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Vivons-nous ici dans un espace que l’on nomme Europe ? C’est à en douter sérieusement. Viendrait-il à l’idée d’un citoyen français de parler de délocalisation lorsqu’une entreprise française bien ancrée dans sa région historique annonce la création, dans une autre région française, d’un nouveau site de production ? Certes non. Alors pourquoi recourons-nous pourtant très naturellement à ce terme dès lorsqu’une entreprise européenne historiquement liée à un pays annonce la création d’une usine dans un autre pays européen ? Simplement parce que l’Europe industrielle n’existe pas alors que l’ensemble des autres zones géographiques équivalentes à l’Europe se considère comme des ensembles homogènes.


Pour reprendre une idée développée dans le récent ouvrage L’industrie française décroche-t-elle ? de Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil, « Il devient donc difficile, et en vérité de peu d’utilité, de délimiter précisément les frontières de l’industrie. Il est plus pertinent d’opérer une distinction entre : 1) les secteurs dont la production est consommée localement : la plupart des services à la personne, certains biens comme les matériaux de construction, le bâtiment et les infrastructures, et certaines activités de service industrielles, comme la production et distribution d’électricité ou d’eau, le retraitement des déchets, et 2) les secteurs dont l’activité est en concurrence avec des entreprises du monde entier, à savoir une large partie de l’industrie manufacturière, mais aussi des services comme le tourisme et tous les services à la personne ou aux entreprises qui peuvent être rendus à distance grâce aux réseaux de communication, comme par exemple la production de logiciels ou l’assistance téléphonique. » Voilà peut-être une idée que nous Européens pourrions mettre en application ?