De la Mirage... à la GT 40

La décision brutale de la CSI décidant de faire cohabiter prototypes de 3 litres et sport de 5 litres est loin de faire l'unanimité. Chaparral se retire au Texas, Ferrari s'offre une année de bouderie sabbatique tandis que Matra, Alfa Romeo et Alpine paraissent un peu tendres pour jouer les premiers rôles. Porsche fort de sa longue expérience des petites cylindrées fait figure d'épouvantail mais Wyer décide une nouvelle fois de relever le défi avec ses bonnes vieilles GT 40 homologuées en catégorie sport depuis longtemps. Profitant du flou de l'époque, il décide d'exploiter à fond les largesses du règlement. Deux des trois Mirage construites en 67 sont donc modifiées pour ressembler au mieux à des GT 40 "basiques". Vues pour la première fois aux 24 heures de Daytona en février 68, les voitures aux couleurs Gulf n'ont ainsi plus grand chose de commun avec de classiques GT 40.

Si leur ligne conserve un air de famille prononcé, elles se distinguent par une silhouette nettement plus compacte et agressive, un pare-brise plus large et des passages de roues arrière élargis. Toutefois, c'est sur la balance qu'elles affirment leur véritable personnalité. L'utilisation intensive de titane allié à une carrosserie en fibre de verre renforcée de filaments de carbone permet de frôler les 950 kg, soit un gain de 150 kg. Côté moteur, les GT 40 contraintes retrouver le V8 4.7 litres peuvent tout de même tabler sur une puissance de 410 ch (puis 470 ch avec le 4.9 litres homologué en juillet 68) grâce au montage d'une culasse Gurney-Weslake. Un cocktail qui ne tarde pas à dévoiler son tempérament explosif. Ickx, auteur de la pole à Daytona, bat nettement le record officieux de la piste établi en 67 par Dan Gurney au volant d'une Ford 7 litres. Trahies par leurs transmissions à Daytona et à Sebring, les GT 40 Gulf prennent leur revanche à Brands Hatch puis à Monza, Spa et Watkins Glen. A la veille des 24 heures du Mans, exceptionnellement disputée en septembre pour cause de printemps chaud, Porsche et Ford sont à égalité quatre victoires partout. Privé de son équipage vedette-Ickx blessé au GP du Canada et Redman blessé au GP de Belgique- il décide d'associer le fougueux Pedro Rodriguez à l'expérimenté Lucien Bianchi pour cette grande finale du championnat. Le duel va tenir toutes ses promesses.

Les Porsche impriment un train d'enfer pendant les premières heures de course avant de disparaître les unes après les autres. Rodriguez et Bianchi ne font aucune faute sous la pluie de la nuit tout en maintenant une cadence élevée qui leur permet de contenir le baroud d'honneur de la Matra de Pescarolo-Servoz Gavin. Le rêve bleu s'envole dans la fumée d'un pneu éclaté et la Ford finit par s'imposer avec 5 tours d'avance sur la Porsche 907 de Spoerry-Steinemann. Wyer avait vu juste: une GT 40 est bien capable de gagner au Mans et il savoure son triomphe sur les "technocrates" de Detroit. Cette victoire qui offre à Ford un second titre mondial donne enfin l'occasion d'un vrai dégel des relations entre les deux partenaires.

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