Difficile de comprendre quelle était vraiment l'urgence... Mais dans une certaine précipitation, les radars « tronçon » ont été homologués. Le certificat d'examen de type (CET), preuve de leur homologation, a été publié ce lundi après-midi sur le site du LNE, le laboratoire en charge de cette certification. Daté du 6 juillet, ce CET a forcément été rédigé en un rien de temps, puisqu'il y a moins de deux semaines au moment où Caradisiac bouclait son grand dossier sur les nouveautés attendues en matière de Sécurité routière, cette formalité n'était toujours pas entièrement finalisée. Potentiellement, le Centre national de constatation des infractions de Rennes pourra ainsi commencer à envoyer des PV, issus de leur contrôle, dès ce mois d'août par La Poste. Reste simplement une phase de tests à passer avec succès...

Il faut dire que cela fait déjà un moment que ces radars « vitesse moyenne » sont annoncés ! Alors qu'il était ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux avait ainsi déclaré qu'il y en aurait pas moins de cent installés avant la fin de 2011. De fait, les premières implantations datent de moins d'un mois. Et ce alors même que le matériel n'était pas encore homologué, répétons-le ! Et il devrait y en avoir une quarantaine en service d'ici la fin 2012.


Des contrôleurs de vitesse moyenne jusqu'à 20km

Pour rappel, ces nouveaux appareils doivent permettre de mesurer la vitesse moyenne des véhicules, donc de les contrôler non plus seulement en un point précis mais sur une portion de route de plusieurs kilomètres, en l'occurrence de 150m à 20km, stipule le CET. L'objectif étant de « lutter contre le comportement dangereux de certains conducteurs qui freinent à l’approche d’un radar et ré-accélèrent après l’avoir dépassé », a récemment expliqué la Sécurité routière dans un communiqué.

Les trois sites concernés pour le moment sont les suivants :

  • le tunnel contournant Besançon, sur la RN 57 et sur une distance de 2km, à hauteur de la commune de Beure (Doubs),
  • le pont de Saint-Nazaire sur les communes de Saint-Brévin-Les-Pins et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), la portion contrôlée est de 3,5km,
  • la RN 21, sur une section de près de 5km, à Pujols (Lot-et-Garonne), dans le sens Agen vers Villeneuve-sur-Lot.


Que dit la CNIL ?

Les radars « tronçon » devraient ainsi équiper en priorité les tunnels, les ponts et autres ouvrages d'art sur les routes. « Les équipements présents en entrée et en sortie du segment [contrôlé, NDLR] permettent d’identifier et de dater le passage d’un véhicule pour ensuite calculer sa vitesse moyenne. Lorsque la vitesse moyenne calculée dépasse la limite de vitesse autorisée sur ce segment, une infraction est détectée », précise alors le CET, publié ce lundi. Ce qui n'est pas sans soulever des interrogations d'ordre juridique...

Ce sont en effet deux caméras, équipées d'un système de lecture automatique des plaques, qui vont ainsi enregistrer en un point A et en un point B, toutes les immatriculations qui passent sur cette portion. Et pas seulement les véhicules en infraction ! Un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) n'est-il pas indispensable à la mise en place d'un tel fichier issu d'un traitement automatisé ? Nous avons posé la question à la CNIL, et nous attendons toujours sa réponse...

Radar tronçon : ça y est, il est homologué !

Schéma fonctionnel reproduit dans le CET n° LNE-23575


Deux autres doutes persistent également concernant la réactualisation - éventuellement nécessaire - du texte réglementant l'utilisation des radars et le lieu de l'infraction :

  • L'arrêté du 4 juin 2009, encadrant la construction et l'utilisation des cinémomètres de contrôle routier (le nom savant des radars), ne cite en effet à aucun moment ces instruments qui font appel à une nouvelle technologie (ce ne sont ni des doppler, ni des lasers) et à un nouveau type de mesure (une vitesse moyenne et non une vitesse en un seul point). Le bureau de la métrologie, en charge de l'aspect réglementaire des instruments de mesure, aurait estimé que le texte n'avait aucunement besoin d'être rectifié pour les intégrer. Pas sûr cependant que ce choix se révèle judicieux devant les tribunaux, selon certains avocats.
  • Selon l'article L130-9 du code de la Route (modifié par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2), quand « l'excès de vitesse est constaté par le relevé d'une vitesse moyenne entre deux points (...), le lieu de commission de l'infraction est celui où a été réalisée la deuxième constatation ». Mais pour Maître Caroline Tichit, « un procès-verbal ne peut en aucun cas souffrir d'une imprécision, en particulier sur le lieu de l'infraction, pour conserver toute sa force probante, et la nouvelle disposition de cet article du code de la Route apparaît grandement discutable d'un point de vue juridique ».


Pas plus de deux voies...

Que nous apprend d'autres le CET ? Les clichés pourraient être aussi bien pris par l'avant que par l'arrière. Mais même dans le premier cas, les conducteurs ne seraient a priori que difficilement identifiables. En d'autres termes, les propriétaires contestataires, destinataires des avis de contravention, pourraient continuer à échapper aux retraits de point(s) mais pas aux amendes, au titre de l'article L121-3 du code de la Route. A moins de pouvoir présenter d'autres preuves (que le cliché) de leur innocence.

Sinon, les portions de route contrôlées par ces nouveaux équipements ne peuvent pas être constituées de plus de deux voies, selon le CET. Exit les larges autoroutes ! Et le contrôle n'est possible que « dans un seul sens de déplacement des véhicules (rapprochement uniquement ou éloignement uniquement) »... Enfin, comme les traditionnelles cabines, ils devraient continuer à être annoncés par des panneaux ou des radars pédagogiques.