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Inégalités sociales et sécurité routière, y a-t-il un lien ?

Dans Economie / Politique / Social

Jean Savary

Pourquoi, ni les radars, ni la sophistication de nos voitures ne parviennent plus à infléchir la courbe des tués ? Et si l’explication se nichait dans l’évolution de la société ?

Inégalités sociales et sécurité routière, y a-t-il un lien ?

Encore une pétition contre les radars ce matin dans ma boîte mail. En résumé : « puisque les radars se montrent inefficaces, il faut cesser d’en installer toujours plus et investir plutôt dans l’amélioration des routes. Envoyez cette pétition à votre sénateur ».

Pour une fois, j’admets qu’on peut se poser la question. Si dans la décennie 2000-2010, le radar automatique a largement contribué à diviser par deux le nombre de tués sur la route, il peine désormais à infléchir la courbe.

Même si le grand « radar bashing » en 2018-2019 et les deux confinements de 2020 empêchent toute comparaison valable, on peut constater que ces dix dernières années, le bilan de la sécurité routière ne montre plus de gros progrès.

Et aussi que la limitation à 80 km/h n’a pas eu les résultats escomptés par le gouvernement malgré l’explosion des PV qu’elle a entraînée.

Pour rester dans le domaine de la solution technique, il faut également admettre que les récents et spectaculaires progrès de la sécurité active de nos voitures n’ont pas non plus beaucoup d’effet sur la mortalité. La généralisation de l’ESP, celles en cours du freinage automatique et de la correction de trajectoire sur les voitures récentes devraient pourtant se voir dans les statistiques car ce sont ces autos qui roulent le plus.

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Partout en Europe, malgré la sophistication des voitures et la multiplication des radars, la courbe des tués ne descend plus que lentement, voire remonte. Pourquoi ?

Je me demande si l’explication ne tient pas à l’évolution de nos sociétés.

Inégalités sociales et sécurité routière, y a-t-il un lien ?

Inégalité = insécurité ?

Deux épidémiologistes britanniques, Kate Pickett et Richard Wilkinson ont récemment démontré que le niveau d’égalité de revenus d’un pays est proportionnel au bien être sanitaire et social de ses habitants, toutes classes confondues. Et en ont fait un livre*.

Selon eux, indépendamment de la richesse des pays, plus les écarts de revenus sont importants, plus on relève de délinquance, d’alcoolisme et autres addictions, de troubles mentaux, d’incivilités, de déprédations, de conduites à risque, d’obésité… Et moins on y observe de solidarité, d’entraide, de civisme et de vie associative.

Et la voiture dans tout ça ? J’y viens.

Nos deux scientifiques relèvent que le niveau d’inégalité va de pair avec le sentiment de compétition sociale, la défiance vis-à-vis des autorités, la peur du déclassement, la piètre estime de soi, l’indifférence à autrui, la sensation d’isolement et d’insécurité, aussi bien chez les riches que chez les pauvres. Le tout générant stress, agressivité et difficultés de communication.

Bref, le fameux « ensauvagement » de la société que dénoncent depuis longtemps certains politiques.

Inégalités sociales et sécurité routière, y a-t-il un lien ?

Et que l’on retrouve sur la route : les délits de fuite ont doublé ces deux dernières années, le nombre de grands excès de vitesse a explosé lors du premier confinement et le nombre de conducteurs sans permis et/ou non assurés est en constante augmentation. Sans parler de l’usage de plus en plus débridé du smartphone au volant.

Si les deux chercheurs n’évoquent pas directement la sécurité routière, noyée parmi les indicateurs sanitaires, on peut avancer que tout cela se retrouve dans nos comportements au volant et au guidon.

À preuve, les pays les plus égalitaires, ceux que l’ouvrage décrit comme les moins affectés par les problèmes sanitaires et sociaux, se révèlent aussi ceux qui dénombrent le moins de tués sur la route par rapport à leur population, à l’exception notable du Royaume-Uni, très inégalitaire mais dont les routes sont très sûres.

Comme souvent, la France est en milieu de classement, mais il faut noter que notre pays est un de ceux où les inégalités ont le moins fortement augmenté ces vingt dernières années… avant l’épidémie de Covid.

Celle-ci les a considérablement creusées avec d’un côté la France du télétravail qui a augmenté son épargne et de l’autre celle dont les revenus ont diminué ou se sont effondrés.

Le SUV pour conduire au-dessus des autres ?

L’ouvrage souligne également un fort impact du niveau d’inégalité sur les modes de consommation. Plus un pays est inégalitaire, plus fort est le besoin de se distinguer, d’affirmer son statut social, parfois en versant dans un narcissisme exacerbé et un consumérisme frénétique. Cela se retrouve dans les dépenses en habillement, chirurgie esthétique, cosmétiques et plus globalement dans les investissements publicitaires, plus élevés dans les pays inégalitaires.

Et aussi dans l’habitat avec le séparatisme croissant des classes sociales qui débouche sur la gentrification de certaines zones et la paupérisation d’autres.

Se mettre à l’abri des autres, les dominer ; je ne peux m’empêcher de penser que là est l’origine du boom du SUV, qui représente désormais 40 % des ventes en France comme en Europe et dans une bonne partie du Monde. Et plus de 60 % aux États-Unis, pays où l’inégalité des revenus et des patrimoines a grimpé en flèche depuis 40 ans et atteint des sommets historiques.

Faut-il se demander si le SUV, intrinsèquement plus dangereux pour les piétons, cyclistes et occupants de voitures « normales », est responsable de la stagnation dans les années 2010 du nombre de tués sur la route évoquée plus haut ? Les deux phénomènes ne sont-ils pas concomitants ?

Inégalités sociales et sécurité routière, y a-t-il un lien ?

Je note en tout cas que c’est au milieu des années 80, période où les économistes situent la fin du grand mouvement égalitariste de l’après-guerre et le tournant du libéralisme - et de la rigueur - qu’ont éclos les marchés du 4X4 – remember le Jeep Cherokee - et du monospace, parents de nos Peugeot 3008 et Porsche Cayenne.

À l’époque, une publicité montrait un Range Rover émergeant d’un embouteillage de berlines avec une accroche évoquant la domination du troupeau.

Celui-ci s’étant beaucoup rehaussé, vous comprendrez pourquoi il est de plus en plus question de voitures et taxis volants…

* Pour vivre heureux, vivons égaux ! (Les liens qui libèrent, 2019)

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