Comme toute bonne Lamborghini, la Huracán s'ébroue tout en « mesure », dans un bruit de pompe électrique suivi d'une déflagration et d'une montée en régime aussi puissante qu'inutile avant de se caler sur un ralenti juste assez sonore pour que dans la tête des gens qui assistent à cela, apparaisse l'image d'un monstre au repos. Ceux qui ne connaissent pas la théâtralité de ces mises en route vous prendront pour un « kéké » alors que vous n'avez rien fait d'autre que presser le frein et le bouton start en même temps. Comme sur une Laguna.


Dans la Huracán, après être tombé dans le siège de façon un peu gauche (la première fois, c'est obligé pour celui qui ne roule pas en Lotus Elise ou en supercar le reste du temps), on se sent à l'aise assez rapidement, plus que dans une Gallardo en tout cas. La visibilité est correcte, le radar de recul aide à manœuvrer, le capot moteur vitré laisse entrer de la lumière par l'arrière, la garde au toit et la largeur aux coudes paraissent plus généreuses. Si vous savez faire démarrer une Golf diesel à boîte DSG, vous saurez sortir du parking en Lamborghini Huracán. Vous pressez la palette de droite derrière le volant, le premier rapport s'enclenche et si vous le souhaitez vous pouvez rester en mode automatique et constater que quelques à-coups subsistent selon le mode choisi (Strada, Sport ou Corsa). Sur la console centrale, en pressant sur le bouton M, vous choisissez d'être maître de votre boîte LDF tandis que la poignée flanquée d'un R sert à passer la marche arrière. Pour satisfaire le nombre incalculable de gens qui vous demandent de faire hurler le V10 (mais aussi assouvir vos penchants refoulés de vrai « kéké »), une pression simultanée sur les 2 palettes engage le point mort (même en roulant), ce qui permet de planter l'aiguille du compte-tours à 6 ou 7000 tr/mn avant de repasser un rapport et de repartir en ayant gravé un joli souvenir dans les oreilles et la tête des demandeurs. Évitez tout de même faire ça sous les fenêtres des immeubles et à proximité des habitations, tout le monde n'est pas sensible à ce genre de plaisanterie et un pot de fleur est vite tombé du balcon.

Plus facile, moins fatigante

Essai vidéo - Lamborghini Huracán LP610-4 : même processeur, nouvelle interface

Une fois ces gamineries expédiées, il est temps de passer aux choses sérieuses et donc de rouler. La boîte double embrayage transforme tout de suite le caractère d'une auto dont la sonorité moteur rappelle celle de la Gallardo. L'agrément procuré est particulièrement appréciable et contribue beaucoup à l'impression de confort qui se dégage de cette Huracán. On mesure à ce moment que les à-coups de la boîte robotisée de la Gallardo (mais aussi de l'Aventador) tiennent pour une bonne part dans la fatigue que l'on ressent après plusieurs kilomètres au volant. Ici, les passages de rapport s'enchaînent sans aucun temps mort, une légère secousse marque tout juste la montée, un coup d'accélérateur la descente, cela devient vite jouissif et tellement facile que le rythme augmente très vite. Le freinage puissant rassure et permet de maintenir la cadence jusqu'à ce que la direction active vienne perturber le sentiment d'osmose naissant en modifiant la démultiplication. L'auto plonge alors beaucoup trop à la corde (par rapport à précédemment) et vous voilà obligé de corriger en urgence sous peine de laisser les belles jantes de 20'' sur une bordure. Ce système (optionnel) mériterait plus de kilomètres de test pour être réellement jugé mais sur ce premier roulage, j'aurai tendance à conseiller de s'en passer !

Essai vidéo - Lamborghini Huracán LP610-4 : même processeur, nouvelle interface
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Le fait de hausser le rythme et de disposer d'une boîte double embrayage qui ne génère pas d'à-coups vous amène aussi à regretter que les palettes très longues dans leur partie supérieure ne le soient pas autant dans leur partie basse. Lorsque, dans une longue courbe, le volant est braqué et que vous accélérez progressivement, il est parfois intéressant de monter un rapport (c'est pareil sur un freinage qui se termine dans l'entrée d'une courbe à grand rayon) avant d'avoir les roues droite et/ou d'atteindre le régime maxi histoire d'éviter un survirage en plein appui (avec un couple disponible à 6 500 tr/mn, c'est jouable). Dans ce cas précis et rare il est vrai, on regrette que le bas de ces palettes au toucher métallique agréable ne fasse pas 3 à 4 centimètres de plus car la position de la main sur le volant est au dessous de la palette que vous cherchez du bout du doigt, en vain. C'est encore plus perceptible en piste où nous avons effectué quelques boucles afin de mieux cerner le caractère châssis de cette Huracán. Car vous imaginez bien que sur routes ouvertes, c'est impossible à faire !


À la limite ?

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Sur circuit (lent, nous étions sur le Driving Center du Paul Ricard), on découvre une auto étonnamment mobile. Cette Huracán pivote sur son point milieu avec facilité, elle semble un peu moins « bloquée » que ne pouvait l'être la Gallardo, un bienfait probable des nouveaux réglages de la suspension MagneRide optionnelle. Sur un freinage suivi d'une inscription, la poupe pivote progressivement mais de façon très perceptible, le tout étant graduellement plus prononcé en fonction du mode choisi. En Corsa, l'ESP devient plus permissif mais pour vraiment s'amuser, il faut déconnecter le système sur la console centrale, ce que nous n'avons pas été autorisés à faire. L'effet 4 roues motrices est toujours perceptible à la réaccélération (le nez qui s'écarte de la corde), il l'est encore plus dans les modes Strada (50/50) et Sport (30/70) qu'en Corsa ou la répartition avant arrière de la puissance est fixée à 20/80 et peut atteindre 0/100 lorsque le grip est suffisant.

Globalement, une Huracán paraît moins efficace sur route qu'une McLaren 12C au train avant télépathique mais elle est bien plus expressive. C'était déjà le cas avec la Gallardo mais l'écart en performances s'est nettement resserré comme le démontrera à n'importe quel passager une tentative de launch-control qui, associé à la nouvelle boîte LDF, va soulever l'estomac des plus résistants et brouiller votre vision. Le 0 à 100 km/h en 3,2s ( -7 dixièmes) et surtout le 0 à 200 k/h en 9,9s (- 2s) sont franchement impressionnants, sûrement beaucoup plus que les 325 km/h en pointe que peu de monde atteindront. De ce point de vue, le V10 continue d'être une vraie référence à la sonorité envoûtante encore magnifiée sur cette nouvelle auto qui pétarade, grogne, et hurle comme un engin de compétition lorsque vous placez le sélecteur sur Corsa. Son allonge est enivrante et souder à partir de 3000 tr/mn pour laisser grimper la pistonnerie au rideau des 8500 tr/mn vous coupe littéralement le souffle. Ce type de moteur se fait rare et l'exaltation que procure ces montées en régime peut rendre dépendant, le retour à la vie normale n'en est que plus douloureux.

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Plus facile mais toujours terriblement impressionnante et rapide, la Huracán se conforme à la norme actuelle des supersportives qui se doivent d'être faciles d'accès, facilement rapide tout en permettant aux plus pointus de ne pas être déçus lorsqu'ils vont pousser la machine. Grâce à l'électronique et aux paramétrages divers, les performances de la Huracán lui permettent de rester une alternative aux 650S et 458 tout en conservant cette personnalité caractéristique des Lamborghini. On est désormais curieux de savoir comment la future Audi R8 va se démarquer d'un engin qui, en impressionnant un peu moins (au premier abord) pour ratisser plus large se rapproche de la définition d'une R8 actuelle. Mais on est surtout très impatient de découvrir les futures déclinaisons un peu plus radicales (ou à 2 roues motrices si elle est prévue) d'une auto en tous points meilleure que son aînée.