En matière de Sécurité routière, il est particulièrement difficile de diagnostiquer l’évolution de l’accidentologie. Pourtant, après la publication du bon bilan 2000, on est tenté plus qu’à l’accoutumée de se demander si ce revirement de tendance est conjoncturel ou structurel. Caradisiac explore les deux scénarios possibles pour 2001 : poursuite de la diminution de l’insécurité routière ou retour à un bilan négatif.

Les prévisions 2001 : l’amélioration va-t-elle se poursuivre ?

Les raisons d’espérer

La baisse de l’insécurité routière est suffisamment importante en 2000 pour espérer que les automobilistes ont pris véritablement conscience des dangers de la route et de l’importance de leur comportement au volant. Parallèlement au renforcement de la répression, les pouvoirs publics mettent heureusement en place des actions éducatives et pédagogiques.

Formation et éducation

Une diminution durable de l’insécurité routière passera forcément par une amélioration de la formation. On sait le lourd tribut que payent les jeunes automobilistes aux accidents de la route. Et, pourtant, aucun n’apprend en auto-école à effectuer un freinage d’urgence ! Il est donc nécessaire de faire évoluer cette formation, et les pouvoirs publics s’y emploient. Petit à petit se fait jour l’idée d’une véritable formation continue à la Sécurité routière puis à la conduite qui débuterait à l’école primaire et se poursuivrait tout au long de la vie.

Des maillons existent déjà (brevet de Sécurité routière, AAC), mais le plus difficile sera de parvenir à imposer aux conducteurs de suivre en quelque sorte des cours de remise à niveau au cours de leur vie d’automobiliste. Parallèlement à ce projet à long terme, il faut noter une refonte de l’examen du « code », une modification des conditions d’accès à la profession de moniteur d’auto-école se doublant d’un renforcement des effectifs (77 postes d’inspecteur et délégué du permis de conduire seront créés cette année).

Des actions de communication

Sécurité routière : faut-il croire

Ces dernières années, les actions de communication de la Sécurité routière ont été très percutantes. Les pubs télé notamment, présentant des scènes d’accidents, ont marqué les esprits. Il est difficile de savoir si ce type de communication incite les automobilistes à la prudence. Les experts sont partagés. Quoi qu’il en soit, la multiplication des spots télé sur la Sécurité routière ne peut que mettre sous les projecteurs ce réel problème de société, ce qui est une bonne chose. En 2001, les crédits sont en augmentation de 25 % à 78 millions de francs.

Amélioration des infrastructures

Sécurité routière : faut-il croire

La Cour des comptes vient de le rappeler : un trop grand nombre de routes en France et notamment les départementales sont mal entretenues. Il s’agit forcément d’un facteur accidentogène. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il aura fallu quasiment attendre qu’il soit porté à la connaissance de l’opinion pour voir les pouvoirs publics réagir. Ce sont deux milliards de francs, soit le double des investissements précédents, qui seront utilisés jusqu’en 2006 pour l’aménagement des routes.

Sécurité routière : faut-il croire

Amélioration de la formation, des infrastructures, de la communication, voilà des éléments qui peuvent laisser penser que le gouvernement est sur la bonne voie en matière de Sécurité routière. Il reste, bien évidemment, que ce sont les automobilistes qui ont leur sécurité en main. Et s’ils parviennent à oublier la peur du gendarme, s’ils ralentissent non pas en raison de la présence d’un radar mais parce que cela leur semble nécessaire, la courbe continuera de s’infléchir dans le bon sens.

Une rechute est-elle possible ?

Jean-Claude Gayssot lui-même annonçait récemment qu’il ne fallait pas crier victoire. L’amélioration de l’année 2000 n’inaugure pas forcément une baisse continue. Il suffit de peu, un hiver 2001 très rigoureux, par exemple (des routes glissantes), pour inverser cette tendance. Mais d’autres raisons peuvent aussi nous laisser craindre le pire, notamment l’essoufflement d’un système répressif qui pourrait finir par ne plus être du tout dissuasif.

Les limites du tout-répressif

Sécurité routière : faut-il croire

Pas de limitations de vitesse, peu d’autoroutes, pas de ceinture de sécurité obligatoire… jamais les automobilistes n’ont été aussi libres qu’au début des années soixante-dix et jamais ils ne se sont autant tués sur les routes que ces années-là, avec des bilans qui dépassaient les 15 000 morts par an.

Il faut reconnaître aux pouvoirs publics, même si ce délai semble trop long, le mérite d’avoir su diminuer le nombre de décès par deux en un peu plus de deux décennies. Cela tient-il du miracle ? Certainement pas. Contrôles d’alcoolémie, limitations de vitesse, port de la ceinture, port du casque pour les motards, apprentissage anticipé de la conduite, permis à points, tout cela a été initié par les pouvoirs publics. L’aménagement du réseau routier et l’évolution technique des voitures ont également contribué à l’amélioration de la sécurité sur les routes.

Mais les politiques de Sécurité routière ont surtout consisté à mettre en place un système répressif qui s’apparente à une chasse aux "chauffards".

Plus de 500 radars-jumelles achetés en 2001

Sécurité routière : faut-il croire

Le ministre des Transports le rappelle à qui veut l’entendre : il croit à l’efficacité de la peur du gendarme. Il croit à la multiplication des contrôles de vitesse. Il croit à la répression. D’ailleurs, plus de 500 radars-jumelles seront achetés en 2001. Autres exemples : les fameuses loi "Gayssot" qui, depuis juin 1999, introduisent notamment la notion de délit en cas de récidive, dans un délai de douze mois, d’un dépassement égal ou supérieur à 50 km/h de la vitesse maximale autorisée. Tout contrevenant risque trois mois de prison.

Un grand battage médiatique a été fait à propos de la sévérité de ces mesures. Sans doute une grande partie des automobilistes, craignant de perdre leur permis, ont pris peur. Leur comportement au volant a pu ainsi évoluer vers un peu plus de sagesse. C’est probablement l’une des raisons qui explique la diminution de l’insécurité routière en 2000.

Sécurité routière : faut-il croire

Mais ces effets positifs sont-ils durables ? Comment vont réagir les automobilistes par exemple lorsqu’ils seront de plus en plus nombreux à savoir que seulement 1 134514880’entre eux sont concernés par cette mesure? Certains arriveront peut-être à la conclusion que les "chauffards", ce sont justement les "autres" et qu’eux-mêmes ne sont pas dangereux. Ne risquent-ils pas de ressentir toutes les contraintes aujourd’hui liées à l’utilisation d’une auto comme une atteinte à une forme de liberté sur la route qu’ils voudraient retrouver ?

Responsabiliser les automobilistes

On sait aujourd’hui que la peine de mort n’est pas dissuasive. La comparaison peut sembler osée mais elle peut aussi inciter à la réflexion : pourquoi les automobilistes modifieraient-ils durablement leur comportement par peur d’un système de contrôle sanction ?

La politique de Jean-Claude Gayssot est donc risquée. Elle est basée sur la culpabilité du conducteur et non sur sa responsabilisation. Quand tentera-t-on enfin de responsabiliser l’automobiliste en lui expliquant, par exemple, qu’une vitesse mal adaptée est plus dangereuse qu’une vitesse excessive et qu’il ne suffit pas de respecter les limitations pour être prudent. Après quelques années d’amélioration, 1998 avait enregistré de nouveau une hausse du nombre de tués. En 2000, si l’année est globalement positive, les résultats des quatre premiers mois étaient plutôt inquiétants. Bref, rien n’est jamais acquis en matière de Sécurité routière, et nous ne pouvons avoir aucune certitude sur l’accidentologie en 2001, juste des espoirs et des inquiétudes.