Enquête : les bonnes affaires du permis à points

Enquête : les bonnes affaires du permis à points

 

Côté pouvoirs publics

Premier bénéficiaire du système répressif mis en place, l’Etat. 9,4 millions de points de permis devraient être retirés en 2008, soit près de 26 000 par jour. A raison de 45 euros d’amende minimale par point envolé, la recette perçue par le Trésor public dépassera les 420 millions d’euros. Une misère au regard du budget total de la France, certes. Mais largement de quoi financer le doublement le nombre de radars au bord des routes à l’horizon 2012, pour atteindre les 4500. Une affaire qui roule, tout simplement.

Les stages de récupération de points

En cinq ans d’existence, les radars automatiques ont sensiblement contribué à améliorer la sécurité sur nos routes. Chacun s’en félicitera… à commencer par les organisateurs de stages de récupération de points. Au programme, deux jours de « rééducation » pour voir son permis crédité à nouveau de quatre précieux points. 170 000 automobilistes volontaires s’y sont pliés en 2007, un chiffre en hausse de 26% par rapport à 2006. A 240 euros de coût moyen, cette activité a généré un chiffre d’affaire global supérieur à 40 millions d’euros l’an dernier. « Pour chaque session, il faut prévoir 800 à 1000 euros pour payer les deux animateurs, frais de déplacement compris.

Dans le cas d’un stage de 10 personnes, qui est le minimum prévu par la loi, il va donc me rester 500 euros pour régler les charges comme la location de salle et les frais de secrétariat. Pour commencer à gagner de l’argent, mieux vaut aligner 15 stagiaires », précise cette gérante d’auto-école du sud de la France qui préfère rester anonyme. Mais il faut croire que l’activité est rentable, puisque l’on est passé de 5400 stages organisés en 2004 à 13600 en 2007 (+152 %). Et taper « stage de récupération de points » sur un moteur de recherche fait apparaître les noms de centaines d’organismes proposant leurs services. Pas évident de s’y retrouver.

D’où l’idée de la création du site www.permisapoints.fr, qui se fait fort de centraliser les inscriptions à des milliers d’offres de stages, prélevant sa dîme au passage. « On travaille comme une agence de voyages », explique benoîtement Franck Genser, gérant de l’entreprise. Problème : sur les 1316 centres agréés, l’Etat n’en a contrôlé que 105 l’an dernier. De quoi laisser s’installer quelques dérives. « C’est pour certains un véritable business. On a vu des stages se tenir la nuit, d’autres se terminer par des dégustations de vins régionaux », s’insurge Pierre Gustin, délégué de l’association « La Prévention Routière formation ». Précisons au passage que ladite association a reçu plus de 15 000 stagiaires « volontaires » l’an passé, générant un chiffre d’affaires supérieur à 3,6 millions d’euros. Bref, les sommes en jeu sont énormes, et les points pas perdus pour tout le monde.

Trafic de points

Phénomène récent, le trafic de points de permis. Contre une somme allant de 250 à 500 euros par point, un particulier accepte d’endosser la responsabilité de l’infraction que vous avez commise. Une rapide recherche sur différents forums permet de trouver des vendeurs. Un trafic qui peut également se pratiquer en famille, par exemple avec le permis de grands-parents âgés et ne conduisant plus et qui servent à l’occasion de « réservoir » aux plus jeunes. « Il est difficile d’estimer l’ampleur du trafic de points. Celui-ci peut se pratiquer en famille de façon ponctuelle, et il est alors difficile à mettre à jour et sanctionner. Mais à partir du moment où il a lieu de façon publique via internet avec des individus qui mettent des points de permis en vente, on peut sévir. », explique Gérard Gachet, porte-parole au ministère de l’Intérieur. Des articles en ce sens seront intégrés à la future Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure (LOPPSI), qui sera soumise au vote du parlement en début d’année prochaine.

Avocats

D’après les dernières projections du ministère de l’Intérieur, 100 000 permis devraient être retirés en 2008, contre 89 000 en 2007. Une manne pour les avocats qui font vocation de défendre l’automobiliste. En France, ils sont une petite dizaine. « C’est un droit mathématique, il s’agit de débusquer une ou des failles dans le dossier pénal que l’on épluche au moyen d’une grille de lecture. Il existe une quarantaine de vices de procédure possibles en matière administrative, une trentaine en matière d’alcoolémie, et une vingtaine en matière d’excès de vitesse. Il en apparaît dans deux cas sur trois », se félicite Me Jean-Baptiste Iosca, sauveur de permis patenté avec quelques 9000 procès remportés. Pour s’adjoindre les services d’un spécialiste comme lui, il faut compter 2500 à 4000 euros en moyenne, un peu plus si le dossier est corsé. Pas donné, certes. Mais quand le permis de conduire est un outil de travail, le calcul est vite fait.

Vendeurs d’antiradars

Environ 2200 radars automatiques sévissent au bord des routes de France et, rappelons-le, autant sont attendus d’ici 2012. Une excellente nouvelle pour les fabricants et vendeurs d’antiradars, ces appareils qui donnent l’alerte par des séries de « bip » à l’approche d’un radar fixe et autres « zones à risques ». Pionnier du secteur, Inforad a déjà écoulé 1,4 millions d’appareils depuis 2004 (de 49 à 119 euros pièce), et prévoit un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en 2008. Autre réussite notable, celle du Coyote, un avertisseur de radar « solidaire » (à partir de 199 euros) qui permet à tout automobiliste apercevant un contrôle mobile d’en avertir en temps réel les autres utilisateurs de l’appareil. 85 000 automobilistes feraient maintenant partie du club et Fabien Pierlot, fondateur de la société, estime son chiffre d’affaires entre 12 et 15 millions d’euros pour 2008. Le Coyote part maintenant à l’assaut de l’Angleterre, et vise à terme les Etats-Unis. Sans complexes.