Dans son rapport annuel à la fois redouté et éclairant, la Cour des Comptes s'est penché sur le cas de la sécurité routière millésime 2013. Avec des conclusions qui sont autant de pistes que seront les contrôles sur la route de demain. Qu'on se le dise, il nous sera de plus en plus difficile de sortir des sentiers battus puisque le principal axe d'effort sera porté sur le système automatisé des sanctions. Celui-ci devra accroître son efficacité par une amélioration du taux de disponibilité des radars, la poursuite de la fiabilisation du système d’immatriculation des véhicules (SIV) et le développement de la verbalisation des conducteurs étrangers.


La Cour commence sa réflexion sur une note positive. En dix ans, la vitesse moyenne des véhicules légers sur les routes a baissé de 10 km/h, passant de 89,5 km/h en 2002 à 79,3 km/h en 2012. Dans le même temps, le nombre de morts sur les routes a diminué de moitié de 7 242 en 2002 à 3 653 en 2012. Pour les experts, le dispositif de sanctions des infractions aux règles de circulation, sous forme d’amendes et de retraits de points du permis de conduire, a très certainement contribué à ces résultats.


Mais dans le même temps, il faut faire rentrer l'argent. Plus de contraventions, cela signifie aussi plus d'argent dans les caisses publiques. La Cour anticipe plus de 1,7 milliard d'euros de recette pour cette année 2014, soit 17 % de hausse en 4 ans. Comme quoi la frontière est décidément ténue entre sécurité et fiscalité routière. Pour autant, la Cour assure que l’augmentation des recettes de l’État n’est pas l'objectif premier de la thématique. Ce qui n'empêche pas de recherche des pistes pour optimiser la rentrée des sous dans les caisses.


Et il y a même urgence à se pencher sur l'efficience du système. En 2012, le coût de la politique de sécurité routière est estimé à 2 865 M€7 pour l’État, alors que les recettes des amendes ont été de 1 624 M€, dont seulement 1 030 M€ conservés par l’État et ses établissements publics, le solde étant réparti entre des collectivités locales. Comme dans son rapport public annuel de 2010, la Cour n’aborde ici que la gestion des amendes sanctionnant des contraventions des quatre premières classes, soit l’essentiel des amendes, et non celle des retraits de points.


L'une des causes de ce déséquilibre vient des radars qui ne fonctionnent pas à 100 % de leurs capacités. Leur taux de disponibilité, encore à un niveau élevé (94,7 %) en février 2013, a brutalement chuté en mars au lendemain du changement du prestataire chargé de leur maintenance. Il a baissé jusqu’à 80,3 % en juin 2013, alors qu’un taux minimal de 92 % était atteint depuis 2010, entraînant une moindre sanction des infractions.


Ensuite, dans leur grande majorité, les conducteurs de véhicules immatriculés à l’étranger échappent à l’amende, leur adresse ne pouvant être connue à partir du numéro d’immatriculation du véhicule constaté en infraction. Le nombre d’avis de contravention qui n’ont pu être émis pour cette raison peut être estimé à 2,9 millions en 2012. Des progrès sont cependant attendus dans ce domaine avec l’entrée en vigueur, en novembre 2013, de la directive européenne sur l’échange d’informations en matière d’infractions routières.


D’ores et déjà, les accords conclus par la France avec trois pays frontaliers, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique, permettent l’envoi d’avis de contravention aux contrevenants ressortissants de ces pays (0,46 million en 2012). Des amendes sont également adressées à des conducteurs étrangers désignés par des sociétés de location (0,14 million en 2012). Le taux de paiement, au stade de l’amende forfaitaire, de ces conducteurs est encourageant assure la Cour: 62 % en 2012. En 2013, 0,78 million d’avis de contravention a été envoyé à l’étranger.


Ensuite, ce sont les identifications des cartes grises qui inquiètent. Tant le contrôle automatisé que le procès-verbal électronique sont fondés sur l’immatriculation du véhicule et l’envoi de la contravention à la personne titulaire de la carte grise du véhicule constaté en infraction et à l’adresse de cette personne, telle qu’elle figure sur la carte grise et donc dans le système d’immatriculation des véhicules (SIV).


Or de trop nombreux propriétaires de véhicules oublient, sciemment ou non, de mettre à jour leur carte grise lorsqu’ils changent de domicile. D’autres méconnaissent la procédure. La plupart ignorent la sanction encourue en cas de non-respect. Dans tous les cas, ces propriétaires ne reçoivent ni l’avis de contravention leur demandant de payer une amende forfaitaire, ni ensuite, l’avis leur demandant de payer une amende forfaitaire majorée.

En l’absence de paiement spontané de l’amende forfaitaire majorée par son débiteur, les comptables publics sont chargés de son recouvrement. Leur première difficulté est évidemment de trouver


l’adresse de certains débiteurs. Ainsi, selon la trésorerie du contrôle automatisé (TCA), chargée de recouvrer les amendes forfaitaires majorées issues des infractions constatées par radars, 34 % des créances d’amendes prises en charge le sont avec une adresse erronée, ce qui représente environ 7 % des avis de contraventions initiaux.


Cette situation conduit à une inégalité de traitement entre contrevenants, réduit les recettes publiques et accroît les coûts de gestion.

S’agissant des « messages d’infractions » issus du procès-verbal électronique, les causes dues aux erreurs des agents doivent être analysées et les agents formés pour les réduire. S’agissant du changement d’adresse des titulaires de carte grise, une campagne d’information du public rappelant les obligations déclaratives et les sanctions en cas de non-respect de celles-ci devrait être

lancée.


Au final, la Cour formule les nouvelles recommandations suivantes : généraliser l’emploi du procès-verbal électronique par les polices municipales ; améliorer le taux de disponibilité des radars ; poursuivre la fiabilisation du système d’immatriculation des véhicules et le développement de la verbalisation des conducteurs étrangers ; s’agissant du changement d’adresse des titulaires de carte grise, lancer une campagne d’information du public rappelant les obligations déclaratives et les sanctions en cas de non respect de celles-ci ; en matière de verbalisation électronique, analyser les causes dues aux erreurs des agents et former ceux-ci pour les réduire ; asseoir pleinement le rôle du délégué interministériel à la sécurité et à la circulation routières dans le pilotage interministériel de la gestion des amendes ; demander aux procureurs de la République de contrôler régulièrement l’activité des officiers du ministère public de leur ressort et veiller à l’homogénéité des pratiques de ces derniers.