faute de pouvoir pleinement en profiter et parce qu'ils sont sans cesse pointer du doigt.