Les premiers kilomètres de notre essai à Valence se font sur autoroute, ce qui permet de commencer à s'acclimater à la voiture. La direction se montre directe et réactive, avec une résistance bien calibrée. Les suspensions, 33 % et 38 % plus fermes à l'avant et à l'arrière que la Focus ST sur le papier, laissaient présager une raideur à faire sauter les prémolaires, mais elle se montre pourtant plus confortable que la petite sœur de 250 ch, même si on reste quand même du côté ferme du spectre. Une Golf R se montre certainement plus polyvalente. À vitesse stabilisée, le moteur s'exprime par un ronron grave dans le lointain. Sur une note plus personnelle, je retrouve des sièges sport Recaro hérités de la ST qui ne me permettent de glisser qu'une seule poignée d'amour à la fois tant le dossier est enveloppant, mais ça ne devrait pas être un problème si vous êtes un peu plus éloignés du quintal que je ne le suis. Quelques échangeurs pour troquer une voie rapide contre un autre permettent d'apprécier les relances du moteur au caractère très linéaire et qui peut offrir jusqu'à 470 Nm de couple pendant un overboost de 15 secondes se réinitialisant à chaque lever de pied, comme au moment d'un changement de rapport, par exemple. Ce qui veut dire quasiment tout le temps, des accélérations plus longues se faisant tout de même assez rares sur routes ouvertes ou pas. Le bruit a alors une note particulière, qu'on sent très travaillée pour les nostalgiques du 5 cylindres. Ce n'est pas le bruit d'aspirateur d'une Mégane RS, ça ne siffle pas non plus comme une Civic Type R mais ça grogne plutôt comme un hooligan dans un pub en fin de soirée.


Essai vidéo - Ford Focus RS : mamie Cosworth peut être fière

Puis le GPS nous indique de prendre la prochaine sortie et vu le profil de la route qu'il annonce ensuite, ça sent l'accélération latérale. Le bon moment pour passer en mode Sport via un bouton à côté du changement de vitesse. La direction se raffermit, l'accélérateur est plus sensible, la transmission change de profil et un clapet s'ouvre dans l'échappement. On l'entend bien. Visiblement, on vient de servir une bière tiède au hooligan et les pétarades au lever de pied façon WRC résonnent comme les salades de phalanges qu'il distribue aux alentours de son tabouret. Les premiers lacets s'enchaînent et les mots de Tyrone Johnson reviennent instantanément en tête : pas la moindre amorce de sous-virage et on sent définitivement ce train arrière enrouler gentiment, le cahier des charges est satisfait. Le conducteur aussi. Profondément. L'amorti est particulièrement bien calibré pour limiter le roulis sans pour autant retransmettre intégralement les imperfections de la route dans l'habitacle. La direction est d'une précision remarquable et remonte des torrents d'information, mais les nombreux demi-tours imposés par le tournage de la vidéo soulignent un imposant diamètre de braquage de 12,2 mètres de trottoir à trottoir. La Focus RS semble légère, changeant d'appui sans sembler ressentir la moindre inertie, faisant vite oublier la masse annoncée. Mais elle est surtout facile et pardonne énormément. Et elle rappelle en ça la Nissan GT-R : le conducteur se sent extrêmement talentueux face à sa vitesse de progression, mais on en vient rapidement à se demander à quel point c'est la monture qui le présente sous son meilleur jour. Mais l'efficacité et le plaisir sont là et bien là : voilà une voiture qui donne le sourire jusqu'aux oreilles.


Il reste encore deux cartes à jouer dans la main déjà bien fournie de la Focus RS, deux derniers modes qu'on ne peut raisonnablement pas utiliser sur route ouverte. Ce qui tombe bien, notre essai comprend une excursion sur le circuit Ricardo Tomo de Valence. Le premier s'appelle Track, ce qui ne laisse aucun doute sur sa fonction. Les suspensions se raffermissent alors de 40 % et l'ESC devient plus permissif. Vous pouvez enlever ce dernier totalement via un autre bouton si vous pensez maîtriser la bête, il se désactivera alors complètement, même si vous vous dirigez rapidement en marche arrière dans un nuage de graviers vers un mur de pneus. Puisqu'on parle de gomme, c'est au volant d'un autre modèle que celui que nous avions sur la route que nous prenons la piste, équipé des jantes forgées et de pneus Cup2, mais aussi des baquets Recaro, dans lesquels mon dos peut curieusement davantage se frayer un chemin aux dépens cependant de ma tête très proche du ciel de toit à cause d'une assise plus haute. Dès la sortie des stands à l'attaque de la première courbe, les semi-slicks rappellent par une petite glissade qu'ils ont besoin de monter en température avant d'exprimer tout leur potentiel. Toujours comme une GT-R, la Focus RS semble alors comme sur des rails, efficace et rassurante : on vise la corde avec le volant, on tire avec l'accélérateur et on enchaîne la même combinaison à chaque virage, avec une boîte de vitesses à la course courte et aux verrouillages fermes. On pourrait vouloir peut-être un moteur un peu plus vivant mais ça serait mégoter. Que vaut-elle au final face au chronomètre face aux références de la catégorie des compactes sportives, qu'elles soient traction ou à quatre roues motrices ? La tâche de le déterminer reviendra à Soheil Ayari à qui nous ne manquerons pas d'en prêter un exemplaire dans un futur proche. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir cette Focus RS plus comme une dévoreuse de départementales qui sait aussi bouffer de la piste que l'inverse.


Gardons le meilleur pour la fin, ou en tout cas le plus insolite : il reste un dernier mode à explorer, Drift, du jamais vu dans l'industrie automobile. La transmission s'assure alors d'envoyer la majeure partie du couple sur le train arrière et la direction ainsi que les suspensions s'assouplissent pour favoriser l'exercice. Pour nous le faire essayer, Ford avait tout simplement dessiné un rond-point avec des cônes sur le parking du circuit. On rentre dans le cercle, on prend sa respiration et on plante l'accélérateur dans la moquette. Le train arrière déborde à l'extérieur et il ne reste plus qu'à l'entretenir en jouant avec les gaz tout en débraquant pour rester dans la ronde. La puissance n'étant jamais envoyée dans sa totalité à l'arrière, le résultat tient plus de la dérive façon Groupe B avec les roues avant droites que sur les butées de direction, mais ça, aucune RS3 ou A45 AMG ne peut le faire, et c'est absolument grisant, surtout quand on n'a pas à payer les pneus qui partent en fumée.