Voté à l'unanimité par les sénateurs le 6 juin dernier, un amendement au projet de loi sur la modernisation de la vie publique, examiné ce mardi à l'Assemblée nationale, devrait également être adopté par les députés, et sonner le glas à la sanction pénale appliquée en cas de stationnement non payé. Pour l'heure, le non-respect de cette réglementation relève en effet du droit pénal, et le montant de l'amende, actuellement à 17 €, ne peut qu'être le même sur l'ensemble du territoire, quelle que soit l'importance de la ville, en vertu du caractère unitaire de la sanction pénale. Dépénaliser ces manquements revient à laisser les villes décider elles-mêmes du montant adéquat pour lutter contre cette « fraude ».

A combien pourront alors s'élever les pseudo-PV dressés demain ? En théorie, selon le texte sur lequel les parlementaires vont se pencher, le fameux « forfait journalier », qui se substituerait à la contravention, ne pourrait excéder « le montant maximal de la redevance de stationnement due pour une journée ». Soit par exemple 36 € pour Paris, en zone 1 où le tarif de l'horodateur est à 3,60 € de l'heure. A l'inverse, toujours en théorie, rien n'empêcherait les élus, notamment ceux des villes plus modestes, de baisser l'amende en-dessous de son niveau actuel. Maintenant, les administrés étant déjà habitués à devoir 17 € en cas de manquement, on imagine mal les élus revenir dessus. Et il est fort à parier que les amendes auront surtout tendance à grimper plutôt qu'à décliner !


Des chiffres sans cesse avancés contestables


Pour les chantres de la dépénalisation, il ne fait aucun doute en tout cas que le système actuel est inefficace. Selon l'argumentaire largement repris du rapport 2011 du sénateur UMP Louis Nègre, le risque de prendre un PV est trop faible et « l’effet d’aubaine est réel pour de nombreux automobilistes », qui préfèrent alors prendre ce risque plutôt que de payer leur stationnement... S'ensuit généralement l'annonce de chiffres pour attester cette réalité. Le risque de verbalisation serait ainsi évalué à 1 sur 10 à Paris, alors qu'un automobiliste sur 2 dans la Capitale – 6 sur 10 sur tout le territoire national - ne paierait pas leur stationnement.

Mais d'où viennent ces estimations ? Pour l'essentiel, elles proviennent de la Fédération Nationale des Métiers du Stationnement (FNMS), qui reconnait elle-même sur son site Internet que le « recueil de données statistiques globales relatives au stationnement est encore embryonnaire". Que les chiffres disponibles "sont peu nombreux et anciens ». Et force est de reconnaître que toutes ces données répétées sur le sujet paraissent aujourd'hui datées »! Notamment, parce qu'il ne semble exister aucune étude fiable depuis la généralisation du nouveau PV électronique (PVE), instauré en 2009.

Rappelons qu'avec ce nouveau système, les contraventions sont directement envoyées au domicile des propriétaires des véhicules pris en infraction, comme cela existe déjà depuis 2003 avec les radars automatiques. Or, cette verbalisation électronique présenterait de nombreux avantages sur le plan de l'efficience justement de la répression appliquée en matière de stationnement, avec « une augmentation très nette du taux de recouvrement spontané des amendes », selon l'administration.


Des contours juridiques à définir


D'ailleurs, quand la Cour des Comptes avait épinglé le système de gestion des amendes en 2010, elle avait bien noté que le PVE « permettrait de remédier aux défauts actuels »... Pas la dépénalistation. En outre, cette dernière soulève bien des questions d'ordre juridique. Selon Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route, en cas de contestation, il ne s'agirait plus « de se plaindre devant une juridiction pénale mais devant le tribunal administratif. » Or, selon elle, « les procédures administratives sont non seulement plus longues, mais aussi plus coûteuses ». Avec ce nouveau système, le sacro-saint principe d'égalité si cher au Conseil Constitutionnel pourrait ne plus être respecté…

Malgré tout, il semble quasiment acquis que la fin des PV de stationnement soit pour bientôt. A l'origine, l'idée a beau être de droite, la majorité actuelle de gauche semble bien y être favorable. C'est d'ailleurs le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui le premier a relancé l'idée d'augmenter à « 35 € » les « amendes forfaitaires de stationnement ». C'était il n'y a même pas six mois...