Contrairement à ce que son nom indique, la Beta une Lancia intelligente !
Conçue dans l’urgence, la Beta a pourtant posé d’importants jalons technologiques sauvant Lancia à court et moyen terme. Une auto importante et méconnue, surtout en berline, variante moins courue que les coupés et donc moins préservée. Dès 6 000 €.

Les collectionnables sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Lancia a quelque chose du Citroën italien. A moins que ce ne soit l'inverse. La marque de Chivasso a produit des modèles révolutionnaires, comme la Lambda, est s'est signalée en après-guerre par des choix techniques originaux mais souvent compliqués et non rentables. Aussi, comme Citroën, elle s'est révélée incapable de gagner de l'argent. Après le rachat par Fiat en 1969, c'est l'ère du renouveau pour Lancia, dont la première incarnation est la Beta, en 1972. Cette berline très moderne aura une portée insoupçonnée puisque, en plus d'assurer la survie de son constructeur, elle pose les bases qui serviront encore dans les années 2010. En effet, sa suspension arrière inspirera nettement celle des Delta, Thema, Kappa, Fiat Croma, Alfa Romeo 164, 166, 156, 147 et GT ! En fin, assez peu produite et décimée par la rouille, la cruciale Beta est devenue rarissime : à préserver d'urgence.

Ce n’était pas la volonté de Fiat. Mais sur insistance du Gouvernement italien, le géant turinois rachète Lancia en 1969, ce qui n’a rien d’une affaire. En effet, la marque de Chivasso, mal gérée depuis des années, est pratiquement morte : caisses vides, gamme vieillissante et aucun modèle en préparation. Il s’agit donc en urgence de mettre au point une nouvelle auto, digne de l’image Lancia.

Cela aura lieu grâce à une collaboration technique avec Citroën, via la Pardevi, qui aura au moins une conséquence : permettre au double chevron de se doter d’une mécanique transversale, grâce à la conception commune d’une boîte de vitesses. Celle-ci servira de base à celle de la CX mais aussi de la future Lancia, la Beta.
Leurs transmissions partagent la même idée de base mais ne sont pas interchangeables, contrairement à ce qu’on a souvent dit. Lancia, qui a toujours eu une appétence pour les solutions compliquées et coûteuses, devait aussi avoir accès à l’hydropneumatique mais ça n’aura pas lieu.

A la place, à Chivasso, on développe des trains roulants très raffinés, composés de jambes de force y compris à l’arrière. Là, le guidage est assuré par deux bras transversaux par roue, une solution de pointe… pour laquelle Lancia ne déposera pas de brevet. Résultat, elle sera largement copiée par les Japonais, notamment. Sous le capot, c’est Fiat qui fournit le moteur, en l’occurrence son excellent double arbre Lampredi, qui se retrouve monté en travers pour la première fois. Fiat encore fournit son équipe de design, chapeautée par Gianpaolo Boano.

Cette collaboration très proche entre les deux marques italiennes permet de finaliser la Beta en un temps record, puisqu’elle est présentée dès le salon de Turin 1972 : moins de trois ans ! La ligne bicorps traduit une influence Citroën, la GS recourant à ce principe inspiré par le concept Pininfarina 1100, et la technologie est très respectable : 4 roues indépendantes, 4 freins à disques, double arbre, boîte 5... L’accueil est pourtant sans enthousiasme, les fans de Lancia ne supportant pas l’influence de Fiat, qui a par ailleurs imposé des économies sur la fabrication : fini les joints de carrosserie comblés à l’étain ! Pas plus mal si cela assure la rentabilité de la marque.

Néanmoins, la Beta est plus chic que la moyenne, et revendique des prix assez élevés : des 21 300 F, soit 22 200 € actuels selon l'Insee, en 1,4 l (90 ch) à 25 800 F en 1,8 l (110 ch), en passant par 24 300 F pour la 1,6 l (100 ch). A titre indicatif, une Fiat 132 1600 Spécial, à laquelle la Beta emprunte son moteur, s’en tient à 17 760 F. Tenant excellemment bien la route, confortable et performante, la Lancia se vend correctement, et dès 1973 reçoit un 1,3 l de 82 ch tout indiqué en cette période où les prix des carburants montent en flèche.

Hélas, la Beta pâtit d’un berceau avant qui, mal foutu, pourrit très vite. Pire, après une nuit sous la pluie, la Beta est incapable d’évacuer l’eau qui a envahi ses longerons : celle-ci y stagne et les ronge de l’intérieur… Cela vaudra en 1978 à Lancia de devoir racheter les Beta vendues au Royaume-Uni. Dévastateur !

Pourtant, dès 1975, le constructeur retravaille sa berline en profondeur : carrosserie relookée par Pininfarina qui agrandit les vitres latérales, passe les projecteurs sous vitre et retouche poupe. Surtout, le berceau avant est entièrement revu, alors que dans l’habitacle, la qualité progresse. Le moteur 1600 se voit remanié, alors qu’un 2,0 l de 119 ch remplace le 1,8 l.
En 1979, la Beta subit une nouvelle mise à jour, plus importante : la face avant est totalement redessinée, ornée de projecteurs agrandis, cependant que dans l’habitacle c’est la stupeur. Le design Mario Bellini a dessiné une étrange planche de bord, surnommée gruyère tant elle comporte de trous. Certains contiennent des voyants, d’autres des commandes… bizarre.

Le 1,3 l disparaît, le 2,0 l carbu chute à 115 ch alors qu’une variante à injection apparaît, forte de 122 ch. En mai 1980, Lancia cherche à relancer sa familiale en la déclinant en Trevi, pout Tre Volumi, une évolution tricorps. L’arrière, simplement doté d’un coffre séparé et d’une lunette très verticale, n’est pas très heureux, mais l’effet nouveauté joue sur les ventes.
Les moteurs sont les mêmes que ceux de la Beta, qui s’en va en 1981. La Trevi lui survit et reçoit fin 1982 un 2,0 l dit Volumex. En clair, ce bloc se dote d’un compresseur Roots à lobes qui en porte la puissance à 135 ch et le couple à 206 Nm.

Le but n’est pas la performance pure (même si le compresseur aidera la Rally 037 à devenir championne du monde du WRC 1983) mais bien la souplesse à l’usage, comme si un moteur plus gros était installé.
En 1983, la Trevi est modifiée (clignos avant blancs, revêtements intérieurs, panneau de custode perdant ses stries) puis elle est retirée en 1984, remplacée à la fois par la Prisma et la Thema. En tout, la Trevi a été produite à 40 628 unités, contre 194 916 Beta. Cas inhabituel, les coupés et spiders Beta se sont ensemble mieux vendus que la berline, mais ils feront l’objet d’un sujet dédié.

Combien ça coûte ?
Ces voitures ne sont pas très chères même si elles s’avèrent très rares en bel état. Comptez 6 000 € pour une Beta de 3e série, peu importe la motorisation, 7 000 € pour un exemplaire de 2e série et 8 000 € pour une belle berline de 1ère série. La Trevi va se calquer sur la Beta de 3e série, sauf la Volumex, qui va réclamer près de 10 000 € en très bonne condition. C’est avant tout l’état de la carrosserie et de la structure qui va déterminer le prix, bien plus que la version.

Quelle version choisir ?
Une 2,0 l phase 2 semble très désirable, par son look seventies et son moteur performant, mais la phase 3 semble mieux protégée contre la rouille. On pourra avoir envie d’une Trevi Volumex, pour la puissance, mais elle ne marche pas vraiment plus fort qu’une 2,0 l, surtout à injection.

Les versions collector
Toutes, surtout si elles sont en très belle condition. Chose rarissime, même en Italie.

Que surveiller ?
Serez-vous étonné si je mentionne en premier lieu la corrosion ? La rouille ? Le pourrissement de la tôle ? Non ? Bon. En clair, si vous voulez une Beta, examinez-la sous toutes les coutures car aucune zone n’est épargnée. Les phases 1 rouillent particulièrement du côté du berceau avant et des tourelles de suspension, ce qui a été corrigé dès la phase 2. Examinez aussi les passages de roue arrière, ainsi que les attaches de suspension, sans oublier les bas de caisse.
Cette sensibilité, relativement corrigée au fil des génération, est bien regrettable, car mécaniquement, cette Lancia fait preuve d’une belle robustesse, à condition d’être bien entretenue, ce qui n’est pas si compliqué. Vidange moteur tous les 7 500 km, courroie de distribution tous les 40 000 km (avec purge du circuit de refroidissement), éventuellement un changement des pastilles de soupapes de temps en temps… Le Volumex demande une maintenance spécifique car il dispose de son propre circuit d’huile (à purger tous les 20 000 km) et de sa propre courroie d’entrainement.
Toute la transmission est solide si son étanchéité n’a pas de défaut, alors que la suspension s’use de façon très classique, sans faiblesse notoire. Il en va différemment du faisceau électrique (la boîte à fusibles est un gros point faible) et de la sellerie, fragiles surtout sur les deux premières générations. Problème : les pièces spécifiques sont rares et les refabrications inexistantes.

Sur la route
J’ai pu conduire une Trevi Volumex de 1984, dans son jus, mais fonctionnant fort bien. Bonne position de conduite, même si on a les bras un peu allongés, à l’italienne, et siège confortable signalent cette Lancia. Elle se réveille sans se faire prier, et d’emblée, on est étonné par la souplesse du moteur. Le compresseur sert ici à ça : rendre la voiture vigoureuse à tous les régimes, au bénéfice de l’agrément au quotidien.

A l’époque, les turbos ne soufflaient pas bien fort avant 3 000 tr/min, or, à la moitié de ce régime, la Trevi avance déjà efficacement. Ce, malgré un étagement de boîte bien plus long que sur la 2,0 l ie. Résultat, à 90 km/h chrono, le moteur tourne à moins de 2 500 tr/min, et autorise de très bonnes reprises. A haut régime, en revanche, le gain en performances face à une version atmo est faible.

La boîte, douce à manier contribue à l’agrément de conduite, tout comme la direction précise et judicieusement assistée. Bien guidés, les trains roulants garantissent une excellente tenue de route, alors que la suspension étonne par son confort ! La Lancia se révélant par ailleurs vraiment bien insonorisée, elle se pose en monture de voyage très aboutie. Et si on la conduit comme elle y incite, en souplesse, la Trevi avale moins de 10 l/100 km.
L’alternative youngtimer
Lancia Thema 2.0 (1984 – 1988)

Sous son allure infiniment plus moderne, la Thema cache bien des points communs avec les Beta/Trevi : suspension à 4 jambes McPherson, mécanique transversale et moteur 2,0 l Lampredi à atmo à injection (quasi-identique), ou suralimenté. Sauf que dans ce cas, il est boosté non par un compresseur mais un turbo qui en porte la puissance de 122 ch à 165 ch. Ce bloc se trouve également adouci dans son fonctionnement par des arbres contrarotatifs et doté d’une injection électronique, au fonctionnement plus stable qu’un carburateur.
Pas tellement plus lourde que la Trevi, qu’elle remplace en même temps que la grande Gamma, la Thema est aussi nettement plus aérodynamique, donc roule bien plus vite. Si ses chronos en 2,0 l atmo sont similaires, hormis la vitesse maxi, la Turbo ie enterre la Volumex. Quel punch ! Spacieuse, confortable et bien finie, la Thema profite aussi d’une protection anticorrosion autrement meilleure, même si elle reste imparfaite. En découlera un succès commercial inédit pour une grande Lancia. Le restylage de 1988 emmène la Thema bien plus en haut en gamme. A partir de 5 000 €.

Lancia Trevi Volumex (1983), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 995 cm3
- Alimentation : carburateur, compresseur
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, triangles, amortisseurs, barre antiroulis (AV), jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, biellettes transversales, amortisseurs, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 135 ch à 5 500 tr/min
- Couple : 206 Nm à 3 000 tr/min
- Poids : 1 195 kg
- Vitesse maxi : 190 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 9,6 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Lancia Beta, rendez-vous sur le site de La Centrale. Et si la Trevi de cet article vous intéresse, elle est à vendre, également sur La Centrale.
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