Non, la Peugeot 205 n’est pas vraiment l’œuvre de Gérard Welter…
On attribue souvent la paternité du design de la 205 à Gérard Welter. Or, dans les faits, il n’en est pas le véritable inspirateur, celui-ci étant plutôt Gérard Godfroy, l’auteur des lignes de la Venturi…

Immense succès de Peugeot, qu’elle a largement aidé à éviter une faillite probable, la 205 a pu compter sur sa ligne charismatique pour séduire. Depuis 1951, le constructeur sochalien collabore avec Pininfarina, qu’il met en concurrence avec ses propres stylistes (ou designers, selon l’époque). Ça a créé bien des dissensions et frustrations en son sein, dès la période de Paul Bouvot, auteur notamment des 204 et 304 cabriolet. Cette stratégie a continué sous l’ère de Gérard Welter, brillant mais ombrageux, qui a conçu bien du ressentiment à l’égard de sa direction.

Une concurrence qui met les nerfs à rude épreuve
Au moment de remplacer la 104, Peugeot met une fois de plus ses designers en concurrence avec Pininfarina, qui, au plus grand bonheur de Welter, produit des projets particulièrement moches. Chose peu connue, Welter n’est pas un bon dessinateur, plutôt un modeleur, et il a besoin de renforcer son équipe de créateurs, très, très réduite. Il embauche un certain Gérard Godfroy, très talentueux. Or, tout comme Welter, Godfroy a un fichu caractère, et entre les deux hommes, si le respect est là, les étincelles jaillissent souvent !

Pour le projet M24 qui deviendra la 205, Godfroy produit dès 1977 des sketchs vraiment réussis, modernes, homogènes et tout en fluidité. Bien meilleurs que les propositions de Pininfarina ! Il se met à en créer une maquette en clay au 2e semestre 1977, pour peaufiner son projet. De son propre aveu, il la travaille en plus de ses tâches habituelles, le soir après ses heures chez Peugeot.
Une idée remarquable et des engueulades !
Etrangement, Welter, après l’avoir vue, lui ordonne de laisser tomber. Mais Godfroy, sentant le potentiel de son projet, n’obéit pas et continue à la peaufiner, de temps à autres, jusqu’en mars 1978.

Là, il prend une journée pour se rendre au salon de Genève. A son retour au bureau, le vendredi matin, patatras, sa maquette a disparu. Furieux, il demande à Welter où elle est passée. Celui-ci, qui tentait une diversion, finit par exploser et lui lance : « je t’avais interdit de travailler dessus. Ta maquette, tu ne la reverras jamais ! ».
Paternité en partie usurpée
Selon Godfroy, effectivement, personne n’a su où elle était passée. Il soupçonne Welter de l’avoir emmenée chez lui pour la modeler à son goût. Toujours est-il que s’ensuit une dispute, plus explosive que les autres cette fois, puisque Godfroy claque très violemment la porte du bureau de design et pose sa démission dès la semaine suivante. Il retrouvera rapidement un poste chez Heuliez puis signera la sublime Venturi, conçue avec son ami Claude Poirot.

En 1983, quand il voit sortir la 205, évidemment, il reconnaît les grandes lignes de sa maquette, et ça le rend d’autant plus furieux que Welter s’en attribue la paternité dans la presse. Selon lui, Godfroy, son ancien chef n’aurait pas su produire mieux que son idée face à un Pininfarina qui l’obsédait (et s’inspirait aussi de la maquette de Godfroy), et aurait été contraint de la conserver. En tout cas, ce choix s’est avéré judicieux car la 205 a pu compter sur son look pour séduire, notamment face à la Renault Super5 trop conservatrice.
On ne peut toutefois dire que Gérard Godfroy a dessiné la 205, il en a surtout trouvé l’idée générale, ce qui est, certes, le plus important. La finalisation, sur laquelle il n'est pas intervenu - et pour cause ! - s’est révélée particulièrement réussie et ce n’est pas un mince exploit tant des projets séduisants sur le papier ont littéralement été trahis lors de leur industrialisation. Comme l’Austin Allegro, la Renault 14 ou même la Peugeot 407…
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