Comment en suis-je arrivé là ?

Sur 12 ans de permis, mes 13 excès de vitesse plus un téléphone et une ceinture, le tout à intervalles réguliers, ont amputé mon solde de points de 8 unités. N’ayant jamais réussi à rester « sobre » suffisamment longtemps pour les récupérer par voie naturelle, j’ai décidé d'agir à 4 points restants. Avec un tel solde, je ne me considère pas à l’abri d’un stop « jugé comme » glissé, ou toute autre joyeuserie… donc un stage s’imposait.

Avant toute chose, un petit rappel de la loi. Si jamais votre solde s’approche du minimum fatidique, courez faire un stage… Cela marche une fois par année glissante. Même si vous êtes « théoriquement » à 0 voire en dessous, mais que vous n’avez pas payé la dernière amende, ou retiré votre recommandé vous la stipulant, cela marche, donc ça vaut le coup… quitte à prendre une majoration.


Que fait-on pour sauver son permis ?

On paye ! Aujourd’hui, plusieurs organismes proposent des stages de récupération. Internet est incontournable, et si vous avez un emploi du temps flexible, vous pouvez très rapidement trouver un stage près de chez vous à un bon tarif. Pour ma part, j’ai déniché un stage à 175 euros à Corbeil-Essonnes. Réservation prise en 3 jours.


Déroulement du stage

Ce à quoi je m'attendais

On va me passer 10 heures de vidéos choc en m’insultant et en me persuadant que rouler à 131 km/h sur autoroute, même dans des conditions parfaites, est criminel. J’en sortirai avec une haine du képi grandissante et ma réaction sera de rouler encore plus vite (notez le léger forçage de trait).

Ce que j'ai trouvé

Le stage est présenté par un spécialiste de la conduite (formateur de moniteurs), et par un… psychologue ! Je reste sceptique.


Étape 1 : tour de table

Chacun des 21 participants explique sa situation, pourquoi il a perdu ses points et où il en est.

À la fin de cette étape, je me rends compte que 60 % des stagiaires partagent ma situation. 30 % sont dans une situation de récidive dure et risquent une réelle suspension. Enfin, je considère les 10 % restants comme irrécupérables.

Phrase choc du psy : « Le ménage est fait sur les routes, il n’y a plus beaucoup de très gros délits. Et sécurité routière ne veut pas dire dramaturgie, donc on va commencer par essayer de comprendre votre conduite. »

À la fin de cette étape, je me sens… moins coupable. Je suis étonné que l’on l'on n’ait encore fait aucun rappel de la loi, aucune culpabilisation. Je suis là quasiment comme un conducteur lambda.


Étape 2 : la prise de conscience

Cette étape est assez intéressante. Chacun s’explique sur sa conduite. Je note qu’il y a une base commune à tout le monde : prise volontaire de risque, besoin d’adrénaline et provocation assumée.

Le psychologue me demande pour quelle raison je réalise ces infractions. Le but est de me faire comprendre que ma conduite n’est que le reflet de mon comportement et de mon caractère.

Phrase choc : « Monsieur Lucas, vous vous plaignez de vous faire prendre souvent à 132 km/h… Oui c’est dommage, mais ce que j’en dis, c’est que pour rouler à cette vitesse, vous êtes au contraire extrêmement précis. Trouvez autre chose. »

Bingo, je cogite… Cela colle d’ailleurs avec mon esprit retors, voire tordu, et provocateur… Question, pourquoi est-ce que ça m’amuse, est-ce que je ressens le besoin de jouer… au con ?

Le stage devient intéressant, l’esprit colonie de vacances du groupe laisse la place à la réflexion. On a envie de savoir ce qui nous pousse à rouler comme ça ! Oui, tout ça je le savais un peu, déjà, mais le fait d’être avec 20 autres « cas sociaux » me pousse à prendre du recul, ce que je ne fais jamais.


Étape 3 : nous faire réfléchir

Par groupe de 6 personnes, le psy nous donne un mot à décliner à travers un champ lexical. Le mot de mon groupe est… vitesse. Après 15 minutes de réflexion, on sort une trentaine de mots que l’on doit ranger par catégorie… Et pour finir, on doit produire une phrase avec ces 3 catégories trouvées ! Croyez-moi ou non, sans intervention extérieure, la phrase que nous sortons est la suivante : « L’utilisation de grosses cylindrées sur la route génère autant de plaisir que de peur. » C’est un peu alambiqué, mais c’est la seule phrase cohérente que l’on a trouvée avec les mots « peur », « plaisir » et « grosses cylindrées »

Phrases chocs du psy :

« En 1972, tout le monde roulait vite. La vitesse était synonyme de plaisir à ce moment-là, mais il y avait aussi des dizaines de milliers de morts sur la route. On appelait ça la liberté. Aujourd’hui, vous savez qu’il y a des risques à rouler vite ou de manière inadaptée. Vos parents ne mettaient pas la ceinture, vous ne vous posez même plus la question, vous la mettez. Les mentalités ont évolué. Aujourd’hui, vous le dites vous-même, la vitesse génère autant de fascination que de peur… »

« Les lois sont rigides, mais elles sont aussi là pour vous protéger de vous-mêmes. Les quelques instants de plaisir que vous recherchez valent-ils les risques que vous prenez ? »


Étape 4 : gestion du risque

C’est un thème central de la réflexion : les risques que l’on prend sur la route. La majorité des stagiaires partagent les mêmes défauts : insouciance et prise de risque assumée.

À ce moment-là, je prends la parole pour dire que les amendes génèrent quand même 800 millions de recettes pour l’Etat, et que si on regarde la courbe de la mortalité, elle descend de manière régulière, avec ou sans radars…

Phrases chocs du psy:

« Prenez des risques pour quelque chose qui en vaille la peine… Faites des enfants, montez des entreprises ! Les amendes rapportent 800 millions, monsieur Lucas ? Très bien… Le coût de la sécurité routière, c’est 23 milliards par an. Ne prenez pas le risque de faire peser sur la société la charge de votre assistanat ou de celui d’un tiers. »

Je vous avoue que cette repartie, probablement préalablement préparée, a le mérite de me faire taire quelques minutes…


Étape 5 : la solution est en nous !

Phrases chocs du psy:

« Vous l’avez compris, vous ne sortirez pas ici en étant des anges, personne ne vous le demande. Quand on vous donne le permis, vous ne savez pas conduire, mais on vous autorise à apprendre avec les autres, sur la route…

Ici c’est pareil, vous trouverez progressivement vos propres solutions. Monsieur Lucas, vous avez acheté une Toyota Prius, et vous dites que cette auto a eu des effets bénéfiques sur votre conduite. Monsieur T., vous mettrez systématiquement votre portable dans la boîte à gants pour ne pas être tenté, pourquoi pas ? Prenez-vous en main, la plupart de vos contraventions sont débiles et largement évitables. Ensuite, ce sera le cercle vertueux…

Vous aurez l’impression d’être aussi de meilleurs conducteurs, et pour votre adrénaline, trouvez quelque chose de plus fort que la vitesse… »


Décidément, ce stage continue de m’étonner… À aucun moment on n’a insisté sur les chiffres, sur notre culpabilité… n’est-il pas judicieux que nous ayons tous cette réflexion, quel que soit l’état comptable de notre permis ?