Votre navigateur ne supporte pas le code JavaScript.
Logo Caradisiac    
Publi info

Le salon de l’auto, en mode dépression

Dans Salons / Salon de Paris

Jean Savary

Était-ce le dernier salon de l’auto à Paris ? Je me le demande tant cette édition était déprimante. Peu d’exposants, mais plein de constructeurs chinois à la place des Européens, des Japonais et des Américains.

Le ciel était bas et lourd comme l’écrivit Baudelaire et en plus, il fuyait. Une pluie fine et ininterrompue détrempait la grisaille de la porte de Versailles et j’avais le cœur lourd. C’était lundi dernier, il était 15 heures, et après avoir hésité toute la matinée, je venais finalement à la journée presse du salon de l’auto, traînant des pieds, me souvenant que jadis, à Auto Moto, j’y débarquais tôt le matin, excité comme un gamin le jour de Noël.

Ce lundi, j’y allais par pur devoir : je savais qu’il n’y aurait pas grand-chose à voir, plus de banques, de loueurs et d’assureurs que de constructeurs, et d’ailleurs vous aurez noté que je n’écris pas « Mondial de l’auto », la liste des exposants donnant plutôt dans le franco-chinois et même le sino-français.

Sensation désagréable d’avoir vieilli et en plus changé d’époque : personne ne m’avait dit « ah, tu vas au salon de l’auto ! » ni demandé de lui faire des photos, de rapporter un dossier de presse, de lui refiler au retour mon pass presse pour économiser l’entrée - je sais, c’est filou.

La bagnole n’intéresse plus personne, sauf pour en dire du mal et en plus, elle a la guigne. Premier salon de l’auto depuis 2018, et paf ! il tombe pile la semaine de la grève des transports et des raffineries.

À croire qu’Anne Hidalgo était de mèche avec les syndicats et que tout cela résultait d’un vaste complot municipal pour torpiller l’industrie automobile française et démoraliser ses soutiens.

Abonnez-vous à la newsletter de Caradisiac

Recevez toute l’actualité automobile

L’adresse email, renseignée dans ce formulaire, est traitée par GROUPE LA CENTRALE en qualité de responsable de traitement.

Cette donnée est utilisée pour vous adresser des informations sur nos offres, actualités et évènements (newsletters, alertes, invitations et autres publications).

Si vous l’avez accepté, cette donnée sera transmise à nos partenaires, en tant que responsables de traitement, pour vous permettre de recevoir leur communication par voie électronique.

Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement de ces données, d’un droit de limitation du traitement, d’un droit d’opposition, du droit à la portabilité de vos données et du droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle (en France, la CNIL). Vous pouvez également retirer à tout moment votre consentement au traitement de vos données. Pour en savoir plus sur le traitement de vos données : www.caradisiac.com/general/confidentialite/

Un Hummer pour les baba-cools ?

Je plaisante : l’industrie auto française se torpille très bien toute seule.

Commençons par Citroën. Ah, pardon, Citroën n’est pas venu, ils ont présenté un amusant concept car la semaine précédente, mais pas cru bon de venir l’exposer sur un stand. Dommage car la démarche est intéressante : la preuve que même sans CAO, même sans designer, même sans imagination, on peut inventer une voiture avec une simple boîte de Lego et même rien qu’avec les pièces pour construire la niche du chien. Résultat, un oxymore automobile, genre de mini Hummer pour baba-cools décroissants.

Le salon de l’auto, en mode dépression

À l’inverse, sur le stand Lego, la voiture exposée a bêtement l’air d’une voiture. De sport en plus. Le monde est fou.

Faute de chevrons, je suis allé voir son émanation : DS. C’était la première fois que je voyais une DS9, dont Wikipedia affirme pourtant qu’elle a été lancée en mars 2021. Pourtant, longue de près de 5 mètres, chromée comme un grille-pain d’oligarque, on doit la remarquer. Mais peut-être est-ce parce qu’ils n’en vendent pas beaucoup. Bizarre parce qu’à 65 000 €, on ne peut pas dire que ce soit hors de prix.

Où est donc passée la 4 L ?

Encore moins cher, allons voir la nouvelle Renault 4, le remake de la 4L promis pour bientôt et avant qu’il ne soit trop tard.

Ah, bah, elle n’est pas là non plus ! Il y a juste la R5 qui semble n’avoir gardé du modèle originel qu’un air vaguement démodé, un peu comme une R19 passée dans un atelier de restomod.

Juste devant, sur une estrade pentue, il y a un vilain petit 4X4 accastillé comme pour partir en Ukraine casser du russe. Manque juste la mitrailleuse sur le toit. Ben c’est la 4L mais on aurait aussi bien pu me faire croire que c’était un proto pour la conquête de mars.  J’ai eu beau tourner autour, je n’ai rien retrouvé de la petite Renault de nos nostalgies, pas le moindre clin d’œil, rien de malin, de frugal ou de modeste et pire, rien de charmant ni même aimable. Juste un petit SUV grimé pour le baroud, le type même de voiture qu’adoreront détester ceux auxquels pourtant elle se destine : les jeunes et les vieux qui n’aiment pas trop la bagnole mais en ont quand même besoin.

Le salon de l’auto, en mode dépression

Surpris, je vais chercher des explications là où en général on les trouve sur un salon : au bar du stand, avec un rien de champagne pour faire glisser les arguments de mauvaise foi. Flute (pas le cas de le dire), il est désert et fermé. On ne m’a pas menti : c’est vraiment la crise.

Dacia, Das große dépression

Juste à côté c’est le stand Dacia, mais là je n’y arrive pas : toutes les voitures sont peintes en vert-de-gris et posées sur un fond tout aussi vert de gris et je n’ai pas le moral assez vaillant pour supporter ce genre de monochromie neurasthénique.

Je sais bien que ce sont des voitures de pauvres, les dernières que peut se payer le français moyen après quarante ans de mondialisation heureuse et d’avancées libérales, mais est-ce une raison pour les présenter de façon aussi délibérément déprimante ?

Au moins, la marque roumaine est dans le ton de cette édition 2022 : pas le moindre tapis dans les allées des trois halls, on déambule sur du béton brut, comme dans un entrepôt.

Le salon de l’auto, en mode dépression

 

Avant d’aller visiter les Chinois - le devoir d’abord, le plaisir ensuite - je suis aussi passé sur le stand Peugeot mais je n’en dirai pas davantage car j’aime bien la 408, surtout la partie arrière assez radicale et culottée, et ça m’ennuierait de dire du bien dans un billet où j’ai envie de dire du mal de tout.

Allez, si quand même : pourquoi la calandre des nouvelles Peugeot est-elle aussi énorme ? Parce qu’aujourd’hui, si à 50 ans, on n’a pas le capot plus haut que la hanche d’un piéton, on a raté sa vie ?

Décidément, je suis d’une humeur de chien et en plus, je n’ai plus qu’une heure et demie avant d’aller boire un pot avec l’équipe de Caradisiac sur leur stand. Vite, allons voir les Chinois.

Ils vont nous bouffer tout cru

Le salon de l’auto, en mode dépression

Les constructeurs chinois donc. Je vais faire bref : ils vont nous bouffer tout cru.

Leurs voitures n’ont rien d’extraordinaire, elles sont juste jolies, parfois même carrément mignonnes ou à l’inverse, racées, presque toutes bien fabriquées, bien aménagées, bien équipées.

À côté d’une petite chinoise, la Dacia Spring, pourtant made in China, a l’air de sortir d’une usine ouzbèke ou guatémaltèque.

Rien vu de génial, rien vu de crétin, juste des voitures qui font plutôt envie et dont on sent que les concepteurs n’ont pas visé un grand prix de design mais bien révisé et même recopié leurs classiques. Certaines affichent même leurs 5 étoiles EuroNcap sur la pancarte.

Et puis, c’est tout bête : de jolies couleurs, souvent vives, pimpantes, de l’acidulé souriant, des teintes bonbon ou gâteau que l’on voyait en Europe avant la grande vague neurasthénique des cinquante nuances de gris, quand on croyait encore au progrès et à des lendemains meilleurs.

Le salon de l’auto, en mode dépression

Mais c’est en regardant les fiches techniques que l’on réalise vraiment l’ampleur du défi. J’ai vu des hybrides rechargeables afficher dans les 150 km ( !) d’autonomie WLTP en mode électrique. Des citadines promettre plus de 400 km. À des prix annoncés comme inférieurs à leurs rivales européennes qui en offrent moins. Mais pourquoi se gêner quand on domine, pour ne pas dire contrôle, l’industrie mondiale de la batterie ?

J’étais sur le stand de Wei et Ora, deux marques du géant Great Wall Motors, perdu dans de sombres considérations, me demandant si foncer vers le 100 % électrique n’est pas un suicide industriel et économique, si le lobby écolo qui régente désormais, à Strasbourg comme à Bruxelles, l’automobile européenne ne serait pas financé en sous-main par le parti communiste chinois, si Transport & Environnement, l’ONG qui fait et défait l’opinion des gouvernements ne serait pas une antenne du Guoanbu, les services secrets chinois, quand j’ai entendu une coupe tinter à mon oreille. Il était 17 h 30, l’heure du champagne et des petits fours chez GWM et je l’avoue, j’ai vidé ma flûte et même une deuxième sans me faire prier. Boire pour oublier…

Mots clés :

SPONSORISE

Toute l'actualité

Essais et comparatifs

Commentaires ()

Déposer un commentaire