Née peu après les deux chocs pétroliers des années soixante-dix, la Matra Rancho n’était pourtant pas une voiture de crise. Voiture verte et de loisir, familiale ou utilitaire, routière et citadine, elle se voulait une réponse optimiste à un marché en plein désarroi.

"Baroudeuse du Bois de Boulogne, Jeep d'opérette, camionnette des bacs à sable, la Grosse dame de Saint Tropez"... la Matra Rancho suscita bien des quolibets. Les purs et durs ne la prenait pas au sérieux, les écolos la trouvaient snob et enfin, certains aristocrates du Tout Terrain rappelaient sans cesse ses origines prolétaires. Mal aimée, la Rancho ? Peut-être, mais sans doute plus sûrement jalousée, parce que inclassable et marginale. Mais aussi séduisante à sa façon. Elle connut d'ailleurs un succès commercial aussi fulgurant qu'imprévu et reste, à ce jour, le modèle le plus vendu par Matra. Un feu de paille trop vite consumé, mais qui marqua un tournant décisif dans l'histoire de la marque et de son avenir.

Lorsqu'elle est conçue, la crise pétrolière touche de plein fouet les ventes de voitures sportives. Pratiquant la monoculture avec le coupé Bagheera, Matra se sent rapidement menacé. Pour Philippe Guédon, le directeur de la branche automobile, il devient urgent de diversifier la production, sans toutefois réduire ses ambitions. Une voiture de crise tristement économique à la limite du "masochisme automobile" ne le satisferait pas. Pas plus que son équipe qui partage son enthousiasme pour l'innovation et une certaine audace conjuguant de hautes technologies avec de géniales improvisations.

Observant le succès du Range Rover, l'engouement des jeunes pour les motos vertes et les Buggys, Guédon soupçonne l'émergence d'un marché des voitures de loisir. Il propose l'idée à Jean-Luc Lagardère, mais le patron de Matra n'est pas chaud. Il finit par donner son accord mais à condition que le projet coûte le moins cher possible. Avec un budget des plus étriqués, Guédon et son équipe sont obligés de revoir leurs ambitions à la baisse. Le véhicule devra donc se contenter d'une transmission classique à deux roues motrices et pour réduire les coûts, la majorité des éléments mécaniques sera puisée dans la banque d'organes de Simca-Chrysler, le partenaire industriel de Matra. Ainsi, la plate-forme allongée d'un pick-up de Simca 1100 fournit la structure, la boîte de vitesses vient du modèle 1307, le moteur sera prélevé sur la 1308, les freins, la planche de bord, volant, garnitures intérieures sont ceux de la 1100 Ti... "C'est la recette du pain perdu appliquée à l'automobile. Je mets au défi quiconque de produire une voiture avec aussi peu d'argent.'" se souvient Philippe Guédon. Il réussira pourtant à élever l'art d'accommoder les restes au rang du trois étoiles, car la Rancho aura fière allure.

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