L'Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), placé sous la tutelle des ministères chargés de la recherche et des transports. Il a fait une étude sur le rapprochement entre lieux d'habitat et de travail pour savoir si cela a réellement une influence sur le trafic auto en Île-de-France.

L'INRETS précise que depuis les années 1960, les politiques de transport en France ont privilégié la mise en place d'infrastructures routières rapides, traversant les banlieues, et celle des transports ferrés comme le RER, le métro, le tramway. L'accroissement de la vitesse de déplacement et la baisse relative des coûts de transport ont été placés plus ou moins explicitement au cœur des politiques locales de transport. Il est admis aujourd'hui que ces politiques ont favorisé l'étalement urbain des hommes et des activités. La dé-densification et la spécialisation croissante des tissus urbains par grandes fonctions (emplois, habitat, commerces...) ont eu pour résultat de profondes transformations dans l'usage des modes : l'usage de la marche et des deux-roues régresse fortement, celui des transports publics est globalement stable et l'usage de l'automobile progresse dans tous les tissus urbains, y compris dans les villes centres. L'usage de la voiture est aujourd'hui dominant et croissant, et ce malgré une opinion publique favorable au développement d'alternatives modales.

Les derniers dispositifs politiques, relayant les vœux de l'opinion politique, affichent cette volonté commune de réduire la dépendance à l'automobile des populations urbaines, en favorisant le développement des transports publics et un retour à plus de mixité dans l'agencement urbain.

L'INRETS explique que dans le cadre de la planification urbaine, le retour à plus de mixité dans l'agencement urbain pourrait consister à rapprocher les lieux d'habitat des lieux de travail actuels des actifs et être synonyme de réduction des distances à parcourir en automobile. Si l'idée n'est pas nouvelle, la mesure des réductions de distances d'une telle action n'a pourtant que rarement été explorée en France. Il faut dire que le sujet est sensible et qu'il fait depuis de nombreuses années l'objet de controverses scientifiques. Pour certains, l'analyse des choix résidentiels des ménages ne montre aucune recherche de proximité avec le lieu de travail. Dès lors, toute politique visant à rapprocher les lieux de travail et de résidence serait vaine. Pour d'autres, une offre de logements à prix raisonnables dans certaines zones d'emplois permettrait de réduire la "dépendance à l'automobile", tout en augmentant l'accessibilité à l'emploi de certaines catégories d'actifs.

Face à ces divergences, les travaux entrepris interrogent les potentiels de réduction des trafics automobiles qui résulteraient d'une mise en cohérence quantitative et qualitative des zones d'habitat et d'emploi dans la région Île-de-France. Plus précisément les questions auxquelles l'INRETS tente de répondre sont : compte tenu des lieux d‘emploi des ménages et de la structure d'occupation des logements, les ménages franciliens pourraient-ils trouver un logement conforme à leurs moyens financiers et à la configuration de leur famille permettant de réduire leur distance au lieu de leur emploi ? Quels enjeux, en termes de trafic automobile, ces rapprochements théoriques des lieux de vie et de travail portent-ils ?

Révéler des potentiels : la méthode par ré-affection résidentielle

La mise en cohérence des bassins de vie et d'habitat des ménages est réalisée dans le cadre d'un modèle de simulation mis au point par l'INRETS. Ce modèle procède par réaffectation du logement du ménage de tout actif occupé dans un rayon de 30 minutes (en voiture ou en transport public) autour de sa commune de travail. Pour arbitraire que puisse paraître le rayon considéré, il témoigne de la prise en compte que les ménages réalisent leur choix résidentiel non pas dans le cadre d'une minimisation des distances ou des temps d'accès au travail mais dans le cadre d'un arbitrage entre les différents potentiels des espaces résidentiels (coût du logement, accessibilité aux aménités urbaines diverses...) dans un espace-temps et budget monétaire donnés.

Cette ré-affectation est réalisée dans le cadre d'une caractérisation très fine des "choix" résidentiels actuels des ménages selon leurs principales caractéristiques socioprofessionnelles. Les logements sont décrits par le type de logement - habitat collectif ou individuel -, le statut de propriétaire ou de locataire, locatif privé ou social, nombre de pièces et taille du logement. Le type de ménages est décrit par la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage,le nombre d'actifs et le type de famille. Au total, la demande actuelle de logements, est définie par le croisement de 30 types de logements et des 108 types de ménages. Sur cette base, la re-localisation d'un ménage s'effectue en lui attribuant non pas le type de logement qu'il occupe aujourd'hui, mais le type de logement qu'un ménage de sa catégorie occupe dans le rayon de 30 minutes de sa commune de travail pour tenir compte de certains principes de réalité. Ainsi par exemple, reloger un cadre supérieur dans Paris ne se fait pas sur le segment de la maison individuelle avec jardin mais dans un appartement spacieux.

Les potentiels de réduction de la dépendance à la voiture sont réels

L'INRETS conclut que si tous les actifs résidaient à moins de 30 minutes de leurs lieux d'emploi en région Île-de-France, les distances au travail portées par l'usage actuel de l'automobile des actifs seraient réduites de 25 %. Cette réduction concernerait quelque 22 % des ménages dont au moins un actif utilise la voiture pour son trajet au travail. En termes absolus, ce pourcentage traduisant une réduction importante, de l'ordre de 12 millions de kilomètres quotidiens sous l'hypothèse que tout actif réalise un aller-retour par jour et à 10 millions de kilomètres par jour sous l'hypothèse que seuls 80% des actifs travaillent effectivement un jour donné. Ces quelque 10 millions de kilomètres représentent 8 % du trafic total automobile quotidien francilien tel qu'il peut être calculé à partir de l'Enquête Globale Transport. Cette réduction de la distance "automobile" au travail concerne 320 000 ménages, ce qui est énorme, ce chiffre correspondant à la taille d'une grande ville de province.