Les salons automobiles sont-ils devenus ringards?

Stand Audi au salon de Franfort 2015: malgré une mise en scène assez époustouflante, la façon de présenter les voitures ne change pas sur le fond. De fait, Volvo Ford, Mini et d'autres ont décidé de bouder certains des grands rendez-vous en 2016.


Ils s’appellent Google, Uber, Tesla, Faraday Future, Qualcomm, Mobileye, Nvidia... Géants du web ou start-up, ces acteurs de la high-tech font beaucoup parler d’eux en ce moment au CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas, espérant se faire une place de choix au milieu des acteurs historiques du secteur automobile, qu’ils cherchent soit à concurrencer, soit à fournir en innovations. « On est en plein big bang automobile, les cartes se redistribuent totalement entre acteurs », résume ce matin dans Les Echos Patrick Pélata, ex-numéro 2 de Renault et désormais consultant dans la Silicon Valley.

Si le CES reste un petit salon en termes de volume, n’espérant attirer « que » 150 000 visiteurs en trois jours (contre 1,25 million au dernier Mondial de Paris, il est vrai nettement plus long - 15 jours), il est aujourd’hui l’endroit où ça se passe, l’évènement où l’on découvre et imagine de quoi sera constituée la mobilité demain : voitures autonomes, connectées, motorisations électriques, etc.

Phénomène intéressant, on observe parallèlement à l’essor du CES un désintérêt croissant des constructeurs traditionnels pour les grands salons traditionnels. Dès 2014, Volvo annonçait qu’il réduirait sa participation à un seul salon sur chaque continent. En 2016, Mini fera l’impasse sur les salons de Detroit (que boudent aussi Jaguar Land Rover), Genève et Pékin. Quant à Ford, il ne sera pas présent au Mondial de l’automobile 2016. « Dans les salons, le « bruit médiatique » est tellement fort qu’il devient difficile pour un constructeur de transmettre les informations le concernant à travers la presse. Même si vous présentez six nouveautés d’importance, certaines passeront à la trappe par manque de place dans les journaux. De plus, même sur le stand lors des journées ouvertes au public, on n’arrive pas à faire passer tous les messages que l’on veut aux visiteurs. On a un problème de reconnaissance concernant les prestations technologiques et sécuritaires de nos voitures, que l’on ne peut régler qu’en allant au contact des Français. Pour ce faire, nous allons organiser plusieurs évènements à partir du printemps. Nous ne serons pas à Paris à l’automne, mais pour autant, les salons ne sont pas has been. La preuve en est que nous continuons à participer à celui de Genève », explique à Caradisiac Fabrice Devanlay, Directeur de la communication de Ford France. « Si l’on veut aussi être présents à l’IFA de Berlin (salon high tech, NDLR), au salon du meuble de Milan ou au CES de Las Vegas, cela finit par coûter cher. On ne peut pas être partout. »

Reste que les organisateurs du Mondial de l’automobile vivent forcément mal de voir un constructeur généraliste quitter le navire, ceci moins pour le manque à gagner ponctuel (les mètres carrés délaissés par Ford ou Volvo Porte de Versailles seront récupérés par d’autres) que par crainte d’un effet domino.

Au-delà, cette nouvelle approche traduit des changements en profondeurs à venir dans le secteur automobile : « au CES de Las Vegas, l’automobile vit un moment très particulier. C’est l’avènement de la voiture connectée et autonome, et ça bouscule le monde automobile qui n’était pas habitué à ça. La voiture connectée apporte une création de valeur supplémentaire, par exemple sur les applications ou la publicité ciblée et géolocalisée, et cela intéresse forcément les géants du web. Si Google vient à l’automobile, c’est surtout pour essayer de capter une partie de cette création de valeur. Les constructeurs comprennent qu’il leur faut bouger pour s’adapter, le modèle traditionnel est bousculé », analyse Flavien Neuvy, Directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile Et bousculer le modèle traditionnel, cela suppose aussi de bouder les rendez-vous habituels. Pour mémoire, le premier salon de l’auto de Paris s’est tenu en 1898.