Corps à corps


L’Aventador est une avancée technologique spectaculaire pour une aussi petite structure. Certes, Lamborghini peut s’appuyer sur la banque d’organes VW pour tout ce qui est câblage, software …etc soit tout ce qui est invisible mais les italiens sont fiers de développer tout le reste. Il n’y a rien de pire pour eux de s’entendre dire qu’il y a de l’Audi dans leurs produits. Sur Aventador, même la clé de contact a été personnalisée.


Les Virées Caradisiac - Lamborghini Aventador : la corrida de l’amour

Aventador c’est d’abord une cellule carbone innovante (car réparable) et façonnée grâce à des technologies brevetées maison. Sur des treillis avant et arrière en alu viennent se greffer les trains roulants, la crash box avant et le V12 à l’arrière. L’Aventador est une 4 roues motrices (système Haldex) qui possède également un amortissement piloté qui se durcit en fonction de votre façon de conduire. Le V12 de 700 ch à 8250 tr/mn et de 690 Nm de couple à 5500 tr/mn qui sera poussé à 800ch sur la future SV possède un échappement à clapets qui fait résonner le taureau très loin dans la montagne en fonction du mode de conduite choisi. Ils sont au nombre de 3 – Strada, Sport et Corsa – les 2 premiers étant accessibles en mode manuel ou automatique. Comme sur la Gallardo, cette hiérarchie propose d’améliorer à chaque step la réponse moteur et le passage des rapports de la nouvelle boîte robotisée à simple embrayage ISR. Si en mode Corsa, on parle de 50ms, dans les faits le coup de canon envoyé dans les entrailles du monstre fait mal et, consciemment ou pas, tout être normalement constitué souhaitant préserver sa machine prendra la peine de lever le pied de l’accélérateur pour engager le rapport supérieur en douceur. Autant sur la Gallardo, rester pied dedans est supportable, autant ici c’est réellement douloureux. Et assez effrayant pour tout dire.


En fait, la plus grande surprise lors d’une prise en main d’Aventador, c’est de constater qu’à côté, une Gallardo est une gentille voiture confortable et plutôt prévenante ! Oui, c’est possible. La puissance de l’Aventador s’exprime en ville par une légère difficulté de la boîte à gérer le patinage et se mouvoir dans la cité ne se fait généralement pas de façon fluide. Il faut rouler sur un très très léger filet de gaz pour éviter des gros à-coups alors que le mode automatique qui s’amuse à passer les 7 rapports à 3000 tr/mn (donc en 200m) va vous faire opiner du chef comme un neuneu écoutant un tube électro à grosse densité de bpm. C’est ridicule et pas agréable, sauf pour les passants qui se marrent.


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De ce point de vue, une Gallardo est une parfaite citadine quand l’Aventador réclame les grands espaces. Autre surprise, elle ne rechigne pas non plus à l'attaque des espaces plus réduits ! En effet, le temps où les supercars ne roulaient qu’en ligne droite et lisse (autoroute récemment bitumée) puis impressionnaient les journalistes en leur collant la peur de mourir à la première accélération, la peur de mourir en refusant de tourner autrement qu’à l’accélérateur, la peur de mourir en vrillant joyeusement sous la contrainte est révolu. L’Aventador est collée par terre par ses Pirelli P-Zero et son châssis rigide qui imposent des contraintes physiques assez inimaginables. Vous prenez conscience du grip latéral lorsque vos abdos se rappellent à votre bon souvenir. Les sièges n’étant pas des baquets de compétition, ce sont vos muscles qui combattent les G latéraux que vous encaissez. Dès que vous haussez le rythme, les sensations n’agitent pas que vos neurones mais aussi votre physique. Il faut jeter sur le banc des accusés la suspension beaucoup plus ferme que sur la Gallardo mais aussi la motricité parfaite même en ESP Sport (nous n’avons pas essayé le ESP off. La première fois, on ne sort jamais le grand jeu non ?) et les freins carbone céramique qui vous incitent à réaccélérer de plus en plus tôt et à freiner de plus en plus tard à chaque courbe qui se présente. Ainsi menée, la traction intégrale qui renvoie du couple vers l'avant rend la direction plus virile, elle demande alors une belle poigne pour être manœuvrée. Il y a ensuite la furie du V12 qui de onctueux en bas, devient rageur à mi régime et vous transforme en projectile longue portée dans la seconde. Avec une telle santé, le virage suivant se présente alors que le V12 pousse à pleine charge (690 Nm à 5500 tr/mn) et au moment où vous levez le pied pour accrocher les freins en urgence, les muscles de votre cou qui luttaient pour contrecarrer la poussée du V12 et tenir votre tête droite se retrouvent subitement sans aucune opposition. Votre tête part alors violemment en avant. Si sur les premiers kilomètres, votre forme physique de conducteur habituel de Renault Laguna diesel (ça marche aussi avec les conducteurs de Honda Civic Type R) suffit à compenser, au bout d’une vingtaine de kilomètres, il en va tout autrement. Vouloir pousser une supercar est psychiquement jouissif et physiquement épuisant.

Il y a longtemps que je n'avais pas eu mal au bras, aux abdos et au cou en sortant d'une auto. Sans avoir subi d'accident, j'entends.


Jusqu’au bout du plaisir ?


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Avec cet engin débarrassé des tares conceptuelles de ses aînés et donc extraordinairement efficace, on entre dans une transe fusionnelle étrange. La vigueur du V12, plus sonore à l’extérieur qu’à l’intérieur (roulez vitres ouvertes), fait que l’on n’a jamais l’impression de réclamer beaucoup à l’auto. Un moteur qui hurle est généralement synonyme de vitesse pour notre cortex qui, renseigné par cette sonorité, va informer le conducteur qu’il atteint un palier. Nous avons tous une perception auditive de la limite en automobile, du niveau au-delà duquel il ne faut pas aller. En Aventador et probablement avec tous ces engins à V12 de plus de 600 ch, cette perception peut amener vers l’abime. Littéralement.


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Le parallèle avec l’Empire des sens est à nouveau évident. En Aventador, alors que la vue s'habitue facilement à la vitesse, vos autres sens vous indiquent à chaque accélération que vous n’utilisez qu’une partie (la moitié ?) du potentiel de l’usine à gaz derrière vous. Ensorcelé par la sonorité envoutante que vous savez encore plus frissonnante 2000 tr/mn plus haut, soulé par la facilité d’inscription de l’auto, bombardé d’adrénaline par l’ambiance du moment, rassuré par vos capteurs sensitifs qui vous donnent l’impression d’être loin de la limite, vous cherchez à augmenter le rythme pour connaître un palier supplémentaire de jouissance. C'est à ce moment qu'il faut dire stop . Si avant de lire cet article, vous avez pris connaissance de l’histoire complète du film comme je vous le conseillais au début, vous connaissez l’épilogue de la Corrida de l’amour. Laisser les sens gouverner sa vie, c’est aller dans le mur le sourire aux lèvres.


En Lamborghini Aventador, c’est un peu la même chose. Elle est une supercar magnifique, stratosphérique, incroyable d’efficacité et de performances (2.9s de 0 à 100 km/h), une vraie usine à sensations. Le monstre a été domestiqué mais on perçoit très bien (et très vite) que s'il accepte qu'on s'amuse avec lui, il lui suffit d'un simple coup de patte pour vous arracher la tête. Les plus anciens regrettent qu’elle ait perdu le côté intimidant de sa conduite, caractéristique récurrente de ses devancières, j’ai tendance à penser que le fait de dire que « c’était mieux avant parce que c’était moins bien » reflète plus la peur de vieillir de son auteur qu’une réalité concrète mais il faut tout de même admettre qu’une auto de ce pedigree là ne doit s’aborder qu’avec raison et humilité. D’une part, parce que l’ivresse de sensations peut être mortelle et ensuite parce qu’il n’est pas interdit de s’incliner devant le chef d’œuvre que l’Aventador représente. À tous points de vue.


Les Virées Caradisiac - Lamborghini Aventador : la corrida de l’amour