Champion de France de motocross en 1957, Rémy Julienne est appelé pour doubler Jean Marais dans le célèbre film Fantomas. Par la suite, ses célèbres cascades au cinéma le rendront célèbre dans le monde entier. Mais comment pouvait-il en être autrement pour cet homme qui monta sur une moto à l’âge de deux ans et qui manie un char comme un vélo ?

Caradisiac : À quand remonte ta passion pour tout ce qui est sport mécanique ?

Rémy Julienne : Lorsque j'avais 2 ans, mon cousin m'emmenait sur le réservoir d'une moto chez ma nourrice. J'étais absolument terrorisé par le vent, par l'inclinaison dans les virages, par le bruit, mais dès que nous arrivions à destination, je ne voulais plus descendre, et mon cousin était alors obligé de continuer le tour.

Caradisiac : Et ensuite ?

Rémy Julienne : J'ai fait énormément de motocross et à la mort de Gilles Delamarre, en 1966, on m'a demandé de prendre sa suite et d'exécuter ses contrats, ce qui m'a lancé dans le monde des cascades de cinéma.

Caradisiac : Comment récupères-tu toutes les voitures dont tu as besoin pour tes cascades ? Tu as des accords avec des casses ?

Rémy Julienne : Non, car il nous faut des véhicules en parfait état de marche. Certains viennent effectivement de casses, mais la plupart, ce sont les constructeurs qui nous les confient.

Caradisiac : Raconte-moi l'histoire des chars que tu mettais sur deux roues avec des chenillettes pour te faire respecter de tes élèves, en Allemagne, pendant la guerre…

Rémy Julienne : Mon père était transporteur et il avait tout un tas d'engins en tous genres à conduire. J'étais donc habitué à ce genre de véhicules un peu spéciaux. Pendant la guerre, j'étais en Allemagne, dans un régiment de chars, et comme je me débrouillais pas mal, on m'avait promu moniteur. Comme je n'avais aucun moyen de me faire respecter, j'avais trouvé une parade imparable : je faisais monter les fortes têtes dans la tourelle du char (qui était quand même à pas moins de trois mètres du sol…) et je mettais plein gaz. Je me rappelle très bien qu'il y avait une descente, avec au bout un virage à angle droit. J'y arrivais à fond en cinquième, et je donnais un grand coup dans le levier. Le char se dressait alors sur une seule chenille, ce qui impressionnait fortement. C'était le seul moyen pour moi de compenser mon manque d'autorité. En plus, comme j'étais le seul à parler quelques mots d'anglais, et que les chars étaient américains, j'arrivais à traduire les notices d'utilisation, afin de modifier et d'optimiser le régime moteur…

Caradisiac : Quelle est ta figure de style préférée ?

Remy Julienne : "Un coup de levier et le char se dressait sur une seule chenille"

Rémy Julienne : Je crois que ce sont les sauts. Dans les années 1970, j'avais été invité à San Francisco pour une émission spéciale sur les cascadeurs. Je voulais alors leur présenter mon numéro, auquel je travaillais depuis des années : faire un looping avec une Fiat 131. À la deuxième tentative, j'ai réussi “le” looping parfait, j'ai même réussi à retomber sur les pneus ! J'avais construit une sorte d'airbag avec des feuilles de polyanne et, avec une certaine vitesse, une certaine courbure de tremplin, lorsque j'arrivais à un certain point, il y avait un câble de retenue, fixé au nez de la voiture, qui la faisait se cabrer pour engager le loop.

Caradisiac : Avec quoi roules-tu actuellement ?

Rémy Julienne : Avec un break Audi A6.

Caradisiac : Quelle est ta voiture fétiche ?

Rémy Julienne : Je n'en ai pas vraiment. Mais j'ai roulé avec des voitures exceptionnelles, comme des Porsche, des Mercedes, des BMW. Mais bon, si j'avais vraiment à choisir, je crois que ce serait une Ferrari 356 ou une Bentley Turbo. Mais je trouve que c'est ridicule de rouler avec des voitures aussi prestigieuses à des vitesses aussi réduites sur nos routes. J'ai conduit, à un moment, une voiture qui était un bon compromis sport-performances-sécurité : la BMW 850.

Caradisiac : Qu'attends-tu en priorité d'une voiture ?

Rémy Julienne : La sécurité, la performance, le plaisir et de grandes capacités de dépassement. J'aime les gros moteurs, avec une boîte Tiptronic ou automatique, sans embrayage, quattro pour encore plus de sécurité, Diesel pour limiter la consommation. Finalement, une voiture confortable, performante mais en toute sécurité pour pouvoir faire de grands périples, car je fais en moyenne 100 000 km par an.

Caradisiac : As-tu un jour craqué pour une voiture ?

Rémy Julienne : J'ai failli, mais la conjoncture a fait que cela ne s'est pas produit. Polanski avait une Ferrari Dino, et il voulait absolument me l'échanger contre ma Mercedes 460. J'adorais cette Ferrari, mais finalement, l'échange ne s'est pas produit.

Caradisiac : Lorsque tu emmènes tes petits-enfants, tu leur fais découvrir les joies du demi-tour ou du frein à main et le passage sur deux roues ?

Rémy Julienne : Non, non, j'essaie d'être le conducteur idéal. En revanche, avec mes fils, ça a été un peu différent. Je les emmenais lorsque je faisais mes courses de moto et, ensuite, ils sont venus avec moi sur les tournages. Depuis, ils sont tous les deux cascadeurs.

Caradisiac : Et comment ont-ils débuté la cascade ?

Remy Julienne : "Un coup de levier et le char se dressait sur une seule chenille"

Rémy Julienne : Lorsqu'il avait 12 ans, mon fils aîné s'était entraîné en cachette à faire de l'équilibre sur une moto, sans casque, sur un chemin défoncé, alors que le petit, du haut de ses 5 ans, faisait déjà de la moto. Vu sa taille, il n'avait accès qu'à l'accélérateur : son frère le poussait tout en passant les vitesses et lui jouait avec les gaz. Lorsque sa vitesse était suffisante, son frère le lâchait et il se mettait alors à tourner en rond à fond.

Caradisiac : Et qu'est-ce que tu leur disais à ce moment-là ?

Rémy Julienne : Je me disais que c'était vraiment dans les gènes, et que je ne pourrais rien y faire. Il ne servait à rien de leur interdire quoi que ce soit, en revanche, je me suis efforcé de leur apprendre la sécurité, à mettre un casque.

Caradisiac : Ta femme me disait que lorsque tu mettais ton casque et que tu rentrais dans une voiture, tu n'étais plus le même. Es-tu d'accord ?

Rémy Julienne : Oui, ça doit être vrai, l'instinct du guerrier revient au galop. Mais, c'est fait pour ça, non ?

Caradisiac : Tu adores toujours autant la compétition ?

Remy Julienne : "Un coup de levier et le char se dressait sur une seule chenille"

Rémy Julienne : Tu sais, j'ai tout le temps fait de la compétition, que ce soit en moto, en athlétisme, en voiture, et c'est vrai que c'est une grande passion.

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